56/ Retrouvailles

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 Nolmeraïsha était perdue dans ses rêveries lorsqu'une de ses chouettes lui envoya sa vision.

 — Karathris... murmura-t-elle.

 Sans plus chercher à comprendre, la prêtresse courut à sa rencontre. Elle n'avait partagé la vue de ses strix à aucun garde, de peur qu'ils ne s'affolent inutilement.

 Elle avala la centaine de mètres qui la séparait de son idole.

 — Réceptrice ! appela-t-elle. Réceptrice, je vous attendais !

 Karathris descendit du dos du fauve, puis se tourna vers la voix.

 — Nolmeraïsha ?

 — Oui ! Si vous saviez comme je suis heureuse de vous revoir ! Cela fait longtemps, n'est-ce pas ?

 — En effet.

 — Je suis tellement rassurée de savoir que vous n'approuvez pas ces rebelles que nous avons enfermés, malgré toutes ces rumeurs qui courent à votre sujet.

 — ...

 — Vous savez, je suis désormais votre prêtresse officielle. Koya est malheureusement devenue folle et j'ai été forcée de l'enfermer avec les autres...

 — ...

 — Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi vous ne répondez pas ? ... Oh non. Non non non non ! Ne me dites pas que...

 — Je ne suis pas venue ici pour toi.

 — Ne me dites pas que vous refusez les ordres du Gardien... Réceptrice, dites-moi que...

 — Le Gardien est manipulé, il ne sait pas ce qu'il fait !

 — Non, je n'y crois pas... Pas vous !

 — Nolmeraïsha, joins-toi à moi. Pour une cause plus juste.

 — Je... Je ne peux pas... Réceptrice, vous ne pouvez pas être une traîtresse... Vous êtes mon idole !

 — Je ne trahis que parce que c'est nécessaire. Le système est corrompu de l'intérieur. Les humains ne doivent pas être éradiqués sans justification.

 — Mais c'est tout justifié ! Je ne comprends pas... Qu'est-ce qui vous arrive... Je vous en supplie, revenez à la raison !

 — J'ai toute ma tête. Cesse de penser comme l'on veut que tu penses. Je t'invite à réfléchir, et à rejoindre mes troupes. N'es-tu pas ma nouvelle prêtresse, après tout ?

 — Je refuse ! C'est impossible ! Réceptrice, partez, ou je devrai vous tuer !

 — Je vois... Tu m'admirais réellement, mais c'est Ashal qui exerce l'Influence sur toi... Je ne peux donc rien faire pour te convaincre ?

 — Vous pouvez toujours renoncer. Je ne veux pas vous faire de mal.

 — Moi non plus. Écarte-toi de mon chemin.

 — Vous allez tuer tous ces pauvres innocents là-bas si je vous laisse faire.

 — C'est vrai.

 — Ils ne méritent pas ça.

 — Mais ils m'y contraignent. Ne m'y oblige pas non plus. Je ne ferais que te rouler dessus, ton sacrifice serait vain.

 — C'est ce que nous verrons. Je vous rappelle que vous m'avez conféré une partie de vos pouvoirs.

 — Je ne le sais que trop bien. Alors ne me le fais pas regretter.

 Nolmeraïsha fit taire les larmes qui lui poussaient dans le creux des yeux. Quelque chose l'incitait à se battre. Plus encore que la Réceptrice, elle aimait la communauté. Dans quelques instants, elle le savait, la situation se solderait par une mort ; la sienne ou celle de la divinité aliénée. La prêtresse ferma les yeux un instant, appela un allié. En quelques secondes, une bête tripède, de la même teinte fantomatique que ses chouettes, se matérialisa à ses côtés. Elle était munie d'une dizaine d'yeux alignés sur sa tête triangulaire, de griffes au bout de ses pattes, d'une peau rugueuse et d'une courte queue. L'animal ne mesurait guère plus d'un demi-mètre. Une bête de guerre.

 — Quel dommage, soupira Karathris.

 La déesse se jeta sur sa prêtresse. Durcissant son avant-bras, elle amorça son poing, que Nolmeraïsha contra en utilisant la même faculté. Le tripode bondit sur la déité. Avant qu'il ne puisse la lacérer, Karathris le repoussa d'un coup de pied, puis sauta en arrière, évitant la frappe de la prêtresse.

 — Vous voyez... Je vous idolâtrais tellement, j'ai passé des heures et des heures à m'entraîner. Ma zone de solidification n'est pas aussi étendue que la vôtre, mais j'ai atteint la même intensité.

 — J'ai failli être fière de toi.

 Le tripède revenait à la charge, mais Pollah l'avait déjà pris pour cible. Nolmeraïsha raffermit la plante de ses pieds pour se lancer à toute vitesse, déformant la terre sous ses pas. Karathris contra le choc comme elle put, mais s'en retrouva au sol. Elle récupéra Laos sur sa nuque, et le lança à la figure de sa rivale. Le reptile ne l'atteignit jamais ; la prêtresse l'avait récupéré en plein vol et envoyé loin dans le ciel.

 Karathris s'élança en arrière, se relevant sur ses mains, puis s'envola, pieds en avant, vers Nolmeraïsha. Celle-ci saisit ses mollets avant qu'ils ne la touchent, virevolta et balança au loin la déesse. Elle plana sur de nombreux mètres, son corps disloquant les arbres sur son passage. Son ventre frotta la terre, laissant une trainée boueuse derrière. Karathris grogna, ignorant la douleur, concentrée sur le combat. Quand elle se releva, Nolmeraïsha l'avait déjà rattrapée. La prêtresse frappa le torse de son ex-idole, qui eut juste le temps de le durcir. L'impact la fit reculer sur trois mètres. Nolmeraïsha la poursuivit, prête à attaquer de nouveau. Karathris l'esquiva d'un pas sur la droite, puis la frappa dans le dos. Ce fut à son tour de voler sans le vouloir. Quand elle s'arrêta, Nolmeraïsha cracha du sang, nullement découragée.

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