53/ Miglew avait vu juste !

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 Miglew, qui avait conservé ses armes avec lui, chercha du regard l'ennemi. Hors de portée de la vision du hibou, des semblables s'étaient rassemblés derrière plusieurs couches de troncs. Pour réussir un tir depuis cette distance, l'archer devait être loin de posséder une médiocre précision. Le garde vint se placer derrière Sati, la lame de son épée devant sa gorge.

 — Je m'en doutais, maugréa-t-il.

 Quatre, camouflée, déjà élancée vers l'arbre central, ne remarqua qu'à mi-chemin qu'un détail clochait. La chouette spectrale ornait toujours son sommet.

 — C'est la traîtresse ! hurla le garde aux cheveux tressés. Tuez-la !!

 — Comment... ? hoqueta Sati.

 — Tu ne croyais tout de même pas être la seule à savoir mentir ? grogna Miglew dans son tympan.

 Une flèche atteignit le flanc gauche de Pollah. Une seconde frappa l'épaule de Karathris. Une lame griffa la gueule du fauve avant que celui-ci ne déchiquette le soldat. Laos se déconnecta puisque ses capacités de masquage s'avéraient inutiles dans cette situation. Il rampait, creusait aisément dans les chevilles de ses victimes, et s'infiltrait depuis l'intérieur jusque dans leur système nerveux. Juste à temps avant que le crâne de la déesse ne soit transpercé, Deux se sépara à son tour. Pollah bondissait sur ses adversaires qui ne parvenaient qu'à lui infliger quelques entailles. Karathris explosa le torse d'un homme, puis remarqua que trois guerriers l'encerclaient.

 L'armée de la Réceptrice rentra dans la clairière lorsque l'arbre confirma sa nature d'Esprit en abaissant ses branches. Une par une, elles se décrochaient et fusaient alors comme des javelots fendre le cœur des rebelles.

 — Repli ! hurla Unio, resté en retrait avec Ororah, constatant qu'une boucherie serait inévitable.

 Alors qu'il fuyait se mettre à couvert, un troisième fidèle de Karathris se fit transpercer la gorge par un missile de bois.

 Seul un soldat n'obéit pas à l'injonction de repli d'Unio. Eh oui, c'était bien Malgati.

 Voyant ce guerrier de fer approcher, Miglew entraîna Sati avec lui dans la hutte où elle préparait, quelques minutes auparavant, le ragoût. L'humain désormais protégé des projectiles par le bâtiment qui obstruait sa trajectoire, l'Esprit s'occupa de repousser Laos qui s'approchait dangereusement. Bien que le reptile évitât plusieurs fusées d'écorce, il ne put toutes les esquiver. Les branches se brisaient sur ses écailles les plus dures, mais le choc fini par l'assommer.

 Karathris saisit la lame qui s'abattait sur elle en durcissant la paume de sa main, puis la projeta sur le garde derrière elle, qui s'écroula. Elle se servit ensuite du désarmé comme d'un gourdin pour frapper son troisième adversaire. Il s'agissait effectivement de modestie lorsqu'elle avait révélé que trois guerriers suffiraient à l'abattre.

 L'archère aux yeux orangées embrocha la dernière sentinelle avant que celle-ci ne lacère les pattes arrière de la panthère.

 La déesse, prise dans son combat, n'eut le temps de percevoir la roquette avant qu'elle ne s'écrase contre son crâne. Les genoux de Karathris heurtèrent l'herbe. Pollah bondit au secours de sa maîtresse, la prenant sur son dos avant que l'Esprit ne l'achève, puis de Laos, les amenant en lieu sûr.

 Sati s'en voulait terriblement. Son plan, qui lui paraissait pourtant génial, n'avait pas pris en compte que la confiance ne s'obtenait pas si facilement. Finalement, son initiative leur aura juste fait perdre du temps, en plus de perturber la Réceptrice et les autres, pris par surprise. Aussi, Miglew la possédait désormais comme bouclier vivant contre Malgati.

 Dès que l'humain pénétra dans la cabane, le véritable guetteur le menaça :

 — Un pas de plus, monstre, et je lui ôte la vie.

 — Je m'en contrefous.

 — Hein ?

 — J'ai dit que je m'en battais les....

 — Je ne comprends pas, vous n'êtes pas dans le même camp ?

