Chapitre 28

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-attention, scène de sexe à la fin du chapitre-

Chapitre 28

Kita avala sa dernière cuillère de soupe lorsqu’une fillette se présente à elle. Assise en tailleur, la jeune femme dut lever la tête pour croiser le regard de la petite, et quel regard ! Des iris d’un vert si intense, si profond, si irréels qu’elle croyait fixer les prunelles d’un dorakkar. Ses cheveux n’avaient à pâlir que devant la mythique neige des terres centrales. Tous les enfants arboraient d’une tignasse blanche soigneusement teinte par leur mère. Ils l’abandonneraient au profit de leur véritable couleur le jour de leur entrée dans l’âge adulte.

—Comment il s’appelle ?

Elle fixait le bâshki qui, du bout du museau, tapota le bol.

—Tâches de Myosotis.

—Tu l’as appelé comme ça parce qu’il est bleu et violet ?

—Je l’ai baptisé ainsi grâce à son œuf.

De mauvais foncé et de bleu pale, la coquille arborait une couleur bien fade face à l’œuf d’argent liquide d’Etoile, la femelle la mieux notée de leur écurie au concours de la Breille.

—Il est beau et grand.

Kita ne put retenir un éclat de rire.

—Grand ? Les bâshkis sont ridiculement petits. Tu n’as pas encore vu de dorakkar, n’est-ce pas ?

La fillette secoua la tête. Ses boucles blanches voletaient devant ses yeux.

—Ils sont un peu plus grands que des chevaux. Ils ont six ailes, une échine dardée d’épines et une queue fendue en deux.

—Ils sont méchants ?

—Aucun chien n’est méchant. Il existe seulement des chiens mal éduqués, pourquoi est-ce que ce serait différent avec des dorakkars ?

La petite haussa les épaules.

—Maman raconte beaucoup d’histoires sur des dragons méchants. Mais celui-là, il n’est pas méchant.

—Parfois, il est un bougon comme tu l’es aussi de temps en temps.

Elle adaptait son vocabulaire à l’enfant. Les nomades maîtrisaient tous la langue Horzienne à la perfection, elle n’en restait pas moins une étrangère. Malgré quelques froncements de sourcils devant certains termes nouveaux (dont celui de dorakkar) elle ne semblait pas éprouver de difficultés.

—Tu accepterais de me répéter les histoires de ta maman ?

—Elle les récitera ce soir devant tout le village. Maman est la meilleure conteuse même si celles de Chobri sont bien aussi. Tu pourras les entendre.

—J’adorerais.

—Maman dit que je fois te montrer où sont placées les peaux. Ensuite, tu devras les aider à coudre des manteaux.

—Des manteaux ?

—Nous les fabriquons pour les Hommes de Glace. Ils traversent la Mer de Lune parce que les nôtres sont les plus chaudes.

Cette information la surprit. Le commerce entre les deux continents se concentrait sur de grands axes. Elle s’étonnait que les hommes traversaient la mer de Lune pour quelques fourrures, surtout que la majorité de ces individus préféraient le confort de leur palais à la chasse.

—Comment t’appelles-tu ?

—Kleïta. Et ton nom à toi, c’est Kita.

—Oui, c’est un diminutif. Mon vrai prénom est Kitaya.

—Kita, c’est plus court. Je préfère t’appeler comme ça. Emmène ton bol, on va le laver là-bas.

La cavalière se redressa sur ses jambes et suivit Kleïta. Elle piocha une louche et imbiba son récipient d’eau. Kita le frotta avec ses doigts, en élimina les restes de nourriture. Après trois louches, la petite jugea l’objet propre. La fillette lui présenta un monticule de fourrures arrachées de leurs proies. Les femmes les tannaient et en fabriquaient des vêtements assez chauds pour supporter l’humidité et suffisamment léger pour éviter de suffoquer. Un art que la dresseuse ne tarderait pas maîtriser. La gamine la présenta aux femmes. Une fois la tâche accomplie, la petite s’éclipsa non sans une dernière demande surprenant à Kita :

—Tu peux me prêter Tâches de Myosotis ?

—Pourquoi ?

—Je veux lui montrer le clan.

