Projection mentale terminée

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Le tentacule qui analysait les ondes cérébrales détecta une courbe alpha, synonyme de réveil imminent. Une surstimulation fût injectée directement par l’excroissance nerveuse du bras de l’alien, pénétrant le crâne de Jess par un point de trépanation non létale creusé à gauche de son oreille. Sous le trou colmaté par un bourrelet de cellules tumorales alien, le nerf s’était prolongé jusqu’à rejoindre une synapse libre où ses ondes parasites projetaient dans l’écran vierge du cerveau de Jess l’étrange rêve lucide qu’elle croyait vivre.

De son corps suspendu, les aliens récoltaient foule d’information quant à ses valeurs vitales, au battement de son cœur, à la pulsation rythmique de son sexe, aux contractions involontaires de ses muscles et aux mouvements incontrôlés de ses paupières. Tout était consigné. Analysé. Documenté.

Le scénario lui-même, créé à partir de l’infinie matière littéraire, cinématographique, théâtrale et musicale produite par les humains, se composait d’un agglomérat de situations digérées par l’inconscient collectif et recraché après un retricotage automatique dans l’esprit de la jeune femme.

Les aliens avaient synthétisé la pensée dominante au sein des personnages de cette fiction, qui devaient rester suffisamment réalistes pour être crédibles et ne pas déclencher l’apparition d’ondes alpha justement.

Les mêmes ondes qui agitaient désormais le sommeil artificiel de Jess.

Un problème secouait leur expérience pourtant bien huilée.

- Je te permets tout, murmura-t-elle.

Clément s’approcha avec son phallus démesuré de l’arrière-train de Jess, apposa son gland au-dessus de la rosette de son anus tout en appuyant une légère pression descendante pour le faire avaler par la cavité encroûtée de sperme de son amante.

- Je te permets tout…

Il saisit ses hanches, et d’un coup sec pénétra en elle en lui arrachant un cri de douleur.

- Je te permets tout…, répéta-t-elle.

Jess prononçait cette phrase, car il lui semblait naturel de le faire. Ces mots, ces quatre mots, semblaient être ceux qu’il fallait prononcer à ce moment-là. Ceux qui s’imposaient dans sa cervelle. Ceux que ses synapses matérialisaient automatiquement par l’articulation de ses cordes vocales et le bref courant d’air propulsé par ses poumons qui crachaient cette promesse de…

- Je te permets tout…

Elle avait mal, de plus en plus mal, et Clément semblait s’exciter à l’entendre crier. Il regarda Math, assis dans un coin, le sexe à nouveau dressé entre ses jambes.

- Fais-la taire !

- Je te permets tout…

Plus elle prononçait ces mots, plus ils lui semblaient parfaitement étranger à son corps. Elle n’avait ni envie de cet homme aux muscles bodybuildés par trop de temps passé à s’occuper de lui-même, ni envie de cet étrange fantasme projeté par son esprit sous le sweatshirt trop ample d’un ado attardé, se branlant en secret sur son propre corps. Elle n’avait pas envie d’eux, mais dans sa tête quelque chose d’étranger prononçait…

- Je te permets tout…

L’accélération des ondes alpha inquiétaient la dizaine de techniciens s’affairant autour du corps de Jess. Les technologies peinaient à cerner le problème auquel ils faisaient face.

Le scénario convenait pourtant à 99.9% à la modélisation créée à partir du matériau récolté sur Terre. Statistiquement, il n’y avait pas la moindre faille dans leur système de modélisation. Aucune. Et aucune défection n’était à noter sur le tentacule d’apposition, qui reliait leurs ordinateurs à sa cervelle.

Pourtant, elle luttait. Les secousses des ondes alpha se matérialisaient sur les écrans, de manière de plus en plus rapprochée. Ils n’arrivaient plus à la faire dormir. Elle allait se réveiller, d’une minute à l’autre.

Un ordre fût donné : augmenter la puissance des ondes cérébrales.

Une remarque fusa : le risque est grand…

L’ordre fut répété sur un ton qui indiqua que toute contestation, même argumentée, était inutile.

Le modèle récolté sur Terre fût imposé à Jess de manière plus puissante.

- Défonce-moi ! Oh oui, défonce-moi !

