chapitre 8

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Zeyn bailla, écartant les mâchoires comme s’il allait engloutir le visage d’une personne, sans s’occuper du soupir las de Date qui aurait préféré qu’il ait de meilleures manières. Il faut dire qu’on avait tendance à les regarder de travers où qu’ils aillent. Les autres reproducteurs n’aimaient généralement pas Zeyn et ceux pour deux raisons. La première était son chiffre, son taux de pureté, qui était affreusement bas. 62%. Ce n’était pas censé être assez pour se qualifier et seule la présence d’un gène excessivement rare avait pu le faire venir en zone de reproduction. Si ça n’avait été que ça, Zeyn aurait été vu comme une espèce de gars chanceux assez peu intéressant. Seulement ça ne s’arrêtait pas là, il était totalement décomplexé, très loin des considérations quasi-politiques qui pouvaient se jouer dans les zones de reproductions et il avait réussi à se lier d’amitié avec Never. 98%. Et ça, ça provoquait de très vives jalousies. On le voyait simplement comme quelqu’un de trop chanceux et il n’avait même pas la délicatesse d’en faire profiter les autres. Il n’invitait jamais personne à venir avec lui. Même les réceptacles n’avaient pas obtenu la moindre faveur et pas parce qu’il ne pouvait pas, simplement parce qu’il n’en avait pas envie.

Enroulant tranquillement le bras autour des épaules de son compagnon, il lui murmura gentiment à l’oreille :

- Tu ne devrais pas t’inquiéter comme ça…
- Oh mais je ne m’inquiète plus. Tout le monde sait que tu es grossier.

Zeyn s’amusa de sa réponse, éclatant d’un petit rire joyeux, parce que c’était vrai et qu’il aimait que Date lui réponde aussi simplement que ça.

- Alors qu’est-ce qui te rend aussi soucieux ?
- Une rumeur. Un réceptacle aurait posé des questions bizarres à propos des vœux.
- Un réceptacle tu dis ?
- Oui et ne le répètes pas. On ne veut pas que ça arrive dans vos oreilles de reproducteur qui croit pouvoir tout contrôler.
- Ah ouais… et pourquoi ?
- Parce qu’on ne le connait pas ce réceptacle et …
- Et vous pensez qu’il est en danger.
- La situation est bizarre. Oui.

Dans un grand soupir dramatique, Zeyn changea de cap, visant une autre ruelle et entraînant son compagnon avec lui. Tout en lui mordillant l’oreille dans un geste affectueux qui parvient à arracher un gémissement à son amant, il lui chuchota :

- Tu vois c’est marrant… parce qu’il y a aussi une rumeur qui court chez certains reproducteurs. Notre pote Visu se serait entiché d’un réceptacle introuvable.
- Oh.
- Ouais. Alors soit on va chez lui pour lui poser la question et qu’il te détende un peu, mais on risque d’arriver en pleine orgie. Soit on va chez Never voir ce qu’il sait.

Date se mordilla la lèvre, la chaleur lui montant un peu au visage et il chuchota :

- Je crois que je ne suis pas contre une orgie…

Les appartements de Visu étaient quasiment toujours remplis de corps nus, lascifs, aux portes de la jouissances ou entrain de la vivre. Les gémissements étaient la bande sonore classique de ce lieu de débauche. En y entrant, Zeyn se sentait toujours devenir taquin, mais régulièrement il se demandait comme Visu et Never avaient pu se lier d’amitié. Les pensées s’estompèrent alors que déjà les mains de Date le déshabillèrent, montrant à tous ce que ce corps malaimé pouvait resplendir. Zeyn avait un corps musculeux, dur et sec à la fois, tout en puissance. Il aimait l’entretenir parce qu’il aimait pouvoir soulever son réceptacle comme s’il n’était qu’une brindille. Pourtant Date était loin d’être aussi petit, fin et menu qu’il n’aurait fallu l’être pour être ainsi porté. Il était pratiquement aussi grand que son amant et s’il avait toujours été un peu maigrichon, la faute à une constitution rapide qui brulait toutes les calories, il n’avait rien de léger.

