Chapitre 17

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Elle cria et toute son âme, sa colère, sa révolte, son désespoir vibra dans l’air. La douleur la poignarda, l’éventra. Des larmes brouillaient sa vision alors que les yeux vides de son amant se posèrent sur Kita. Il retomba sur le sol, d’un coup sec, sur le ventre, la nuque tournée. Du sang s’échappait de sa bouche, nimba ses lèvres d’or rouge, imbiba l’herbe jaunie. Elles se repaissent de la mort. La flèche perçait son dos comme un bras moqueur qui la narguait. Un nouveau cri comprima sa poitrine, expulsa l’air de ses poumons pour les étreindre. Ses jambes chancelèrent mais une main s’enroula autour de sa taille, la tira loin du cadavre. Avec rage, elle martela ce membre qui la privait du deuil tandis que des larmes ruisselaient sur ses joues.

—Viens ! Sinon ils te tueront aussi.

Les mots se déformaient dans sa bouche ou peut-être n’avaient-ils aucun sens. Elle pleurait et criait encore quand les sauvages s’approchèrent su corps par trois, pour le soulever et l’emporter.

—Que vont-ils faire ? QUE VONT-ILS FAIRE ? S’égosillait-elle.

Leurs visages se tournèrent vers eux, Kita leur jeta mille et une malédiction et promesse de vengeance et mort alors qu’Aroa l’emporta. Il la traina sans difficulté sur quelques pas jusqu’à ce qu’elle consente à le suivre. Les sauvages abandonnèrent la poursuite ; ils avaient trouvé leur proie. Une fois hors de leur portée, la jeune femme glissa des bras de leur guide, s’écroula le visage dans ses mains, les larmes mouillant le charnu de ses doigts. Aucun mot ne se formait dans sa bouche, aucun mot n’aurait pu convenir. Sa poitrine tressauta sous les sanglots.

La perte.

Je l’ai amené à sa mort. Pourquoi personne ne nous a parlé de ces tribus cannibales ?

Car c’était sans l’once d’un doute ce qu’ils étaient. Des monstres dévorant la chair humaine. Ils n’auraient jamais dû se trouver aussi près de Cerralion. Ils voient des dragons imaginaires et oublient les menaces à leurs portes ?

—Relevez-vous, chuchota Aroa.

Elle n’eut pas le temps de rassembler ces dernières forces que Reikoo écarta violement les paumes de ses yeux.

—Nous vous avons prévenu que la mort accompagnait ce voyage. Ne nous faite pas regrettez d’avoir accepté une femme. Cessez de geindre et marchez, sinon…

La suite de sa phrase se perdit mais la hallebarde à son poing offrait une dernière image grotesque à emporter au Paradis Blanc.

—Aroa, Arment, prenez la tête. Nous devons retrouver la rivière.

Le premier hésita puis l’abandonna à Xaelio. Avec un effort surhumain, Kita chassa les larmes du dos de ses mains et se releva.

—Arriverez-vous à tenir ?

Ils sont en train de le dépecer, d’arracher la peau de ces muscles, de le griller à petit feu. Elle se refusa à imaginer cette scène.

—Oui.

La jeune femme n’avait pas le choix mais ne prononça pas ses mots. Construire une carapace lui demanda le reste de la journée. La cavalière répondait laconiquement aux questions qu’ils lui posaient, se referma sur elle-même. Keïdan vint la trouver alors que ces yeux vitreux observaient le ciel.

—Quand j’ai perdu ma femme, je n’ai plus su quoi faire de ma vie. Seul le temps est parvenu à soulager cette douleur mais vous n’en n’avez pas, fillette. Enhardissez-vous.

Kita s’était crue courageuse depuis sa sortie de geôle. En réalité, sa lâcheté atteignait des sommets, transformant même la plus couarde des actions en acte héroïques. Pathétique.

—Merci.

Les jours se succédaient, Xaelio cheminait souvent à ses côtés et s’il n’arrivait pas à lui arracher des sourires, elle en oubliait sa tristesse. Il lui parlait de sa vie de mercenaire, de son amour de liberté, de l’or aussi.

—Et l’argent ne se trouve pas en restant au même endroit. Je ne veux pas que la vie tourne autour de moi sans me happer.

—J’ai rencontré des femmes incroyables, lui exposa-t-il le lendemain. J’ai baisé avec des cations qui répondaient aux critères de beauté de leurs pays : de gros seins, des silhouettes filiformes, des poils pubiens rêches. Y en avait même qui se peignaient pour que les hommes puissent voir où leurs mains se promenaient.

