Scène 8

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La scène se concentre ensuite sur Arthur et Laura qui sont toujours assis, un peu dépités, au fond de la pièce. Silence.

LAURA

On fait quoi alors ? On reste là à rien faire ? A attendre ? Sincèrement, c’est ce que tu veux ? Qu’on ne dise rien ? Qu’on se contente de soupirer comme des enfants qui s’ennuient ? De se haïr puis de mourir ? Silence. C’est pas le moment Arthur ! Vraiment pas le moment ! Ça sert à rien de se faire la gueule maintenant ! Long silence. Je m’excuse. Tu es content là ? Je m’excuse, est-ce que tu me pardonnes ?

ARTHUR

Non.

LAURA se levant d’un bon, scandalisée

On va crever Arthur ! On va crever ! Comment tu peux me dire ça ? Tu dois me pardonner, tu n’as aucune raison de ne pas le faire maintenant ! Silence, elle se calme un peu. D’accord. Peut-être que j’ai fait des erreurs. Peut-être qu’on s’est juste ratés. Mais pourquoi tout remettre sur la table maintenant ? Ca n’a aucun sens !

ARTHUR

Parce que je veux que tu souffres. Je veux te faire mal. Tout simplement. Dans trois quart d’heure, on va mourir, et tu n’auras pas le bonheur d’être pardonnée. Tu vas cramer en ayant la certitude qu’ici, quelqu’un ne t’as pas excusé et ne le fera jamais. Tu vas cramer avec un lourd sentiment de culpabilité. Tu vas cramer et tu seras convaincue que tu l’auras mérité. Tu seras tellement minée par cette pensée que tu en arriveras à croire que cette fin du monde est de ta faute. Silence. Tu vois, ça fait entièrement sens.

LAURA

Tu ne peux pas faire ça. Tu n’en as pas vraiment envie. Je n’ai rien fait pour que tu en ais vraiment envie. Très long silence. Et si je dis que je t’aime ?

ARTHUR

Non.

LAURA

Je t’aime Arthur. Je t’aime comme je n’ai jamais aimé qui que ce soit. Je te l’assure.

ARTHUR

Tu mens.

LAURA

Je t’aime ! Je t’aime et tu ne peux pas le refuser !

ARTHUR

Tu dis ça parce que tu as peur. Tu m’aimes parce que tu vas mourir.

LAURA

Peut-être ! Peut-être, et alors ? Qu’est-ce qu’on en a à foutre maintenant ? On peut bien faire semblant ! On peut se bluffer, quelle importance ? Regarde nous, Arthur ! Nous sommes seuls, à croupir dans une boite miteuse, sans musique, sans rien. Qu’est-ce qu’il nous reste à par ça ? Silence. Elle se traîne vers lui à genoux. C’est ça que tu veux ? Mourir seul ? Mourir sans que personne ne t’aime ? Pire encore : mourir avec la certitude que tu es détesté ? Que je te déteste ? C’est ça ? Pourrir ta vie, ta conscience, tes sentiments, puis pourrir même ceux des autres pour ne rien regretter ? Te foutre déjà à moitié en l’air pour que la tâche soit moins dure le moment venu ?

ARTHUR

Laisse moi.

LAURA

J’ai donc tout compris ? Tu veux nous soulager en réalité ? Nous faire comprendre que de toute façon, tout ça ne valait rien. Que de toute façon, l’existence, l’amour, les autres, c’est de la merde et que la merde faut la laisser partir. Tu veux nous réduire à l’état de larves assoiffées de haine pour qu’on en vienne à oublier la tristesse de notre extinction.

ARTHUR

Laisse moi !

LAURA

Tu es pire que moi en fait. Moi, je me berce d’illusions, j’essaye simplement de me sortir cette apocalypse de la tête, de fermer les yeux. Toi tu les gardes grands ouverts et tu te persuades que cette mort est méritée et bénéfique. Tu ne fuis pas la réalité, tu la changes. Elle lui parle de manière tantôt compatissante, tantôt violente. Mais tu te trompes Arthur. Cette fin du monde, on ne peut rien y faire. Elle est tout à fait injuste et on ne l’a pas méritée. Le monde est un endroit extraordinaire. Les gens sont merveilleux et ils s’aiment. Des gens t’ont aimé. Je t’ai aimé et c’était réciproque. Tout cela est vrai et pourtant, tout cela va disparaître. Tout ce que tu avais, tout ce dont tu as joui, tout va partir dans une heure. C’est ainsi et tu pourras bien pleurer toutes les larmes de ton corps, elles aussi vont disparaître de toute façon. Maintenant que tout cela est dit, qu’est-ce qu’on fait ?

Les lumières se rallument en clignotant, les gens sont enthousiastes. Un slow commence dans un crépitement.

On continue à se mentir et à se convaincre qu’on est des monstres, ou alors on fait semblant et on profite de nos dernières minutes ?

Arthur regarde Laura mais ne répond pas. Laura lui tend la main. Moment d’hésitation. Arthur commence à lui prendre mais finit par la serrer brutalement. Débute une danse ambiguë qui commence par un combat violent où Arthur semble se soulager de toute sa rage et Laura se défendre, puis la danse se transforme peu à peu en slow langoureux puis en prémisse à une relation sexuelle. Le couple finit par sortir en s’embrassant et en se déshabillant.

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