Bien qu’elle ignorait ce qu’un animal retirerait de ces instructions, l’enfant ne lui voulait aucun mal. Elle s’apprêtait à refuser lorsqu’une des femmes intervint :

—C’est un honneur que tu ne peux refuser, Kitaya Undoriel, maîtresse des dragons. Les enfants ne proposent pas leurs services à tous les étrangers. Accepte et ton ami reviendra grandi.

La cavalière jaugea la fillette, ses prunelles pénétrantes, identiques à celles des autres membres de sa tribu puis son bâshki. Comme hypnotisée, Tâches de Myosotis s’envola pour se poser sur l’épaule de la jeune nomade. Il émit un petit cri à l’adresse de sa maîtresse, médusée. S’il appréciait certains des voyageurs que lui présentaient sa compagne, jamais il ne la dédaignait de la sorte.

Une fois la gamine parte, une des femmes la détrompa :

—Viens t’asseoir entre nous et je conterai pourquoi nos enfants sont si spéciaux. Prends une aiguille et une cordelette. Sais-tu de quoi elles sont faites ? Celle-ci est taillée dans une dent, les cordes sont des nerfs séchés. Nous avons tanné ces pièces, nous les coupons et les assemblons. Nous nous dirigeons souvent vers la mer de Lune, là où la froidure remplace la chaleur de tes terres natales. Nos ancêtres ont érigé sur le sommet des collines bordant les berges des temples en l’honneur de notre Déesse. Connais-tu le froid, Kita.

La jeune femme secoua la tête.

—Je n’ai pas voyagé souvent.

—Il est difficile d’expliquer ce qu’est le froid à une personne qui ne l’a jamais enduré. As-tu déjà rencontré une personne à la peau glaciale ?

La femme s’exprimait d’un ton doux sans jamais relever les yeux de son ouvrage. Ses cheveux noirs, enroulés en deux longues tresses autour de sa tête dévoila une nuque délicate, même si elle dépassait de dix ans l’âge de Kita. Nouveau signe de tête.

—Imagine une personne à la peau glacée qui t’étreint. Ta chair brûle, tes joues rougissent, tes doigts s’engourdissent. Tes poumons crient alors qu’ils se nourrissent d’un air pourvu de milliers de couteaux. Le plus terrible est la faim. Les animaux sont maigres et même si nous ne sommes pas les plus nombreux, nous sommes plus d’une centaine en comptant les vieillards, les enfants et les nouveau-nés.

Enfin, sa tête roula sur son cou et Kita remarqua de saisissants yeux bleus. Toutes les personnes avaient des iris perçants, d’une beauté inoubliable, surnaturelle. Un trait génétique qui se transmettait d’une génération à l’autre.

—Kleïta m’a dit que vous créez des manteaux pour des hommes glaces, éluda la jeune femme.

Un large sourire étira ses lèvres.

—Kleïta a toujours eu beaucoup d’imagination. En réalité, nous les posons sur des hôtels, la silhouette que croit avoir vu ma fille est celle de Liu-Yella, notre Déesse. Elle refuse de croire qu’une force supérieure à la nôtre, quelle qu’elle soit se présente à elle. Kleïta préfère se convaincre d’avoir aperçu un Homme des Glaces.

—C’est une grande responsabilité que de voir des Dieux, reprit une deuxième femme.

Elle avoisinait la cinquantaine comme le confirmaient les ridules au coin de ses yeux et à la commissure de ses lèvres.

—Pourquoi un Homme-Glacier ?

—Tout ce peuple nature habite à l’Andürin, peut-être pour se vanter devant ses amis, peut-être croit-elle avoir distingué des cornes et une silhouette élancée.

Personne ne semblait remettre en cause cette apparition. Une forme dans le brouillard n’aurait-il pas abusé la fillette ? Une imagination fertile, une ombre dansante et l’illusion se formait déjà dans les esprits.

—Notre petite Kleïta est promise à un grand destin même si elle souhaite l’ignorer pour l’instant. Alors, nous la considérons comme une enfant de son âge. Voilà, glisse la cordelle dans le chas. Parfait. Vois les trous, maintenant. Joins-les.

Kita s’appliqua à la tâche, reconnaissante aux femmes de leur chaleureux accueil.

