8. Réflexions nocturnes

5 minutes de lecture

- 6 Décembre 2020, 00h04

San Francisco -

Lorsqu’on entre enfin dans la demeure des Harrison, je tire Crystal par la main pour que l’on monte à l’étage qui nous est attribué.

  • Je vais vérifier que les enfants dorment, je reviens, l’informai-je.
  • Tu parles comme une mère, ricane-t-elle me faisant lever les yeux au ciel.

Je quitte sa chambre et me rend devant celle de Lennon. Tout semble en ordre et il est assoupi, son doudou serré contre lui. Je remonte la couverture sur ses épaules et vais faire de même dans la chambre d’en face. Harper suce son pouce, son lapin en peluche posé contre le cou. J’embrasse son front et repars à l’étage.

Je pousse la porte de Crystal et entre en la refermant derrière moi. Lorsque je me retourne, je porte rapidement ma main à mes yeux en bégayant.

  • Pardon ! Désolée ! Quelle idiote !
  • Eh, ça va, je vais pas mourir parce que t’as vu mes seins, Cupidon, se moque-t-elle.

J’écarte prudemment les doigts et soupire en la voyant habillée. Elle me sourit de toutes ses dents en s’avançant doucement.

  • Qu’est-ce que tu fais ? bredouillai-je quand je comprends être sa cible.

Elle s’arrête à quelques centimètres de moi seulement, nos poitrines s’effleurent. Elle attrape fermement mes épaules et m’attire contre elle. Je me relâche après quelques secondes de crispation et entoure ses hanches de mes bras pour lui rendre son étreinte.

  • Merci, souffle-t-elle près de mon oreille.

Pour seule réponse, je resserre mon emprise sur sa taille en hochant la tête contre son cou. Mon souffle s’échoue sur son épiderme et j’observe les petits frissons qu’il provoque.

  • Tu devrais aller te coucher, Crystal, lui conseillai-je en me reculant.
  • Hum… Non, bougonne-t-elle, accrochée à moi.
  • Arrête de faire l’enfant, ris-je.

Malgré l’obscurité, j’aperçois sans mal le petit sourire fier qui s’est dessiné sur ses lèvres. Je soupire, amusée, et la guide jusqu’à son lit, l’obligeant à marcher à reculons.

  • Allez, dodo ! me moquai-je en remontant son drap sur elle.
  • T’es pas marrante, boude Crystal en croisant les bras.

Je m’assois au bord du lit et passe ma main dans ses cheveux bruns qu’elle a lâchés pour dormir. Crystal est tellement compliquée, elle est plusieurs personnes à la fois et ça me perturbe. Pourtant, quand je la vois, je n’ai qu’une idée en tête : la sauver d’elle-même.

Finalement, Maureen a peut-être raison. Je crois que je peux l’aider et qu’elle peut faire de même en retour.

Mes caresses semblent avoir apaisées la brune et elle n’est pas loin du sommeil profond. J’en profite pour la détailler du regard : ses paupières closes, cachant des iris bleues à couper le souffle et messagères de tant d’émotions, ses cheveux emmêlés par le vent, cette multitude de fines taches de rousseur qui parsème ses pommettes.

  • Tu sais que je sens ton regard sur moi, Cupidon ? se moque-t-elle alors qu’un sourire arrogant - encore - vient étirer ses lèvres rosées.

Je rougis fortement en lui frappant l’épaule sans grande conviction. Étouffant un bâillement, je me redresse, m’apprêtant rejoindre ma propre chambre et m’effondrer dans mon lit pour une nuit de sommeil bien méritée.

La main de Crystal attrape pourtant mon poignet avec une douceur infinie - contrairement à la dernière fois qu’elle l’a fait - et me pousse à me tourner vers elle.

  • Reste…
  • Crys, c’est pas…
  • S’il te plaît, me coupe-t-elle. J’ai pas envie d’être seule.

Sa voix n’est plus qu’un murmure lorsqu’elle prononce ces mots. Pourquoi refuser ? Après tout, au fond, j’en ai envie autant qu’elle. Pas pour les mêmes raisons, mais ça, elle n’est pas forcée de le savoir.

Je me glisse sous les draps à ses côtés et pose ma tête sur l’oreiller. Je sens Crystal bouger et immédiatement, son bras s’enroule autour de ma taille, sa jambe se trouvant une place entre les miennes et elle cale sa tête contre mon épaule. Le coeur cognant fort dans ma poitrine, j’amène ma main jusqu’à ses cheveux et reprends mes caresses.

  • Bonne nuit, Ange, soupire-t-elle.
  • Bonne nuit, Crystal, répondis-je sur le même ton en tournant ma tête pour embrasser son front dans un élan d’affection.

Je sais qu’un sourire narquois a repris place sur son visage et je n’empêche pas le mien d’apparaître. Ici, dans ce lit, son corps contre le mien, je me sens incroyablement bien.

Je suis épuisée mais mes pensées l’emportent sur la fatigue, me forçant à rester éveillée pour répondre à toutes ces questions qui me perturbent.

Le fait le plus incompréhensible depuis mon arrivée reste mon attachement inexpliqué à cette brune impulsive et qui n’a usé que de méchanceté jusqu’à ce que j’explose. Je connais Crystal depuis seulement quatre jours, comment est-il possible que j’ai déjà si peur de la perdre ? Pourquoi m’a-t-elle manqué ces deux derniers jours ? Qu’est-ce qu’il m’arrive, bon sang ?

Je ne sais plus quoi penser de tout ça. De nous. De notre relation tempestive. De ce besoin constant de la protéger de sa propre personnalité. Je veux juste pouvoir côtoyer constamment cette facette d’elle que j’ai découverte cette nuit et peu de temps avant son départ.

Son poids s’alourdit, me confirmant qu’elle est profondément endormie. Avec toute la lenteur dont je suis capable de faire preuve, je me tourne légèrement, veillant à la garder tout contre moi. Je bloque ma respiration lorsqu’elle bouge et stoppe tout mouvement. Elle déplie ses bras, en passant un derrière ma nuque, remontant l’autre contre mon omoplate, me poussant contre sa poitrine. Comprenant son intention, j’enfouis mon visage contre son buste, mon nez pressé contre le col de son haut, humant les douces effluves de son parfum. Sa main droite retrouve sa place contre ma hanche et c’est à son tour d’exercer des mouvements circulaires au milieu de ma chevelure blonde. Attendrie par son comportement, je me blottie autant que je le peux contre elle, enserrant sa taille de mes bras. Mes mains remontent dans son dos, sous son T-shirt, profitant de la chaleur rassurante de sa peau.

  • Dors, Cupidon. Tu tireras tes flèches demain, murmure-t-elle en reposant son menton contre mon front après avoir laissé ses lèvres effleurer ma tempe.

Le corps parcouru de frissons, je ferme les yeux et me laisse bercer par les battements réguliers de son coeur. Sur le point de rejoindre le monde des rêves, je réalise que c’est la seconde fois que je trouve le sommeil au creux des bras de Crystal.

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