—Une excellente expérience, je m’en doute.

Ses yeux se refroidirent un si cours instant que Kita pensait l’avait rêvé. Ils franchirent les dernières régions sableuses le soir même. Se dressait, en travers de leur chemin, une forêt. De la brume serpentait entre les troncs, si opaque que ses yeux ne purent la percer et sonder les sous-bois. Elle se contenterait de le faire le lendemain. Au feu de camp, les hommes racontaient des histoires. Vraies ou fausses, aux autres de deviner. Ils parlaient de femmes, d’actes héroïques, d’anecdotes coquasses sur des seigneurs et partageaient quelques fois des épisodes intimes de leur vie. Kita ne jouait jamais, sa langue refusait de se délier. Si sa bouche s’ouvrait, des larmes couleraient. Un pleutre ne parasitait pas une place de cette expédition, Reikoo ne manquerait guère de le lui rappeler. De plus, les sanglots étaient bruyants et rameutaient, alors qu’ils progressaient vers leur but, des créatures tout aussi terrifiantes que les tribus cannibales.

Kita étouffait ses pleurs avec la fourrure de son manteau. Une fois que ses dents se refermaient sur les poils, elle s’abandonnait jusqu’à s’endormir d’épuisement. La cavalière se réveillait avec l’aube lasse et usée. Même s’ils ne pouvaient la voir, les preuves de son chagrin marquaient ses joues. Les larmes séchaient alors que la nuit s’étirait et s’incrustaient dans sa peau. Kita resserra la prise de ses mains sur ses bras. Les mouvements de ses compagnons lui apprirent que le départ était imminent. La dresseuse enroula son manteau, le glissa dans son sac, salua Xaelio qui lui présenta une pomme coincée entre deux doigts. De ses dents, elle arracha un morceau, le jus pétilla sur sa langue. Keïdan la fixait, fouet au poing. Elle rassura d’un hochement de tête. Il la considérait comme sa fille.

—Connaissez-vous ces marais ? Demanda le jeune homme en caressant son menton de ses doigts comme il avait l’habitude de le faire.

—Non.

—On dit que de dangereuses créatures rodent là-dedans.

—C’est possible.

Derrière les ombres, la mousse et les herbes, les lianes, une végétation dense cachait n’importe quel monstre, de la grosse chienne aux huit pattes palmées au vermisseau aux glandes emplis de venin. Leur chef s’y enfonça, indiquant la marche à suivre. Des exhalaisons pestilentielles flottaient dans la forêt, si bien qu’ils progressaient la main sur le nez, les feuilles étaient déjà imbibées de cette odeur nauséabonde. Une substance verte recouvrait la surface des points d’eau, des bulles y éclataient. Elle soupçonnait quelques reptiliens y habiter, mes suivre avec attention lors de leurs progression. Le ciel se cachait derrière les feuillages. Les lianes serpentaient jusqu’au sol, s’enroulaient autour des troncs. Je suis certaine d’en avoir vu un ou deux bouger. Des longues racines où s’accrochaient la mousse barraient leur chemin, la plupart s’arquait aussi haut de sa mi-jambe. Du vert, du vert et encore du vert.

Kita se sentait encore plus vulnérable une fois la nuit tombée. Le vert s’assombrissait vite et nombreux étaient les animaux nocturnes dans ces marais.

—Des serpents deux fois plus gros qu’Arment, ricana Aroa en retournant la broche où rôtissait un drôle d’animal.

Une corne au-dessus du museau, deux oreilles et un œil. Une membrane s’étirait entre ses pattes, probablement pour planer. La chair filandreuse plut particulièrement au bâshki.

—C’est un royaume où nous ne sommes pas les bienvenus, renchérit Xaelio après un grondement sourd et des cris perçants lancés par des singes à deux queues.

—Combien de temps encore avant que nous ne sortions de cette jungle ?

—Quatre jours. Peut-être cinq.

Kita comprenait son ton préoccupé : il ne pouvait suivre la rivière à la trace. Elle se jetait dans les marais et ressortait de la forêt en rivière Iss. Elle n’existait pas de chemin à suivre, ils devaient en créer un. Arment et Aroa se malmenaient pour les y conduire en sécurité. Mieux que tous, hormis Reikoo peut-être, ils connaissaient les dangers dissimulés dans les ombres mouvantes de la jungle. Féroces jaguars, alligators sanguinaires, malicieux singes… Des dizaines d’yeux les guettaient, attendaient le moment opportun pour fondre. Seul le feu et les tours de garde leur assuraient une légère protection. Après une journée de marche et un dîner composé d’oiseaux, Kita se lova dans la mousse, son animal à quelques pouces de son visage.