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ils étaient tout deux aussi nu que le jour de leur naissance et bientôt couché aux milieux des autres corps, transpirants et haletants. Les contacts légers tout autour d’eux les émoustillaient mais ils n’avaient d’yeux que l’un pour l’autre. Leurs doigts se caressaient mutuellement, cherchant à tirer des soupirs de plaisirs de leur partenaire. Très rapidement, Zeyn l’embrassa, mêlant leurs langues et leurs jambes, se frottant l’un à l’autre. Ce charmant spectacle attira quelques regards et tout autant de caresses. Les corps variés vinrent se coller à eux sans aucune forme de complexes.

L’excitation était telle que Zeyn ne mit pas longtemps avant de s’enfoncer dans son corps, faisant couiner son compagnon de bonheur. Au fur et à mesure des coïts, ils roulèrent dans la marée de corps qui étaient venus rejoindre ce grand lieu de plaisir jusqu’à atteindre Visu. Un verre d’eau à la main, il se désaltérait tout en caressant avec tendresse un réceptacle. Son sexe était encore luisant de lubrifiant. Date lui sauta dessus sans attendre, le prenant dans ses bras en souriant.

- Je te trouve enfin !

Visu haussa d’un sourcil étonné.

- Tu veux goûter à autre chose ? chuchota-t-il malicieusement sans même regarder Zeyn.
- Non ! Mais il paraît que j’ai une information pour toi.
- Oh, oh. Une bonne information ?
- Tu nous suis ?

Visu acquiesça tout en offrant une dernière caresse au fessier appétant qui faisait durcir son sexe à chaque nouveau coup d’œil. Ses quartiers étaient immenses et la partie centrale grouillait toujours de gens, mais il s’était réservé deux pièces interdites d’accès. La première, un salon, était utilisé pour recevoir ses amis les plus proches. La seconde contenait tout le nécessaire pour vivre et c’était là qu’il s’enfermait pendant les rares périodes où il rêvait de solitude.

Entrant dans le salon, il saisit l’un des peignoirs qu’il avait fait installer et en tendit deux autres à ses amis. Ce n’était pas que la nudité le gênait, mais parfois, le sujet ne s’y prêtait pas. Sur le portique il ne restait plus qu’un seul et unique peignoir qui n’avait jamais été porté mais qu’il avait fait faire sur mesure pour Never.

- Reheï a rencontré un nouvel arrivant qu’il n’avait jamais vu. Un petit gabarit. Chatain clair. Mais surtout, il a un signe distinctif des yeux vairons.
- Vous l’avez trouvé…
- C’est qui pour toi ?

Visu s’éloigna et avala quelques gorgées d’eaux. Il se sentait étrangement soulagé.

- Personne. Juste un nouveau réceptacle qui avait l’air intéressant.
- Ah… Il a posé des questions sur les vœux et il est parti. Personne ne l’a revu. On est assez inquiet.
- Il n’est pas réapparu ?
- Non.

L’impression de malaise le reprit avec un peu plus de force. Never avait quitté la dernière fête en faisant la gueule, il n’avait pas encore osé l’interroger depuis, mais peut-être avait-il réussi à avoir une information utile ? Il hésita un instant avant de lui envoyer un message.

- Est-ce que tu as des détails ?
- Reheï lui a conseillé d’essayer de trouver Crazer.

Visu acquiesça pour un réceptacle en difficulté, c’était sans doute un très bon choix en effet. Crazer et lui n’étaient pas ami, mais c’était un gars franc et sympa.

- D’après lui, un reproducteur a claqué un vœu pour qu’il vive à domicile… et il voulait savoir si un vœu pouvait en contrer un autre. Et il n’avait pas l’air de pouvoir sortir comme il le voulait. En faites, il avait l’air de ne rien connaitre…

L’angoisse de ceux qui en avait entendu parler leur sembla soudain bien plus logique. Une fois isolé dans ses quartiers, sans rien savoir des zones de reproductions, on pouvait lui faire croire à tout et à n’importe quoi. Lorsque Never arriva d’un pas nonchalant, visiblement peu ravi d’avoir du traversé une orgie pour les atteindre, il les trouva bien morose.

