58/ Fin du combat

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 Pollah affrontait toujours le tripède plus loin, mais celui-ci lui donnait du fil à retordre. Il se déplaçait très rapidement, balafrant et mordant le fauve sur tout son corps. Pollah réussissait par moments à anticiper ses mouvements et en profitait alors pour lui asséner de violents coups de pattes. Mais à chaque fois, son adversaire spectral se reconstituait. Pollah commençait à souffrir de ses plaies, et prit une décision. Elle attendit que la bête se rapproche suffisamment de sa gueule. Dès lors, elle se jeta dessus, l'enserra en ses griffes postérieures et lui dévora le crâne. Le monstre s'évapora en une fumée verdâtre. Alors que Pollah se croyait tirée d'affaire, la brume reprit forme et attaqua de plus belle.

 Nolmeraïsha se tourna vers Malgati et Mastiff. Elle plaça son avant-bras ingénieusement pour contrer les deux lames en même temps, même celle ayant appartenu à Kros.

 — Mais d'où ?! s'écria l'humain.

 Elle allait cogner les deux importuns lorsque Londock lui envoya une nouvelle flèche. La prêtresse dut alors plutôt raffermir la zone de l'impact, ne frappant plus les soldats qu'avec un pourcentage minime de sa puissance, qui suffit tout de même à les faire chuter.

 Cette maigre distraction permit au moins à Karathris de se relever et de reprendre quelques forces. Nolmeraïsha lui fit face, et une nouvelle clameur s'éleva. Quinze des disciples de la Réceptrice accouraient. Elle ne cacha pas un léger rictus.

 — Tu aurais dû partager ta vision avec ceux du camp. Maintenant, tu es toute seule.

 — Je ne l'ai pas fait pour vous. Parce que j'étais une des rares à encore vous faire confiance. Mais peu importe. Ce n'est pas comme si ces boulets allaient me poser soucis.

 Tandis qu'elle prononçait ces mots, Nolmeraïsha s'abaissa et récupéra une pierre. Elle la brisa en mille morceaux dans sa paume, puis projeta les résidus dans les jambes des soldats. Ils trébuchèrent tous en même temps. Elle regarda ensuite son ancienne idole. Elle avait clairement perdu de sa superbe. Autrefois, l'assistante prêtresse ne voyait aucun de ses défauts, aveuglée. Dorénavant, ils lui sautaient tous au visage. Égoïste, menteuse, impulsive, obstinée, et faible. Même physiquement, elle ne ressemblait plus à rien ; Elle se tenait asymétriquement, le dos courbé, les bras ballants sans aucune contenance, ses habits déchirés, recouverts de sang et de crasse, le visage livide, fatigué, égratigné, qui n'avait plus rien de divin. Non, décidemment, Karathris n'était rien de l'image qu'elle s'était construite. Elle n'éprouverait plus aucune peine à l'anéantir.

 — Bon allez, ça a assez duré, annonça Nolmeraïsha. Ta mascarade prend fin aujourd'hui.

 Les deux combattantes se rentrèrent dedans. S'en suivit un intense échange de poings et de pieds, toujours contrés ou esquivés. Les petites feintes de la déesse ne prenaient plus la prêtresse par surprise. À son tour maintenant. Nolmeraïsha exécuta un faux mouvement de bras alors qu'elle tonifiait son genou, et le flanqua dans l'estomac de la déesse. Impossible à éviter ou à bloquer, Karathris n'eut que le temps de fortifier son ventre et de subir l'impact de plein fouet. La force développée la poussa de quelques mètres, mais Karathris parvint à garder son équilibre.

 — Votre imposture se révèle au grand jour, "Réceptrice" ! Vous n'avez rien à faire parmi le Panthéon, vous n'êtes qu'une faiblarde qui peut se faire battre à plate couture par un de ses serviteurs !

 — Je n'ai jamais dit être une déesse. C'est vous qui m'avez considérée comme telle. Je suis mortelle, comme chaque chose en ce monde. Maintenant, si tu le permets, puisque tu crois que l'élève a dépassé le maître, j'aimerais te donner une dernière leçon.

 Nolmeraïsha souffla du nez devant l'impertinence de la divinité factice. Elles coururent l'une vers l'autre, brandirent leurs bras droits. Et ce fut l'impact. Les deux poings entrèrent en contact dans un bruit sourd accompagné d'un bourdonnement crissant qui harcelait les oreilles. Nolmeraïsha comptait poursuivre par un uppercut, mais elle hurla de douleur. Son poing s'était brisé. Comme volatilisé, il n'en restait plus que quelques lambeaux, aspergés par le sang qui giclait en profusion. La prêtresse se roula sur la terre en gémissant, les larmes lui sortant incontrôlablement.

 — Comment ? fini-t-elle par prononcer.

 — Tu as réussi à étendre ta zone de blindage à tout ton corps, soit, mais en agissant ainsi, la solidification était bien moindre, expliqua calmement la déesse. Moi, j'ai fait l'inverse. Je l'ai réduite volontairement. Ce n'était pas mon poing que j'ai consolidé, mais seulement la surface de mes phalanges proximales. Ainsi, je suis parvenue à décupler la pression et à démolir ta main.

 Nolmeraïsha serra les dents, à la fois pour soutenir la douleur que pour contenir sa rage. Être battue par cette impie, quelle frustration ! La façon grotesque que Karathris avait de lui expliquer comment l'irritait au plus haut point. Alors, le sang arrêta de couler du bras de la prêtresse, qui se releva sans que la déesse ne tente de l'arrêter.

 — Pourquoi n'as-tu pas fait ça avant ? demanda Nolmeraïsha, les yeux crachant des flammes de haine. Tu cherchais à jouer, à te foutre de moi ?

 — Non, pas du tout. En réalité, je viens tout juste de penser à essayer cette façon de faire. C'est grâce à toi que je l'ai élaborée ! Je n'étais pas sûr du tout que cela fonctionnerait.

 Son ex-apprentie râla encore plus à l'entente de cette remarque.

 — Ça me dégoûte...

 Derrière elle, le reste des troupes de Karathris arrivait, accompagné par une douzaine de nouveaux venus fraîchement libérés ainsi que de Laos.

 — Je dois avouer que tu m'as tout de même surprise, déclara Karathris. Tes talents de guerrière sont incroyables pour ton âge, ta détermination est sans faille, tes capacités de soins sont colossales ! J'ai vu à quelle vitesse tu as réussi à te régénérer en plein milieu du combat. Je remarque également que tu as réussi à endiguer ton flux sanguin, tu ne perds plus ton sang c'est incroyable !

 — Il m'a suffi de renforcer l'extrémité de mes veines, rien de bien compliqué, répliqua la prêtresse en détournant le regard.

 — Tu as toutes les aptitudes requises. Je te le propose une dernière fois, Nolmeraïsha. Veux-tu bien me rejoindre et m'aider à cesser la véritable mascarade qui se joue dans le domaine des dieux ?

 L'apprentie s'approcha en silence, les yeux embués. Elle passa tendrement sa main valide dans les cheveux sales de son idole de jeunesse. Elle ouvrit enfin la bouche et osa dire :

 — Je ne veux pas de tes compliments, idiote !

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