Keïdan secoua son épaule, se désola de la voir éveillée à se ressasser la mort de son ami. Elle haussa les épaules devant ses sourcils froncés. Un doigt en travers de sa bouche, il lui imposa le silence. Ce n’est pas encore mon tour de garde. Pourtant, elle se leva silencieusement, assez pour ne pas réveiller son bâshki et le suivit. Les ombres criaient devant la torche brandie par son compagnon, se tapissaient et bondissaient derrière Kita. Elle sentait la caresse de leurs crocs sur ses talons. La jeune femme pressa le pas.

Soudain, Keïdan s’arrêta devant le rideau de lianes traversé un peu plus tôt. Il s’écarta la torche de la végétation. D’un geste de l’index, il lui indiqua de se glisser derrière. Après un regard perplexe mais teinté de curiosité, elle s’exécuta.

Au sol, toujours la même mousse et sur les arbres, des fleurs écloses aux pétales irisées. Par dizaine, elles chassaient l’obscurité des marais. Emerveillée, elle tendit les doigts pour en cueillir une mais Keïdan secoua la tête.

—Les fleurs meurent une fois coupées de leur tige.

Il lui désigna un cadavre du bout de pieds. Morte, les pétales flétrissaient, les pistils pourrissaient.

—Mieux vaut ne pas toucher ce que l’on ne connait pas.

Elle devinait derrière ces paroles un avertissement et à nouveau, la tristesse l’envahit. Keïdan le remarqua :

—Pleure des journées entières lorsque tu feras ton deuil. Pas maintenant, pas dans trois jours, pas dans une semaine. Tu sangloteras une fois rentrée.

—Je n’ai plus pleuré depuis que nous sommes entrés ici.

—Tu es silencieuse, ça leur suffit pour te juger. Ils t’observent, Kita, et ils pensent que tu es faible. Je ne te dis pas d’oublier ton ami. Je te demande d’attendre le bon moment pour le laisser partir.

—Je m’en souviendrai.

—Ne prends pas cette remarqué à la légère. J’ai de l’affection pour toi. Ces hommes sont des tueurs et tu n’es qu’une petite souris.

Le grelot du chat. Kita savait qu’elle n’était autre que leur jouet, particulièrement pour Xaelio qui la taquinait à coup de griffes dans l’espoir de la voir réagir. Perdue depuis la mort de Maketa, elle ne constatait que de légères caresses, y répondait par hochements de tête et onomatopées.

Son cœur battait pour la survie de son corps, la raison lui en était dépossédée et les hommes l’avaient tous remarqué. Kita pivota pour embrasser le paysage du regard. Des étoiles s’accrochaient à la végétation luxuriante et le muscle entre ses seins ranima se ranima quelque peu. Ce feu ardent avait disparu mais en rallumant les braises, peut-être était-il possible d’en faire danser une ou deux flammes ? Le voyage commençait. Le chagrin et la douleur ne la quittèrent pas mais leurs ombres se recroquevillaient dans son esprit

—Je devrais aller dormir avant mon tour de garde.

La cavalière ne put exprimer ses remerciements Ses pensées chemineraient encore quelques jours avec elle avant qu’elle ne parvienne à les maîtriser et à interrompre leurs incessants jappements. Pour l’heure, Kita souhaitait oublier.

S’allonger dans la mousse la réconforta. Elle écouta les respirations endormis de ses compagnons et en plissant les yeux, elle aperçut une étoile arrachée du ciel

—Vous avez l’air moins… affectée, commenta Xaelio.

Il se trompait. La mort de son amant la hanterait toujours. Jamais la vision de cette flèche traversant sa poitrine ne la quitterait, jamais elle n’oublierait son corps s’affaissant, s’effondrant sur elle, jamais elle n’omettrait la vibration de son cri de détresse dans ses poumons et sa gorge.

—Le pouvoir d’une bonne nuit de sommeil.

Là encore un mensonge. La pointe de la queue oscillante de son bâshki effleurait sa nuque. Il fourrageait de ses griffes dans ses cheveux. Le mercenaire tendit la main pour le caresser mais l’animal se ramassa sur lui-même avec un feulement. Elle le devinait au balancement de son corps et à la crispation de ses pattes sur son crâne.

—Ne vous fait-il pas mai ?

—J’ai été habituée depuis toute petite à ce qu’ils nous prennent pour des perchoirs. Par un seul des cavaliers ou palefrenier de mon père n’a sa tête vierge.