 — Si, mais celle-ci ne sert à rien, et de toute façon je ne te laisserai pas t'en tirer. Libère-la et affronte-moi comme un homme. Elle t'encombre plus qu'autre chose.

 — Tu me prends pour un bleu ? Je vais pas libérer mon otage aussi facilement !

 — Je saisis pas, tu comptes faire quoi avec ce boulet ?

 — Si je veux pouvoir m'en sortir face à vos archers, faudra bien un moyen de pression !

 — Ils savent mieux viser que tu ne le penses, cette loque ne te couvrira pas suffisamment.

 — Notre Esprit aussi sait viser de façon miraculeuse ! Allez, va-t-en avant que je ne change d'avis et décide de te tuer au passage.

 — Essaye seulement.

 Miglew râla. Son adversaire avait raison ; s'il se moquait réellement de la survie de son otage, elle ne serait qu'un fardeau lors du combat. Le guetteur la saisit par la gorge et l'envoya valser contre le mur. Il se mit alors en position, tint fermement son épée et dégaina sa dague.

 Il analysa rapidement son adversaire. Son armure était détruite en de multiples endroits, elle ne poserait pas de problème notable. Ses armes étaient un espadon au manche sculpté et une épée aux reflets dorés. Ce style de maniement était inconnu de Miglew, il ne savait s'il avait affaire à un débutant choisissant ses lames en fonction de leur beauté, ou s'il s'agissait d'un expert possédant une manière de combattre originale et dévastatrice. Enfin, il remarqua la peau blanche de Malgati au travers de sa tunique déchirée.

 — Un humain ?

 — Le meilleur d'entre tous.

 Le soldat balança son espadon sans plus d'avertissement, contré sans soucis par Miglew. Ce dernier s'abaissa et projeta son poignard vers les côtes de l'humain. Avant qu'il ne puisse l'atteindre, Malgati le gratifia d'un coup de genou métallique sur la mâchoire. Le guetteur, sonné, se recula prestement et prépara la riposte. Les deux épées se rencontrèrent, mais celle de Miglew se brisa.

 — Comment... ? hoqueta Miglew.

 — Pitoyable, railla Malgati.

 Son espadon trancha le bras du serviteur. Fou de rage, celui-ci se tourna vers Sati et pointa la lame de son poignard sur sa gorge.

 — Alors, hein ? Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?

 — T'es bête ou quoi ? s'étonna le soldat. Je t'ai dit que j'en avais rien à faire.

 — Ainsi soit-il.

 Miglew fit mine de trancher la gorge de Sati, mais la cuisinière le tapa à l'aide d'une poêle qu'elle avait ramassée, le déstabilisant. Malgati n'eut plus qu'à décapiter le guetteur.

 Le liquide rouge se répandit dans l'air à la manière d'un volcan en éruption.

 — Merci beaucoup, remercia Sati.

 — Je ne fais que mon humble devoir.

 — C'était très malin et risqué à la fois ce coup de bluff !

 — Lequel ?

 — Ben de dire que vous me considérez comme inutile pour qu'il me libère !

 — Ah non non c'était pas du bluff.

 La hulotte dimensionnelle se dissipa tandis que la Réceptrice s'administrait les premiers soins, après avoir guéri ses deux compagnons.

 — C'est le moment, souffla-t-elle.

 Malgati se sentait fier de son triomphe contre Miglew. "Même pas une égratignure ! C'est l'autre Karathris qui va être contente, pour une fois !". Tandis que le guerrier pensait ces mots, l'Esprit sniper lui envoya un carreau. Sati se jeta sur ses jambes, le faisant trébucher in extremis.

 — Mais t'es folle toi, ma parole ! s'écria le soldat en se redressant.

 — Enfin, je... Je viens de vous sauver la vie !

 — Bah non, c'est moi qui viens de le faire, grosse bêta !

 — Oui aussi mais...

 Avant que la cuisinière ne termine son explication, Quatre, forte de son invisibilité, pourfendit l'arbre tireur d'élite sans soucis. L'armée révolutionnaire pénétra la clairière et entreprit de libérer leurs nouveaux membres. "Une dizaine de cages ici, songea Karathris, cela ne me dit rien qui vaille. C'est sûrement dans ces campements qu'Ashal aidait à maintenir les prisonniers. Il ne reste plus qu'à espérer qu'elle soit partie."

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