—Vous avez dit que vos enfants sont spéciaux.

Elle les incitait à répondre.

—Quand je parle de nos enfants, je ne parle pas des miens ni de ceux de la tribu. Je prends en compte tous les enfants de Naarhôlia. Jusqu’à ce que leur corps change, ils conservent leur innocence. Cette innocence voile les atrocités de ce monde. Kleïta est le meilleur exemple : elle oublie qu’elle porte en elle un avenir hors du commun. C’est une enfant, avec des problèmes d’enfants.

—Et mon bâshki ? L’a-t-elle choisir pour une raison particulière ?

La femme s’esclaffa.

—Ils oublient vite où est le danger. Elle n’a pas conscience que les dragons sont aussi féroces que majestueux. Pour eux (d’un signe de tête, elle désigna un groupe de gamins de différents âges amassés autour de la petite), ils sont simplement fascinants.

Cette fois, son air enjoué laissa place à un masque de tristesse. Ses yeux fixèrent un point invisible, au-delà de son œuvre.

—J’ai entendu le ton que vous employez pour parler avec ce… bâshki. Vous le considérez comme un être inférieur. Acquis qui plus est. C’est dommage, c’est une grande perte.

La cavalière fronça les sourcils. Elle avait évité avec soin de ressembler aux maîtres cruels qui maltraitaient leurs animaux. Elle se plaisait à penser qu’un lien de confiance mutuel s’était créé entre eux.

—C’est un bâshki domestiqué. Il est normal d’avoir un rapport dominant-dominé.

—Notre peuple a toujours considéré les animaux comme des entités à part entières. Nous croyons qu’après la mort, la Déesse nous octroie de nouvelles vies dans un différent corps. L’ourse que vous avez tuée la veille est peut-être votre défunt mari.

—Dans ce cas, chasser est un crime.

Kita ne portait aucun jugement dans sa voix. La jeune femme cherchait à comprendre, à s’ouvrir à leur vision du monde tandis que l’aiguille serpentait entre ses doigts maladroits. Les femmes, loin de critiquer ses interventions malhabiles, expliquaient leurs mœurs et coutumes avec simplicité, toujours sans relever les yeux de leurs ouvrages.

—C’est le cours de la vie. Nous avons besoin des animaux pour nous nourrir, nous vêtir, construire nos chariots et nos tente. Nous récupérons tous sur les cadavres pour que la mort n’ait pas été inutile. La nuit suivant la chasse, nous leur offrons une veillée afin de les remercier de leurs sacrifices. Nous aussi, un jour, nous mourrons, nous renaîtrons et nous serons tués pour la survie de nos enfants. C’est ce cycle qu’a choisi notre Déesse. Faites un nœud maintenant. Oui, comme ceci.

Derrière les silhouettes fluettes et les épaules carrées des adolescents, la cavalière discernait le violet moucheté des écailles de Tâches de Myosotis contrastant sur le brun de leurs habits et le blanc de leurs cheveux.

—Je vous l’ai dit : elle le considère comme une âme avec un corps différent du sien. Essayez la prochaine fois. Kleïta lui rendit son animal durant la matinée. Le bâshki, loin d’être changé, se nicha sur sa tête, sa longue queue oscillant derrière son oreille. Un enfant accourut vers les femmes, les interrompant :

—Ils sont là ! Pépia-t-il, excité.

Sans précipitation, elles rangèrent les peaux devant une Kita perplexe.

—De quoi parle-t-il ?

—Un troupeau de cerfs approche. Nous allons les prendre en chasse.

La cavalière s’étonnait d’une telle agitation chez ses compagnes. Où étaient les hommes ? Les femmes abandonnèrent leur pelisse, étirèrent leurs membres avant de s’attrouper autour d’un traîneau exposant diverses armes. Les rayons du soleil ricochaient sur le métal : des haches, des arcs, des lances, des instruments dont elle ignorait l’utilité mais sommaires et faciles à transporter.

—Dans notre tribu, les femmes sont les égales des hommes. Nous chassons et veillons sur nos proches autant qu’ils cousent, cuisinent et s’occupent de l’éducation des enfants.

Kita parcourut le camp du regard.