- Pendant la soirée, je n’ai vu personne pouvant répondre au profil. Admit Visu avant de demander : et toi ?
- Ouais… si. Un mec qui s’appelle Ogma. Il s’est vanté d’avoir fait monter son propre réceptacle. Si t’en as pas trouver d’autres, c’est que ça doit être lui.

En soupirant, Never s’installa sur l’une des banquettes. Il ne comprenait absolument pas les fascinations de son ami. Le groupe tenta de lui expliquer la situation et leurs inquiétudes, mais Never s’en foutait un peu. Après tout, il n’était pas un justicier ou quoique ce soit dans le genre. Il finit néanmoins par reprendre la parole, doucement.

- Et donc ? Vous voulez faire quoi ?
- On pourrait essayer de se rapprocher de cet Ogma. Proposa Zeyn.
- Ou prévenir les personnes qu’il pourrait tenter de contacter. Estima Date.
- On a besoin de plus d’informations. Soupira Visu.

Never observa un long moment le vide avant d’ajouter froidement :

- Ou alors… On casse sa porte et on entre.

Un grand silence se fit autour de lui avant que Visu n’explose dans un rire gêné tout en se grattant la tête. Parfois Never le surprenait vraiment.

- Non… Non, ça on ne peut pas.
- Ah oui ? Pourquoi pas. Vous pensez qu’il est en danger non ?
- Oui.
- Et vous ne voulez même pas y aller ? Ne serait-ce que pour toquer ?

Visu détourna le regard avant d’acquiescer. Effectivement, il n’avait pas besoin de beaucoup plus d’informations pour tenter le coup. Never haussa des épaules. Il se sentait souvent un peu déconnecté de tout ça et il n’avait pas l’âme d’un bon-samaritain, mais quand même… Zeyn lui avait déjà demandé si ce n’était pas son chiffre qui le rendait simplement intouchable, puis il avait découvert que non.

- Si on arrive à lui parler, même de loin, on devrait pouvoir lui faire un topo rapide sur ses droits… et lui dire qu’il a le droit de venir avec nous s’il-le veux. Marmonna Date, achevant de les décider.

Le petit groupe s’habilla, faisant se détourner Never un instant, puis ils durent traverser de nouveau l’orgie pour sortir des quartiers de Visu. Ils n’avaient aucune idée d’où habitait Ogma, mais ce ne serait pas le plus dur à trouver. Il fallut interroger seulement trois connaissances, dont deux s’occupaient d’accueillir du public, pour découvrir le quartier dans lequel il avait été installé. Il était étonnamment proche de celui de Visu et de Never. En faites, il avait dû faire des vœux pour obtenir cet emplacement.

Une fois dans le quartier, ils repérèrent Onaha, un jeune reproducteur très discret. Il était né ici et il y était revenu dès qu’il avait pu. Tranquillement, Visu alla lui parler en lui mettant une main sur l’épaule comme s’ils étaient amis. Le jeune eut l’air vraiment ravi et il indiqua la porte du logement d’Ogma sans soucis. Le nouveau venu n’était visiblement pas du genre discret. Tout le monde avait entendu parler de lui et ils le désignaient tous comme « le nouveau qui se prenait pour un petit roi ». Ce n’était pas vraiment méchant dans leur bouche. En faites, beaucoup de nouveaux se comportaient ainsi avant de comprendre, au bout d’un temps plus ou moins long, que la majorité des gens qui les entouraient étaient comme eux et qu’ils s’en foutaient.

Visu s’approcha et toqua tranquillement à la porte, le cœur battant étrangement vite. Ça ne faisait vraiment pas partie de ses habitudes. Vraiment. Vraiment. Vraiment pas.

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