II.1

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Réveillé. Le jour filtre à travers les volets. C’est ma fenêtre : je suis chez moi. Mais comment est-ce que je suis rentré ? Je me souviens pas.

Voyons : la fête chez Pierre et Audrey. J’ai dû pas mal fumer et pas mal boire. Puis je me suis cassé. Pourquoi ?… Enfin après je suis rentré à pieds oui ! la fontaine : je suis tombé dans une fontaine. Quel con ! Mais… y’a pas d’fontaine sur le chemin : par où je suis passé ? Bon on verra tout à l’heure ; pour l’instant il doit être tard. Et quel jour on est ? Jeudi… Après tout, je suis viré, j’ai tout mon temps. Mais c’est pas une raison pour rester au lit : debout !

Pouah ! J’me suis couché tout habillé ! Et sans doute avec des fringues à moitié trempées… Bon ben j’mangerai plus tard : on va d’abord se laver. Mettons de la musique. Play… ah oui ! Pink Floyd.

Toc : lumière. Brosse à dents… Est-ce que j’aurais pu m’débrouiller pour ne pas me faire virer ? Sûrement, mais alors il aurait fallu être constamment sur mes gardes, me méfier de tous mes collègues et les espionner pour tâcher de deviner leurs plans, surtout penser à chaque seconde à me faire bien voir du boss… Non, si ça devait être comme ça, ça en aurait pas valu la peine : j’en aurais eu marre très, très vite. Et à quoi bon se donner autant de mal ? Merde, un boulot c’est juste fait pour gagner d’quoi vivre. Donc c’est un peu une obligation ; personne (hélas ! du moins pas moi) n’a le choix entre travailler et rester chez soi. Donc logiquement, on devrait pas avoir à se donner de la peine pour garder son poste vu que les gens devraient être contents, déjà, qu’on veuille bien se résigner à bosser.

Ouais c’est toujours la même chose : les gens, et je n’sais pas qui, et plouf mon raisonnement à l’eau. Les patrons n’ont aucun devoir envers leurs employés, ça s’saurait. En fait on n’a pas de raison pour s’acharner à son travail. Sauf que : y’a toujours une poignée d’imbéciles qui pensent qu’il FAUT s’appliquer dans son boulot, qu’il FAUT se reconnaître dans son travail, et qu’il faut chercher à être meilleur encore et encore… Ils n’ont rien pigé à la vie… qui est un endroit cool fait pour se détendre… et ils font pâtir tout le monde de leurs erreurs et de leurs bêtises ! C’est rageant. Et on n’y peut rien. Enfin je peux toujours me rincer la bouche et attendre qu’ils reviennent sur terre en laissant leurs idéaux au vestiaire… Encore un peu d’eau… A la douche, maintenant. Eau froide. Eau chaude…

Mais en fait ça ne durera pas longtemps… Ces types vont bientôt finir par se rendre compte qu’ils ont bâti leurs vies sur des illusions : la preuve, cet Antoine Galemin qui était le type même de l’idéaliste rabat-joie. Eh bien quand il a craqué après avoir passé trop de nuits blanches à faire des heures sup, il a tout claqué, il a divorcé, il a heureusement renoncé à faire une thèse de philo, et il est devenu normal après quelques pets. C’est un type super maintenant, d’ailleurs.

Tiens mais est-ce qu’on avait pas parlé d’ça hier soir ? Si, si, j’me souviens. Quelle idée j’ai eue de partir me noyer dans une fontaine publique ! En plus j’étais suffisamment défoncé pour y rester… Mais non, j’en suis sorti sans problème, je me rappelle le moment où j’enjambe la bordure avant d’essorer tant bien que mal mes vêtements ; puis j’ai pris mon livre en faisant bien attention de ne pas le mouiller et je suis parti. Après par contre, plus rien. C’est le gros trou noir… Le livre ! Mais qu’est-ce que c’est qu’cette histoire de livre ? J’ai jamais emporté de bouquin là-bas ! Bizarre… Arrêtons l’eau ; la serviette : je m’essuie en vitesse ; mes fringues ah non : y m’faut des vêtements propres, dans le placard. Un slip, hop ! un jean, un T-shirt… Allons voir ce livre.

Où est-ce que j’ai pu le mettre ? Faudra que j’range cet appart. Voyons à côté du lit… Le voilà ! sur l’parquet. Asseyons-nous sur le lit et regardons-le calmement.

Il est très lourd : j’ai certainement pas pu le porter sans m’en rendre compte. C’est étrange… il a l’air à la fois tout neuf et terriblement ancien. Ouais, sa couleur est à la fois celle… d’un espèce de sang écaillé et sec et celle d’une teinture d’usine rouge. En tout cas il est magnifiquement relié. Tiens ! Y’a pas de titre et pas d’auteur. Sur la tranche : des signes dorés, étranges, tout simples ; des runes. Mais c’est tout.

Voyons l’intérieur. La première page… elle est toute blanche. Pas d’éditeur ni de date. Ah ! Quelque chose sur la page suivante : un dessin à la plume noir, on dirait… un arc-en-ciel, brisé et qui s’effondre au-dessus des montagnes. C’est très détaillé tous ces arbres, le ciel qu’est agité, et la foudre derrière en trait fin… Mais les ombres sont bizarres, sont à la fois réalistes et pas réelles du tout ?

Page suivante. Un titre, enfin ! « Ragnarök ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Rien peut-être. Voyons après… le texte commence.


Les corbeaux avaient disparu.


Voyons s’il y a quelque chose à la fin. Evidemment, pas de date d’impression… Des runes, une page entière remplie de ces runes bizarres. La page d’avant aussi ! Et encore celle-là… Tout le bouquin est rempli de signes qui signifient rien ? Ou c’est quelque langue ancienne et étrangère ? Mais non : le début semblait parfaitement compréhensible. Voyons jusqu’où il le reste.

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