Un pâle sourire se dessina sur ses lèvres, aussi furtif qu’une lumière fantôme. Soudain, la terre trembla sous ses pieds. Au même instant, les deux frères surgirent des buissons, affolés. Kita sentait leur peur et avant même qu’ils n’en donnent l’ordre, la cavalière déguerpit.

—Courrez !

Jamais la dresseuse n’avait posé les yeux sur une créature de marais et le rugissement de la bête lui déconseilla de le faire. Alourdie par son sac, handicapée par sa petite taille, ses compagnons ne tardèrent pas la dépasser. Le souffle chaud et poisseux du monstre caressait ses chevilles, les mâchoires de la bête claquaient avec une promesse de mort dans son dos. Quelque part devant elle, un cri lui ordonna de se jeter à plat ventre. Je terminerai dans son estomac si je lui obéis. Kita pressa l’allure malgré la protestation de ses muscles, malgré les battements enfiévrés de son corps.

—A terre, salope !

Alors, par-dessus les rugissements de la bête, une lance siffla. Ou peut-être était-ce le chant de Khéor ? Elle s’arquait lentement, son extrémité pointée sur sa poitrine. Enfin, elle comprit : ils embrocheraient ce monstre, Kita avec si la nécessité le demandait. La cavalière fondit tendis ses bras et s’accrocha à une branche basse hors de la portée de la lance qui se planta dans le crâne du reptile. L’animal vagit, esquissa quelques pas avant que ses pattes ne s’effondrent, lutta dans un dernier instinct de survie avant de s’immobiliser.

Kita promena un regard fasciné sur la créature du haut de son perchoir. La tête occupait un tiers du corps, sa gueule allongée dévoilait des crocs courbés, certains fendus et dentelés pour mieux déchiqueter la chair. Des yeux où se lisait la faim profondément enfoncés dans ses orbites, une queue longue et épaisses qui pouvait briser des os d’un seul coup, des écailles aussi grandes que sa main et des poils tapissant son dos. Galtriel la lance d’un mouvement sec et la fusilla du regard.

—Pourquoi ne m’avez-vous pas écouté ?

Un accent déformait ses mots mais elle comprit la phrase sans difficulté.

—Cette montagne me coursait.

—Et cette lance était destinée à la tuer.

Vous auriez pu manquer votre coup, souhaitait-elle cingler. Ce n’est pas le moment pour se comporter comme une enfant. Ils s’amusent de toi, ne vas pas encore leur faire croire que tu es peureuse. Reikoo se pencha sur la bête, entremêla ses doigts à la toison du cadavre.

—Vous parlez de montagne, Kitaya mais ce n’est qu’un petit.

Elle s’étrangla.

—Les parents s’occupent-ils de leurs rejetons ?

—Jusqu’à un certain âge. Et celui-ci doit encore bénéficier de leur protection. Il n’a pas encore perdu ses tâches blanches.

La cavalière repéra quelques points mouchetés sur sa carapace.

—Ne traînons pas, intima Reikoo. Sa mère ne tardera pas à se lancer à sa recherche. Est-ce que vous arriverez à marcher ?

Son attention se porta sur Aroa dont le frère pansait son avant-bras, du coude au poignet. Le tissu s’assombrissait si bien qu’avec un simple coup d’œil, elle aurait été bien en difficulté de reconnaitre le bras des cheveux du frère. Une grimace de douleur déformait ses traits.

—Cette perte a failli m’arracher le bras, pas la jambe. Je marcherai.

—Dans ce cas, retrouvez la rivière.

Du pus gouttait hors de la plaie lorsque son frère retira le bandage d’Aroa. Une odeur nauséabonde s’en échappait. Avec une mine de dégoût, Kita fronça le nez. Elle haïssait la maladie et la mort silencieuse les accompagnant.

—Allumez un feu.

Trouvez du bois dans les marais n’étais guère aisé mais la chance lui souriait. Des brindilles craquèrent sous sa semelle. Galtriel apporta les flammes par quelques poudres grises. Son visage sévère la fixait et ses lèvres se scellèrent.

—Une poudre qui s’inflamme avec le seul contact de l’air, reprit Keïdan. Impressionnant, non ?