—Vous aviez dit être plus d’une centaine. Où sont les autres ?

La femme arborait un nez proéminent, un bec d’aigle qui rendait ses traits fins sévères et tirés.

—Nous nous déplaçons la nuit. Une moitié de la tribu dort une fois le camp dressée jusqu’à ce que le soleil soit le plus chaud puis ils prennent notre place. Nous, nous regagnerons notre tente après la chasse jusqu’au soir.

Quelques adolescents les rejoignirent et la majorité opta pour des lances. Kita préféra une hache. Ils sortirent du camp pour s’enfoncer dans la lande. Poussée par la curiosité, un jeune homme s’approcha d’elle et avec ses formidables yeux noirs lui demanda silencieusement s’il acceptait sa compagnie. Ils paraissaient avoir le même âge, peut-être un an ou deux plus jeune. Contrairement à tous ces amants qui avaient partagé son lit plus d’une nuit, ses cheveux effleuraient le bas de ses omoplates. Kita lisait son désir dans ses prunelles : il avait envie d’elle. Ses entrailles se nouèrent et elle lui affirma d’un hochement de tête qu’elle partagerait sa couche.

La chasse se révéla décevante : deux lapins et une perdrix tous abattus par une flèche. Ils regagnèrent le campement sous les bâillements des femmes plus âgées. Les jeunes les plus éprouvés par la fatigue se dirigèrent vers leurs tentes alors que ne nouveaux membres de la tribu les fixaient, elle et ses compagnons. Après quelques rapides paroles, ils leur souhaitaient leur bienvenue. Kita et le jeune homme, Lance-de-Fer décidèrent d’un commun accord de ne savourer la tranquillité de sa tente qu’après une courte veillée, au milieu de l’après-midi. Devant les proies, hommes et femmes murmurèrent des prières en guide de pardon. Les chasseresses abandonnèrent leurs armes. Kita proposa à un homme de vider les lapins de leurs entrailles et de les départir de leur peau. Il hocha la tête avec un sourire, heureux de l’aide proposée.

—Vous connaissez mon nom mais personne ne me dit le sien, remarqua Kita.

—Nos prénoms ne sont pas choisis à la naissance. La Déesse nous les révèle une fois notre âme sondée. Nous le partageons seulement avec nos mères, nos épouses lorsque nous avons suffisamment confiance.

—Comment vous adressez-vous aux autres si chacun garde son nom secret ?

—Nous sommes les pères, les fils, les époux, les oncles, les frères. Parfois nous gagnons un surnom qui reflète nos qualités.

—En quoi ce surnom est-il différent de celui donné par votre Déesse ?

L’homme la couvait d’un regard doux malgré ses gestes rapides, précis et mesurés sur sa proie.

—Notre tribu voit ce que nous voulons qu’elle voit : notre ardeur à la chasse, notre gentillesse… Liu-Yella perce notre âme, ce que nous aimons mais aussi ce que nous préférons cacher. Ce prénom reflète ce que nous sommes.

Kita enviait sa force de conviction et surtout la preuve que leur fournissait Liu-Yella dans la vision de Kleïta. Elle remerciait leurs prières en leur affirmant leur présence, ce qu’Ombala n’avait jamais fait. D’un geste plus sec qu’elle ne l’avait souhaité, le couteau glissa sans le ventre de l’animal et le sectionna presque en deux. Surpris, l’homme l’interrogea du regard.

—Nous n’avons jamais reçu de signe de notre vénérée Déesse-Mère, Ombala. A croire qu’elle nous ait oubliés.

—Les Dieux ont leur raison de se montrer ou non. Ayez simplement confiance en elle.

La foi, Kita ne sait plus ce que c’était. Elle se surprit à se confier :

—Les Dieux ne m’ont jamais soutenu malgré les prières que je leur ai adressées depuis ma naissance. Aujourd’hui, je n’ai plus de foyer ni de famille. Je n’ai plus de but.

—Croyez en elle. Qu’y perdez-vous à essayer ?

—Ma raison, répondit-elle avec sincérité.

