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Aussitôt le monstre se mit à se balancer doucement. Au début presque imperceptiblement, puis prenant un rythme lent et régulier.

Evangeline sentit de nouveau ses yeux la brûler. Elle se sentait légèrement nauséeuse, et eut l'impression qu'elle allait s'endormir.

La jeune femme cligna des yeux, ne comprenant pas d'où venait cette soudaine vague de fatigue irrépressible.

Puis d'un seul coup, elle comprit.

Le monstre était en train de l'endormir. Elle ne savait pas exactement comment, mais elle eut l'impression qu'il était en train de l'hypnotiser.

Paniquée, les mouvements d'Evangeline pour trouver l'ouverture de sa porte cachée se firent plus frénétiques, désordonnés. Elle essayait d'échapper à son regard plein de folie, de sang et de douleur.

Le monstre était à l'affût, observant sa proie, guettant le moindre mouvement. Il attendait, patiemment.

Au moment où ses doigts trouvèrent la fente qui lui permettrait d'ouvrir la porte, Evangeline soupira et tourna la tête en direction de la porte de la chambre. Comme si elle avait l'intention de piquer un sprint pour s'enfuir.

Elle était prête à reconnaître une forme d'intelligence à la chose qui lui faisait face. Ce n'était plus un simple animal agissant par instinct, c'était une machine à tuer qui savait réfléchir pour ne laisser aucunes chances à ses proies.

Par miracle, la diversion tentée par la jeune femme fonctionna parfaitement. Le monstre relâcha son attention et jeta un regard vers la porte de la chambre, comme amusé par les efforts désespéré de la femme face à lui.

A l'instant où il cessa de la fixer avec attention, elle enfonça ses doigts dans la fente et elle tira, se cassant un ongle jusqu'au sang.

Lorsque le monstre entendit le bruit de la porte, il était déjà trop tard. Evangeline était déjà à moitié entrée dans la minuscule pièce.

Furieuse, il rugit. C'est en tout cas ce que pensa la jeune femme en entendant le son produit par la chose. Ce feulement de rage glaça les sangs d'Evangeline qui se glissa un peu plus rapidement dans l'ouverture.

Au moment où elle allait refermer la porte, la créature lança la patte en direction de sa victime .

Une vague de chaleur envahit la joue de la jeune femme, mais elle n'y prêta pas attention.

L'adrénaline avait envahi son organisme, et elle claqua la porte de toutes ses forces avant de tirer le verrou. Rapidement, elle passa la main sur l'interrupteur, ne tâtonnant que quelques secondes avant de le trouver. Une lumière crue et beaucoup trop vive envahit le minuscule espace.

Haletante, elle regarda l'énorme verrou disproportionné, celui qui avait amusé l'ouvrier qui l'avait posé. Ce même verrou qui lui avait été offert pour ses achats, comme si quelque part le destin avait décidé de l'aider.

Le monstre se lança aussitôt contre la porte, provoquant un bruit sourd. Evangeline sursauta, respirant rapidement, au bord de l'hyperventilation.

Son croque-mitaine semblait décidé à l'attaquer, puisque les coups de son corps massifs résonnaient encore et encore sur la porte. Cette fameuse porte renforcée de métal, solide.

Les grognements de rage de la créature rassuraient Evangeline. S'il était furieux, alors le monstre était en train de comprendre qu'elle venait de lui échapper.

Soulagée, la jeune femme se laissa glisser à terre, essayant de calmer sa respiration, et de reprendre son souffle.

Alors qu'elle se calmait, elle sentit sa joue la piquer légèrement, et elle passa la main dessus d'un geste distrait.

Elle se figea.

Elle leva une main tremblante à hauteur de ses yeux, la fixant en essayant de comprendre ce qu'elle voyait.

Sa main était rouge. D'un rouge brillant, humide. Du rouge des yeux du monstre. Rouge sang.

Il lui fallut de longues secondes pour comprendre que sa main était couverte de sang. Son propre sang.

