Dimanche 10 Septembre 1995

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Ma chère soeur,

 J'ai voulu t'écrire très souvent mais chaque pensée restait suspendue au bout de mon esprit sans en tomber. Tu dois croire que je te néglige alors que tu ne me quittes pas : commentatrice invisible, juchée sur mon épaule, angelot protecteur et diablotin cynique tour à tour. Mais à maintes reprises en voulant te donner des nouvelles et en prendre, quelque chose me freinait. Peut-être que j'avais peur que tu ne m'écrives pas tout à fait les mots que j'avais imaginé entendre de toi. L'angoisse aussi de dire les vraies choses ou d'être encore à côté par évitement.

Tu dois avoir repris la fac cette semaine. Je suis fière d'avoir une soeur si brillante ! Tu vois, c'est étrange mais bien que tu sois ma cadette de dix ans, je suis celle qui est impressionnée et qui a peur de décevoir. Oui tu m'impressionnes ma Vivi.

Libre, nonchalante, silencieuse mais vive, tu te déplaces comme un chat et tu vas où tu veux, tu fais comme il te plait, tu sais toujours ce qui t'es profitable. Parfois je suis terriblement jalouse de te voir réaliser tout tes projets sans t'y apesantir ni t'autocongratuler. Pour toi, tout cela semble si évident...

Comment pouvons-nous partager le même ADN ? La moindre action me coûte. Je me sens si fatiguée ma Vivi, tout m'ennuie et m'épuise, je ne sais pas faire un pas sans chanceler, je ne fais plus de projet, seulement des fantasmes que je n'envisage pas un instant. Parfois je sens combien je suis devenue idiote, tout le bain de savoir de mon crâne se vide comme une baignoire et part je-ne-sais-où, dans les égoûts peut-être.

L'époque où tu me plaçais en modèle me semble bien loin... Tu sais, je ne lis plus jamais. Je t'ai transmis ce goût de la lecture et maintenant je ne sais plus accèder moi-même à ce privilège. Il y a comme un bourdonnement dans ma tête et j'en viens sans cesse à déchiffrer les mêmes phrases sans rien comprendre. Quelque chose ne veut pas accrocher.

Cette semaine j'ai été au cinéma voir le dernier Chabrol, "La Cérémonie", j'en ai eu le souffle coupé. Cette héroïne qui se sent honteuse et exclue par son analphabètisme, ça m'a fait un truc. Vraiment vois-le, c'est un film étourdissant.

Ton mot pour mon anniversaire est celui qui m'a le plus comblé de bonheur (mais chut : ne le dis à personne, ça pourrait en vexer certains !) et moi aussi j'aimerai tellement que l'on se retrouve quelque part, juste toi et moi et qu'on rattrape le temps perdu... Si c'est possible, évidemment je ne dis pas non. A dire vrai, je crains un peu qu'Adrien ne soit mécontent de me voir organiser quelque chose sans lui. Tu sais combien il aime être toujours en ma compagnie, quand je m'amuse de mon côté, il se sent mis à l'écart ou il se fait des idées absurdes. Je sais que ce n'est pas facile de se faire des confidences de soeurs avec Adrien au milieu, je verrais bien ce que je peux faire à ce sujet...

Promis, je mettrais moins de temps à t'écrire la prochaine fois.

Je t'embrasse,

Louisa.

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