Les Dieux n’ont pas interdit la magie mais il n’en résulte rien de bon. La Reine endormie au-delà de la mer de Lune pourrait en témoigner. Kita ramena ses genoux contre sa poitrine, à une distance respectable de ce feu magique. Les enfants de Nogaïla adoraient les mettre en garde contre les enchanteurs, une menace contre le culte des Dieux. Ils brûlaient des centaines de victimes pour être certains d’immoler un sorcier. Nombreus se cachaient et stupides ceux qui s’exposaient à la magie. Lors des fêtes, plusieurs porte-paroles de Culte des Dieux se rappelaient des stratagèmes utiles pour les tenter. La luit d’après, vous vous retrouvez à danser avec ces créatures, invoquant le Fashîm et ses démons. Par dizaines, les femmes n’ayant plus l’âge d’enfanter, offraient leur corps. Ils les montaient à la lueur d’un immense feu de joie. Parmi ces femmes, quelques-unes acceptèrent d’accueillir le fil de Fashim dans leurs entrailles. Une fois les fêtes régulées par les enfants de Nogaïla, le Fashim ne disposa plus autant de victimes pour ses enfants. Il attirait alors des idiotes par les hautes flammes qui léchaient le ciel, par les éclats de rire. Ils convoitaient toutes les femmes pour les asservir à sa cause. Le Fashim engrossait celles dont les organes acceptaient sa semence, baisait les autres et leur murmuraient des paroles empoisonnées. Heureusement, Kita avait été sauvée par ces prêcheurs de bonne parole et trouvait une nouvelle existence dans le culte des Dieux.

—La plaie est infectée, déclara Aroa. Cette bestiole avait quelque chose sur les dents.

—Il nous faut trouver une guérisseuse.

—Il y a une sorcière dans le village qui borde le marais, se souvient Reikoo.

Kita savait ce qu’il se passait sous silence et cela ne l’angoissa pas moins. Même si elle ne maîtrise pas l’art de la guérison, elle tentera quelque chose. Plus que nous ne puissions fait en tout cas. Après un dîner sommaire, la cavalière se blottit dans la mousse. Contrairement à la nuit précédente, des fleurs blanches tinrent les ombres en retrait. Elles illuminaient l’obscurité et dessinaient la forme des corps endormis de ses compagnons. La cavalière dormait à quelques pas du groupe, agrandissant ainsi le terrain de chasse de son bâshki. Elle refusait qu’il s’éloigne dans cette région hostile. Par bonheur, des milliers de minuscules créatures peuplaient les buissons, fougères et point d’eau peu profond.

La jeune femme se réveilla, une main sur sa bouche. Au lieu de distinguer un index barrant ses lèvres, Xaelio lui sourit. Ce n’était pas les sourires sincères, amicaux qu’il lui adressait depuis leur départ, mais un rictus de prédateur. Elle gémit mais la pression de la main de Xaelio lui écrasait la mâchoire. Le mercenaire lui ôtait la voix, la rendait muette.

—Ne fais pas de bruit, ce serait dommage.

Il colla ses genoux à ses hanches et de sa main libre effleura sa taille. La dresseuse se cambra, se débattit mais le tueur à gage, plus fort barra son ventre et cuisses de sa jambe. Ses yeux papillotèrent à la recherche de son bâshki, Xaelio le remarqua.

—Ta petite marionnette ne t’aidera pas. Pourquoi t’aiderait-elle d’ailleurs ? J’ai remarqué les regards que tu me lançais, les provocations. Tu te languis de moi. Et moi de toi.

Ses lèvres remuaient à peine, sa voix n’étaient guère plus qu’un chuchotis. Les lacets défaits de son pantalon effleurèrent la peau de son ventre dévoilée par sa tunique retroussée. Kita tendit les pouces vers ses yeux, voulut échapper à son étreinte mais le poids de son corps l’immobilisa. Il l’embrassa, libéra ses doigts pour explorer ses bras, ses épaules, ses seins. Kita lui rendit son baiser et chercha son sac à tâtons. Ses gants de fer s’y trouvaient. Elle agrippa une bretelle, enroula son bras autour de sa nuque pour l’attirer à elle. Ses hanches ondulèrent entre les siennes, ses jambes se croisèrent au creux de ses reins. Sa main se glissa dans le gant de fer. D’une pression, elle le bouscula, se retrouva sur lui. Sa bouche se détacha de la sienne, bifurqua ver son oreille.

—J’ai tué ma mère, j’ai baisé mon frère et j’ai tué Xaelio.

Le gant de fer s’abattit sur sa pommette, craqua sous ses doigts. Le jeune homme vibra entre ses cuisses. Elle porta un nouveau coup à son front, un autre à son nez. Elle en distribua dix, vingt, cinquante. Elle ne cria pas, de peur de couvrir la musique des os qui se brisent. Il m’immobilisa vers le vingt-sixième coup. Alerté par le bruit, Galtriel la trouva assis à califourchon sur son violeur, en pleine contemplation de son œuvre.

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