La douleur n’était plus soutenable, mais ses lèvres ne parvenaient plus à prononcer autre chose que ces mots. Et à chaque fois qu’ils franchissaient le rempart de ses lèvres, les coups de butoirs assénés par Clément redoublaient.

Il lui semblait être dans un cauchemar. Il fallait qu’elle se réveille, qu’elle se réveille maintenant… Elle savait que…

Augmentation de la cadence des ondes alpha, la puissance des ondes cérébrales monte à 90%.

Veuillez vérifier la conformation du scénario.

Vérification achevée, conformation du scénario à l’idéal terrien confirmée.

Elle devrait adorer ce qui se passe et rester bien lovée dans sa confusion chimique, pourtant les ondes ne faisaient qu’augmenter ! Réveil dans moins de deux minutes assuré !

Augmentez encore la puissance des ondes !

Si nous augmentons au-delà de 90% la puissance des ondes cérébrales, le sujet 15'987 risque de ne pas survivre.

Augmentez la puissance des ondes.

Le voyant indiqua 91, puis 92, puis se stabilisa à 93%.

Tout le corps de Jess, suspendu dans la cavité d’expérimentation, s’agitait anarchiquement. Ses muscles se contractaient à cause des pulsations électriques trop violentes assénées par le tentacule d’apposition. Sa vessie se vida dans le vide, éclaboussant une partie des techniciens qui s’empressèrent de noter ce nouvel évènement physiologique dans leurs journaux de laboratoire.

Augmentation constante des ondes alpha.

Augmentez encore la puissance de stimulation, à 95 ! Les ondes alpha doivent cesser !

Autour de Jess tout tremblait. Il lui semblait que leur immeuble, et tous leurs clapiers étudiants, s’apprêtaient à s’effondrer. Des images éclataient dans son esprit, avant de se matérialiser autour de leurs corps embrochés. Des images obscènes. Des hommes, surtout. Nus. Gonflés de muscles. Aux bites érigées. Se branlant spasmodiquement autour d’eux. Ils allaient gicler. Les inonder de sperme.

- Arrêtez, arrêtez tout !, hurla-t-elle.

Pourtant ces mots qu’elle formula dans sa tête ne parvinrent pas à franchir ses lèvres. Moururent dans sa bouche. Tous comme les cris qu’elle souhaitait pousser.

Elle va se réveiller, c’est inéluctable.

Rien n’est inéluctable !

Augmentez encore.

Impossible…

Augmentez encore !

Le voyant passa à 97 pourcents.

Le graphique des ondes alpha s’excita, explosa. Les filins qui maintenaient Jess à l’extrémité de ses quatre membres étaient mis à rude épreuve par les mouvements désordonnés de ses muscles, indirectement contractés par les pulsions électriques trop puissamment plantées dans sa cervelle.

L’expérience doit continuer, nous n’avons pas assez de données !

Le sujet ne répond plus à la modélisation…

Augmentez !

Le technicien ne prit pas la peine d’argumenter et appuya encore sur le bouton, jusqu’à atteindre les 100 pourcents.

Le corps de Jess eut un ultime sursaut. Se cambra entièrement. Puis un second mouvement vif secoua tout son corps, si violemment que son épine dorsale fut projetée au-travers de sa boîte crânienne. Les vertèbres cervicales servirent de lance organique, qui transpercèrent le crâne de la pauvre étudiante de l’intérieur. Sa tête éclata, traversée par des éclats d’os projetés avec la vélocité d’une balle de révolver. Sa cervelle se mêla aux effusions d’hémoglobine, créant un étrange pâté rosâtre qui éclaboussa toute la congrégation des chercheurs. Plusieurs furent éborgnés par des projections de cartilage, tandis que ce qui resta du corps s’affaissa à nouveau, cette fois-ci en se vidant par la cavité creusée à travers tout le dos de la victime d’un magma encore bouillonnant de viscères fumants. Les quatre membres désolidarisés pendaient désormais des filins de maintien comme de ridicules pièces de viandes avariées, dégouttant des flots de sang qui se tarirent peu à peu.

Puis un ultime commentaire de l’expérimentateur : il faut croire que notre projection mentale n’est plus à jour.

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