16/ Diplomatie par l'incompréhension

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 Avec une élégance et une classe des plus rares, l'archer en maître atterrit sur le sol, à une dizaine de mètres face au monstre de métal. Celui-ci, étonné, arrêta sa marche. Le déluge de missiles avait cessé quelques minutes auparavant. Les deux événements devaient être liés. Malgati prit la parole en premier.

 — Qui êtes-vous ?

 — Je suis Jankürl, parrain des élites archères. Et vous ?

 — Je me nomme Mal... euh non. Soucia ! Malgati c'est le plus fort, je confonds toujours avec moi. Que voulez-vous ?

 — Je désire discuter, expliqua Jankürl.

 — Fort bien. Beau temps, pas vrai ? C'est toujours comme ça dans votre dimension, ou il pleut aussi des fois, comme par chez moi ?

 — Oui, il pleut ici aussi, admit Jankürl. Mais ce n'est pas le sujet que je souhaite aborder. Je suis venu m'informer sur vos intentions.

 — Mes intentions ? répéta Malgati. Vous pouvez pas vous passer des messages ? Je vais encore devoir tout expliquer, et comme d'habitude vous allez pas comprendre et...

 — Je vous comprendrai. Je suis sans doute un des meilleurs ici. Exprimez-vous, je vous en prie.

 — D'accord, dans ce cas... C'est très simple, je souhaite délivrer mon ami !

 — Votre ami ? Qui est-il ? Je n'ai pas été informé de la capture de qui que ce soit dans nos territoires.

 — Normal, il est dans mon monde à moi.

 — Que faites-vous ici dans ce cas ?

 — C'est ce vieux croûton qui m'a tendu un piège en m'amenant ici...

 « Vieux croûton » répéta mentalement Jankürl. « Il parle sans doute de Roubõn. »

 — Est-ce pour cette raison que vous l'avez tué ?

 — Oh, il est mort ?

 — Oui, confirma l'archer. Vous ne le saviez pas ?

 Il regarda ses collègues, perchés dans les arbres, d'un regard désapprobateur. Ces pathétiques êtres qui pourtant avaient suivi les mêmes cours que lui s'en étaient pris à un innocent.

 — Je pensais pas qu'il crèverait aussi tôt. Mais avec le coup dans les jambes, c'est vrai que tout ça a dû s'accélérer... Enfin bref, vous m'aidez à retrouver mon ami ?

 — Bien sûr, c'est notre dev... Enfin non ! C'est vous qui l'avez blessé, pas vrai ?

 — Ben oui ! Il m'a fait perdre tellement de temps, cet enfoiré !

 — Que, de... Mais... Enfin ! Oh !

 Jankürl sentit qu'il perdait ses moyens. La logique de cet être d'un autre monde le dérangeait particulièrement. Sa franchise aussi. Il ne savait comment réagir en conséquence.

 — Bon alors ? Pour mon ami ?

 — Ça ne va pas être possible ! Je ne peux me réduire à aider un meurtrier !

 — Ouais, enfin, euh... Là pour le coup c'est eux qui ont essayés de me tuer.

 — Vraiment ? s'étonna le chef à la crinière de neige. Ce n'est pas leur genre. Pourquoi auraient-ils fait cela ?

 — Je sais pas trop... Ils voulaient pas que je dérange leurs faux dieux ou quelque chose comme ça...

 — « Faux » ? s'indigna Jankürl. « Faux » ? Comment osez-vous ?

 — C'est eux qui ont kidnappés mon ami ! Et pour rien en plus.

 Jankürl laissa s'échapper une onomatopée de compréhension. La situation était plus claire désormais.

 — Les dieux ont toujours leurs raisons, rétorqua le chef. Elles vous dépassent sûrement. Voilà, je ne peux vous aider à libérer votre ami. Ce serait vain même si nous essayions.

 — Ah, vous voyez ? Je vous l'avais dit. Vous comprenez pas...

 — Je comprends tout à fait. Le fait est simplement que les dieux vous écraseront. Maintenant, je ne souhaite pas de boucherie supplémentaire. C'est pourquoi, en grand diplomate, je vous demande de quitter ces lieux et de ne plus venir interférer dans les affaires des dieux. Sans quoi, ils vous tueront, ou pire. Nous vous escorterons jusqu'à la frontière.

 — Et ça se dit « un des meilleurs ». Eh ben ! Les autres ça doit pas être des futés...

 — Que... de... Je... quoi ?

 — Je vais juste tous vous tuer jusqu'à ce que vos dieux rappliquent et que je puisse les buter à leur tour.

 — Ce n'est pas comme ça que ça marche !

 — C'est ma seule option en tout cas. Vu que vous voulez pas m'aider...

 Jankürl en resta bouche bée. Cette créature ne sourcillait même pas à l'idée de tuer. Il fallait l'éliminer. C'était l'unique solution pour lui. Le soi-disant Soucia reprit sa marche. Soudain, la voix de Jankürl parvint à s'extirper de sa gorge.

 — Tous sur lui !! hurla-t-il

 Dès lors, l'orage de flèches retentit. Jankürl en encocha une.

 — Je n'avais pas menti quand je disais qu'il pleuvait ! ricana-t-il en guise de menace.

 Mais le guerrier demeurait insensible, bien qu'une de ses mains tenait toujours son armure au niveau de la sangle déchirée.

 — Je n'avais pas menti en disant que j'allais te tuer comme un chien, répliqua Malgati en brandissant l'espadon.

 Le chef envoya sa flèche, qui ricocha ridiculement comme toutes les autres, puis, anticipant le geste de son adversaire, effectua une roulade sur le côté, ses cheveux opalin flottant dans les airs.

 — Mais... Tu n'as même pas dit ça ! réagit-il soudain.

 — Maintenant je l'ai dit.

 Malgati accéléra son allure et vint donner un coup circulaire. Jankürl fit une roulade arrière et la lame se flanqua dans un tronc. L'archer envoya un dernier projectile, avant de concéder quant à leur inutilité. Il sortit une dague de sa ceinture.

 — Comme la cueilleuse, remarqua Malgati tandis qu'il enlevait son arme de l'écorce.

 — Hein ?

 Jankürl attendit que le soldat vienne à lui, s'abaissa pour éviter son coup bien trop prévisible, et envoya sa dague dans l'estomac. Ou plutôt, sur l'armure impénétrable. N'ayant plus d'autres solutions, l'archer passa sa main sur la cuirasse, observant le matériau.

 — Tu fais quoi là ?

 Intrigué, Malgati n'attendit pas la réponse pour envoyer un nouveau coup, rabattant sa lame vers lui. Jankürl s'abaissa à nouveau, Malgati percuta son propre blindage avec l'espadon. L'élite planta sa dague par terre et poussa son adversaire à deux mains, avant de regrimper en haut d'un pin en s'écriant :

 — J'ai compris !

 Malgati, déséquilibré, fit quelques pas en arrière malgré lui avant de trébucher sur une racine. Une flèche se planta dans sa cuisse, là où l'armure tombait. Il ne put retenir un cri de douleur. Se ressaisissant du mieux qu'il put, il plaça son buste sur la trajectoire entre l'endroit de son corps à découvert et les archers. Il arracha la partie en bois du projectile, laissant la pointe dans sa jambe, puis se remit sur pieds rapidement, se dépêchant avant tout de relever son armure. Il tituba, mesurant la force réelle que ses adversaires pouvaient déployer, comprenant enfin qu'ils n'en étaient pas dénués.

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