Chapitre 3 : dénouement

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Avant mon agression, j’étais millionnaire. En me réveillant de mon coma deux ans après, je me retrouvais sans le sou. Et voici qu’à présent, je retrouve ma richesse d’avant. C’est tout bonnement incroyable ! Les montagnes russes ! Le destin ! Et moi qui pensais que le Karma m'avait puni pour m'être mal comporté ! Quel idiot j'ai été ! Dieu, ou qui sais-je encore, veille sur moi, aucun doute possible ! Je mérite bien mon surnom de “Lucky Luc” !

La remise de la somme s’est faite en toute discrétion, dans les locaux de la Française des Jeux. Je reçois tout un tas de conseils pour gérer mon argent. Je les écoute, en n’ayant qu’une seule idée en tête, retrouver mon standing. Le confort de vie me manque terriblement.

Première priorité, me refaire une garde-robe. Je fais le tour des magasins chics, claque pour plus de cent-mille euros de costumes et de chaussures en une journée. Dolce Gabbana, Saint Laurent, Paul Plein, Cerruti bien sûr, tout y passe. Ma nouvelle vie commence sous de bons augures, je me sens comme un poisson dans l’eau.

Priorité numéro deux : racheter ma maison dans le XVIème arrondissement. Je me heurte à la mauvaise foi de l’administration, qui nie en bloc ma propriété. J’ai beau leur dire qu’ils n’avaient pas le droit de saisir ma maison alors que j’étais encore vivant, certes dans le coma, mais encore en vie quand même ! Ils ne veulent rien entendre, affirment qu’ils ne retrouvent rien sur Luc Nisted, me disent d’aller en justice si je ne suis pas content, bref, l’administration française dans toute sa splendeur.

J’ai de l’argent, et le flouze permet de s’affranchir de toutes ces sottises, de ces tracas qui ne sont bons que pour les gens “normaux”. Je ne vais pas me battre une éternité, je fais appel à un notaire et je négocie l’achat du bien qui m’appartenait, pour y emménager. Evidemment, une fois là-bas, je ne retrouve aucune de mes affaires, tout a été pillé pendant mon absence. J’engage de lourds travaux de rénovation. La mairie avait commencé à repeindre la façade pour vendre plus facilement le bien, je demande de tout reprendre à zéro, la couleur qu’ils avaient choisi ne me plaît pas.

Troisième priorité, la bagnole. Je file chez un concessionnaire Lamborghini pour faire acquisition d’un véhicule en tous points identique à celui que je conduisais. Une Aventador jaune, rutilante, je peux à nouveau parader des les rues de Paris et serrer des minettes avec ce piège spécialement conçu pour la vitesse et le sexe.

En plusieurs semaines, j’ai retrouvé une grosse partie de mon train de vie d’avant. Quel pied de nez au destin, tout de même ! Et quel pied de nez à celui qui a voulu mettre fin à mes jours, je l’avais presque oublié, celui-là ! En parlant de nez, ça me rappelle les soirées à La Virgule, où on pouvait toujours trouver de la poudre à s’enfiler. Si le club est encore à vendre, je le rachèterais bien pour lui redonner son luxe d’antan.

Après vérification, l’établissement est toujours sur le marché. J’appelle au numéro indiqué sur l’écriteau. Une voix faible me répond :

« Cassandra, bonjour.

  • C’est moi, Luc.
  • Luc ?
  • Oui, Luc Nitsed. “Lucky Luc”, vous vous rappelez ?
  • Si c’est une blague, je vous conseille de raccrocher, monsieur. » répond-elle sèchement

Elle semble assez fatiguée, la mère Cassandra. Faut dire que je débarque comme ça, sans prévenir, au téléphone en plus, comment faire confiance ? Elle n’a pas entendu parler de moi depuis deux ans, elle m’a certainement oublié, et puis avec les soucis qu’elle a eus, la vente de son club… Ajoutons à ça qu’elle n’est plus toute jeune… Je la joue fine :

“Ne raccrochez pas. Je souhaite investir dans votre établissement “La Virgule”, le rénover et refaire de lui un des endroits incontournables de Paris.”

Au bout de la ligne, j’entends sa respiration, lente, asthmatique. Elle réfléchit. J’attends un peu, elle répond enfin.

  • J’espère que ce n’est pas une blague, mon ami. Rendez-vous demain 20h devant la Virgule. Je serai accompagnée de mon homme de main, ne tentez pas un mauvais coup.

Le lendemain, j’arrive au rendez-vous, ponctuel. Au bout d’une heure, Cassandra arrive, au bras d’un jeune homme que je ne reconnais que trop bien : Marc, le physionomiste ! Je m’approche pour les saluer. Ils ont un mouvement de recul, tous les deux, probablement à cause de mon enthousiasme un peu trop visible. Dans ce milieu, il faut savoir faire preuve de retenue, parfois. Je m’étonne que Marc me dévisage, l’air perplexe. Il ne semble pas me reconnaître. Peut-être est-ce parce que j’ai perdu du poids mon passage à l'hôpital ? Je renonce à lui poser des questions sur mon agresseur, je sens que ce n’est pas le moment.