Sa vie n’avait été qu’un tissu de mensonges ; une illusion qu’elle s’était créée. Son frère était mort, son père la haïssait et, elle en était sûre à présent, les Dieux n’existaient pas. S’ils vivaient, ils ne laisseraient pas une croyante fervente s’engluer dans le doute. Autrefois, elle aurait considéré cette épreuve comme un test, aujourd’hui cette réaction lui semblait pathétique.

—Si vos Dieux ne vous donnent pas satisfaction, murmura l’homme, pourquoi ne pas vous tourner vers notre bien aimée Liu-Yella ?

Kita mordilla sa lèvre en retournant la peau du lapin, elle refoutait sa réponse et craignait de l’offenser. A la place, elle s’excusa :

—Je fois faire le deuil de mes croyances. Lorsque je serai prête, je penserai à vous.

Un sourire chaleureux se dessina sur son visage :

—Peut-être pourriez-vous-même envisager votre vie avec nous.

La cavalière haussa les sourcils, surprise de cette proposition.

—Vous ne seriez pas la première. C’est plutôt rare que des étrangers nous rejoignent, la plupart ont de la famille. Vous, vous ne dépendez de personne.

Kita haussa un sourcil : comment le savait-il ?

—Nous n’intégrons pas ceux dont ne nous connaissons pas l’histoire dans notre tribu. L’un de vos compagnons a du parler.

Reikoo. Il ne pouvait s’agir que de lui. Que leur avait-il sur son compte ?

—Je… C’est une proposition intéressante.

—Nous sommes nomades mais libres. Nous vivons selon nos propres règles, nos propres lois. Si demain elles venaient à nous ennuyer, nous les rajustons.

—Je ne peux pas me décider maintenant. J’ai une quête à mener et mes camarades comptent sur moi.

Un demi-mensonge.

—Oh, je ne parlais pas de toute de suite mais lorsque vous aurez muri, pris le temps de vous demander ce que vous vouliez faire à Naarhôlia avant de gagner la terre.

Elle supposait que « gagner la terre » était une métaphore de la mort. Elle ne put refuser cette proposition, non pas car elle craignant la réponse du nomade mais la sienne. Ils terminaient à peine leur tâche, entrecoupée par les réflexions de la dresseuse que la prêtresse appelait ses fidèles à la prière. Kita apprit qu’elle en organisait trois dans la journée : une le matin, une autre l’après-midi, la troisième une fois tout le monde éveillée avant le départ. Tous les membres du clan répondaient à sa présence, vieux et enfants, hommes et femmes, même ses compagnons se pressaient autour de l’aïeule. Elle se déplaçait voutée sur un bâton, une énorme coiffe composée de fourrure de divers animaux, à petits pas. Pourtant, personne ne la bouscula, personne ne lui ordonna de se dépêcher. Ils attendaient tous dans le plus parfait des silences que la prêtresse accède au centre du camp, là où les armes et autres instruments de cuisine s’entreposaient.

Malgré son grand âge, elle parlait d’une voix forte et invita ses fidèles à s’asseoir en cercle autour d’elle. Ils s’assirent, les talons ramenés sous leurs fesses, les mains sur les genoux. Les plus jeunes observaient l’aïeule ou le ciel mais la majorité jetait un voile sombre sur leurs yeux en fermant les paupières. Elle entonnait un chant et frappa par trois fois le sol de son bâton.

Elle s’exprimait dans leur langue natale et inconnue de Kita. La vieille tendit les bras au-dessus de sa tête et, toujours les yeux fermés, désigna le soleil sans jamais interrompre son chant. Au bout de quelques instants, sa voix grave faiblit jusqu’à s’éteindre comme la flamme papillotante d’une bougie balayée par le vent. Kita prit brutalement conscience de son corps et du monde qui l’entourait : les battements de son cœur, sa langue molle et humide frottant contre ses dents, la dureté du sol sur ses fesses, les mèches de cheveux qui chatouillaient ses joues, l’humidité qui la faisait frémir. Enfin, l’aïeule les remercia et le cercle se rompit. La prêtresse retourna à sa yourte en chancelant, soutenue et aidée par deux jeune femmes.

Lance-de-Fer lui tendit la main:

—Il nous reste quelques tranches des vingt-quatrièmes avant de démonter le campement.

—Des vingt-quatrièmes ?