Sa respiration se bloqua un instant en comprenant qu'elle saignait. Et qu'elle perdait suffisamment de sang pour en recouvrir sa main.

Sa joue se rappela à son souvenir, la brûlant maintenant.

Evangeline fronça les sourcils, essayant de rassembler ses idées, essayant d'écarter la vague de panique qui menaçait de l'engloutir depuis qu'elle avait vu sa main couverte de sang.

Le mouvement de son visage, pourtant léger, entraîna une vague de douleur et elle gémit.

Puis elle comprit.

Alors qu'elle entrait dans la pièce, le monstre avait donné un coup de sa patte griffue. Ses énormes griffes d'un blanc sale, de la couleur d'un vieil os qui serait resté au soleil, avaient probablement touché sa joue.

Il l'avait frappée, et avait fait couler son sang.

Mais sur le moment, l'adrénaline qui courrait dans ses veines avait anesthésié la douleur. Elle n'avait rien senti, juste un peu de chaleur.

La jeune femme recommença à haleter, paniquant en sentant sa joue l'élancer, et en voyant des gouttes de sang rouler sur son épaule.

Alors que sa tête commençait à tourner, elle se pencha en avant.

Elle eut un haut-le-cœur en voyant des gouttes de son sang s'écraser à terre, parfaitement rondes et brillantes. Rouge.

Evangeline inspira bruyamment en pensant qu'elle n'arriverait plus jamais à porter du rouge ou à apprécier le rouge.

Elle posa les mains au sol, pour se relever à la façon des tout jeunes enfants. Elle avait l'impression de ne plus avoir de forces, et le sang qu'elle perdait n'aidait en rien.

A quatre pattes, elle vit les gouttes de sang s'amasser au sol à un rythme inquiétant. Bientôt une mare se forma juste sous elle.

Elle fixa le liquide épais au sol, avant de se forcer à sortir de sa torpeur. Elle se remit lentement debout, et s'appuya au mur, chancelante.

Elle laissa sur le plâtre blanc une marque de main parfaite, sanglante. La preuve évidente qu'elle ne rêvait pas, qu'elle était bel et bien blessée alors qu'un animal monstrueux essayait de défoncer la porte derrière laquelle elle s'était réfugiée.

Tremblante, les jambes en coton, la jeune femme s'approcha du petit lavabo surmonté d'un miroir piqué de rouille.

Elle fit couler l'eau, à peine plus qu'un mince filet.

Elle commença par rincer ses mains pleines de sang, son sang. Puis elle se passa de l'eau sur le visage. L'eau glacée apaisa le feu qui dévorait sa joue.

Cependant, l'eau qui goutta sur la porcelaine l'alarma quelque peu : elle était rouge.

Elle repassa de l'eau encore et encore sur sa joue blessée, effrayée de voir que l'eau coulait toujours aussi rouge dans le siphon.

Elle inspira nerveusement, et leva les yeux vers le miroir.

Elle contempla en premier lieu ses yeux noisette, écarquillés comme jamais. Avec un détachement presque clinique, elle pensa que son regard était hanté.

Lorsqu'elle vit sa joue, elle hoqueta de stupeur.

Les coups continuaient de pleuvoir sur la porte, mais ils étaient devenus lointains. Extrêmement lointains. Dès lors qu'elle avait vu son reflet, ils étaient devenus secondaires.

Evangeline resta figée une longue seconde, comme si elle ne comprenait pas ce qu'elle voyait exactement, avant de pousser un hurlement strident.

Sa joue n'était plus qu'une plaie. Une immense plaie sanguinolente, violacée sur les bords.

Ses yeux s'étaient encore écarquillés et elle ne se reconnaissait plus.

Les coups cessèrent brusquement et le silence retomba sur la maison.

Son cri mourut subitement, s'étouffant dans sa gorge, alors qu'elle restait paralysée face à son propre reflet.

Agrippée au lavabo, elle sentit ses jambes flancher. Elle se laissa doucement glisser à terre, sanglotant désespérément.

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