Cassandra me semble moins pimpante que dans mon souvenir. Ses traits sont fatigués, ses yeux cernés. Elle non plus ne semble pas me remettre. Elle est tout excusée, la vieille, après ce qu’elle a vécu! Après une hésitation, elle s’avance enfin vers moi et me tend la main.

“ Combien voulez-vous investir ?

  • Combien faut-il pour rénover l’endroit ?
  • 2 millions d’euros
  • Très bien, j’investirai 2 millions d’euros, et je veux des parts dans la société et l’accès illimité à l’établissement, bien entendu.

Le visage de Cassandra s’illumine quand je sors le chéquier. Elle propose d’aller directement chez son notaire.

Le soir-même, je suis propriétaire à 50% de l’affaire. De l’argent bien investi !

Quelques mois plus tard, je me poudre le nez généreusement dans des formidables soirées de débauche, je mène grand train, comme avant…

Un jour pourtant, un événement vient perturber ma vie dorée. Je marche dans la rue tranquillement, quand une voix d’ivrogne m’interpelle.

“Luc ? C’est toi ?”

Je me retourne vers l’homme qui me parle. Enfin, ce qu’il en reste, car non seulement il est mal fringué, mais il pue horriblement la vinasse. Un clochard que je n’ai jamais vu de ma vie et qui fait semblant de me connaître. Je réponds, sèchement.

“ Oui, et puis ? On se connait ?

  • Ben oui, c’est moi, Paulo, tu me remets pas ? Ca alors, qu’est-ce que tu as changé ! Ca a l’air d’aller mieux, depuis ton accident ! La roue a tourné pour toi ?
  • Comment ça, mon accident ?
  • Ben oui, quand tu es tombé, et que je t’ai amené à l’hosto ! Ca alors !

Délires d’ivrogne, il fallait s’en douter… Le gars a vu ma tête dans les journaux, il a entendu parler de mon histoire et il s’est dit qu’il pourrait me soutirer un peu de fric ! Classique ! Devenez riche et vous aurez une ribambelle de morpions au cul !

Je lui réponds, en colère.

  • Mouche à merde ! T’auras pas un centime, dégage !

Je le repousse brutalement et le renvoies d’où il vient : dans le caniveau. Il s’effondre avec un bruit mou, et je m’en vais sans même lui jeter un regard. Ce pauvre type a gâché ma journée. Heureusement que je tiens dans ma main le petit carton doré qui me permet d’entrer à La Virgule quand je veux. Ce soir, j’oublierai ce con dans les bras d’une jolie fille.

La soirée est agréable malgré un pressentiment et une sensation désagréable de déjà-vu. Au bar, je vois une jeune femme qui me tourne le dos. Ses cheveux noirs tombent en cascade. Olivia. Je décide que cette fois, elle sera à moi. Je joue le grand jeu sans lui dévoiler que je la connais.

Nous faisons l'amour sauvagement sous l'effet des drogues que j'amène toujours avec moi.

Lorsque je rentre chez moi après ma nuit de débauche, des phares viennent m’éblouir. La voiture s’avance vers moi, puis accélère et vient me percuter, je n’ai pas le temps de réagir.

Je rouvre mes yeux et vois que je baigne dans une flaque de sang. Je ne parviens pas à bouger, je dois avoir le squelette en bouillie. Je vais crever ici sur le trottoir, déjà je sens la vie me quitter. Un visage se penche sur moi. Derrière mes paupières mi-closes, je parviens à distinguer le clodo de ce matin ! Dans ma tête, c’est le boxon, j’arrive juste à entendre ce qu’il me dit.

“ T’es qu’un salaud, Luc. Ta richesse t’a fait oublier tes amis ! Je te rappelle d’où tu viens, quand même ! Peintre en bâtiment, comme moi. On travaillait sur la baraque que tu as achetée une fois que t’as touché le gros lot. C’était avant que tu tombes de l’échafaudage, t’étais encore un gars simple !? Quand t’étais dans le coma, je suis allé te voir à l’hosto presque tous les jours ! Et maintenant que t’es riche, tu méprises tes anciens copains ! Tu fais la fête comme un gros connard ! Souviens-toi d’où tu viens !”

Dans le brouillard de mes pensées, tout s’éclaire. La soirée à la Virgule, la nuit avec Olivia, l'accident de voiture n'étaient pas des souvenirs vécus mais une prémonition. Un avertissement ! Une prophétie ! Et moi, comme un con, j’ai tout fait pour qu’elle se réalise, j’ai foncé tête baissée vers ce destin tout écrit pour moi. Où était ma part de libre-arbitre dans cette histoire ? Dans quelle mesure ma vision a-t-elle influencé mes actes ? Y avait-il seulement moyen que j’échappe à ce destin ?

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