Il s’esclaffa, s’imaginant une plaisanterie mais devant son visage sérieux il prit un air interloqué.

—Tu ne sais pas ? C’est ainsi que l’on découpe une journée.

Kita s’amusait de ce tic de langage où il répondait eux-mêmes à leurs propres questions mais pour la contenter, il n’avait pas besoin de parler.

—Nous parlons d’avant midi, d’après et de nuit.

—Comment savez-vous si c’est proche de midi ou de la nuit ?

—Nous le savons, c’est tout.

Il babillait beaucoup, assez pour que Kita s’interroge. Devant ses gestes nerveux et répétitifs, elle trouva la réponse : il était vierge. Cela lui convenait, l’excitait même. Elle n’avait jamais fait l’amour avec un puceau et s’amuserait à lui apprendre autant la théorie que la pratique. Lui ne se ridiculiserait pas devant une fille de son clan et ne s’inquiéterait pas de l’engrosser. Dans quelques jours, elle partirait dans les montagnes et son ventre fut plein ou non, ce ne serait plu son problème. La dresseuse se garda de lui révéler que ses entrailles étaient mortes, ce détail ne le concernait pas Lance-de-Fer. Elle avait trouvé Kleïta pour lui confier Tâches de Myosotis pour les quelques derniers instants avant l’obscurité. Elle lui avait promis qu’ils dormiraient tous les deux.

Les jeunes gens se glissèrent dans une tente. Elle lui parut confortable. Bon nombre de fourrure étaient étalés. Quand j’en aurai fini avec lui, il regrettera de les avoir étendues. Timidement, Lance-de-Fer coinça une mèche derrière son oreille avant de saisir ses lèvres. Elles étaient maladroites humides, sa langue léchait ses dents. La cavalière la repoussa.

—Pas comme ça.

Elle l’embrassa avec délicatesse puis y mit une ardeur nouvelle. La dresseuse de frotta contre ce corps masculin à des points stratégiques. Elle sentit son vit se durcir contre ses hanches mais cela aurait été cruel de le délivrer aussi prestement. Elle aimait ce rôle d’institutrice.

—Déshabille-moi. Lentement, souffla-t-elle.

Il s’exécuta avec plus d’assurance. Lance-de-Fer caressa ses épaules puis ses seins, taquina ses tétons qui se durcirent.

—Oui, c’est bien, l’encouragea-t-elle.

En confiance, il promena sa bouche sur la courbe de sa mâchoire, délaissa son pantalon. Il s’immobilisa, impressionnée devant l’anatomie féminine, territoire nouveau de conquête. Kita guida ses mains sur ses fesses, dans son intimité, lui montra où caresser. Il découvrit avec gourmandise la moiteur de son sexe, le rugueux de ses poils. La cavalière le débarrassa de ses vêtements, le força à s’allonger sur les fourrures, lui écarta les cuisses. Elle empoigna sa queue. Le jeune homme hoquetait. Elle le caressait de ses malicieuses mains, titilla le gland de sa langue et enfin, s’empala sur lui, les jambes collées à ses hanches. Avec des coups de reins puissants, elle ondula sur Lance-de-Fer. L’orgasme de son partenaire allait poindre. Kita se coucha sur Lance-de-Fer, enlaça ses doigts aux siens pour les attirer sur ses tétons qui pontaient d’excitation. Les abdominaux du nomade se contractèrent et saisit de spasmes incontrôlables libéra sa semence dans le con de la cavalière.

Enfiévré, il la pénétra quelques instants après. Il la culbuta sur le dos, souleva ses fesses et griffa ses reins pour mieux se glisser en elle. Ravie de ce partenaire qui apprenait vite, Kita joua ses jambes autour de son torse. A grands coups de boutoirs et de gémissements, la jouissance le fauche et son sperme macula le sexe de la jeune femme. Alors, il retira sa queue et lécha son intimité, savoura le goût de leurs deux corps réunis. Instruits de connaissances nouvelles, la langue caresse le clitoris et Kita frémit de cette volupté retrouvée. Ce déluge la foudroya et la ravit. Une fois repus du plaisir de la chair, les amants s’endormirent pelotonnés l’un contre l’autre, épuisés, mais heureux d’avoir pu donner vie à leur plaisir.

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