Scène VIII

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Jean Valjean s'étendit sur le policier, se glissant entre ses cuisses, faisant preuve d'une assurance qu'il était loin de ressentir. Et les bouches se retrouvèrent, les lèvres, les langues. Javert posa ses mains sur les épaules de Valjean, caressant le dos, suivant les cicatrices. Chaque touche faisait frémir le forçat, la dernière fois que quelqu’un avait touché son dos nu dans cette vie, c’était avec un fouet.

« Soulever ce chariot était un acte stupide. Je t'avais prévenu...

- Que pouvais-je faire d'autre ? Laisser Fauchelevent mourir ?

- Une preuve pour moi...

- Comme si tu ne m'avais pas reconnu dés le départ...

- Je doutais...

- Tu avais raison. »

Ces phrases étaient entrecoupées de baisers, de caresses, affamés, sensuels, enivrants. Valjean défaisait la chemise de Javert, pressé de sentir la peau sur la sienne. Il voulait retrouver la toison du Javert du XXIe siècle. Il ne fut pas déçu.

Il caressa aussi l'entrejambe du policier, se souvenant de la fellation que Javert lui avait donnée. En 2019. Deux pédérastes !

Merde ! Ils l'étaient déjà en 1823.

« Et la femme Fantine ?! Me casser ainsi devant mes hommes !, grogna Javert. Je t'ai haï !

- Elle se mourait Javert. Tu étais impitoyable !

- Je le suis toujours... Dieu... »

Javert cessa de se battre. Il ferma les yeux et se cambra sous le toucher de Valjean. L'ancien forçat avait ouvert le pantalon de l'ancien garde-chiourme, sortant le sexe, dur, douloureux, pour le caresser.

Javert était toujours resté vierge. De corps, d'esprit. Et là, ses mains serraient avec force les épaules de Valjean, à laisser des hématomes. Prouvant par là à quel point il perdait son contrôle sur lui-même.

Javert gémissait, sa tête partie en arrière, Valjean en profita pour embrasser et mordre le cou accessible. Il chercha ensuite un lobe d'oreille. Et la voix si grave et si profonde du policier monta dans les aigus.

« Si tu savais depuis combien de temps je te voulais..., souffla Valjean.

- Je...je croyais que c'était la haine...la peur...qui t'opposaient à moi... »

Javert n'avait pas tort, la première fois, ce n'était pas le désir qui les unissait. Valjean en venait à oublier qu'il rejouait sa vie sans comprendre pourquoi ni comment.

« C'est vrai. Tu as raison, admit Valjean.

- Alors...je ne comprends pas...

- Viens ! »

Une adjonction faite sur la voix autoritaire de M. Madeleine. Javert gémit. Il n'était pas loin en effet. Quelques caresses, quelques baisers. Il manquait d'endurance. Il perdait déjà le souffle, il se sentait dériver. Indigne d'un adulte de quarante ans. Il agissait comme un adolescent. Incapable de se contenir. Mais il n'avait jamais... Il n'avait jamais...

« Dieu, Jean..., articula Javert, désespéré.

- Viens..., » répéta Valjean.

Un rire hystérique. Javert redressa la tête pour regarder bien en face Valjean. Ses yeux gris étaient brouillés mais ils ne reflétaient pas que du plaisir. Il y avait de la douleur en eux.

« Tu n'existes que pour me pousser à la faute, jeta Javert. Moi, un pédéraste ! Merde ! »

Valjean le fit taire en capturant sa bouche et la langue dansant avec la sienne fit venir Javert. Son sperme se versa sur la main de Valjean, sur le foin, tandis que l'homme geignait.

Ceci fait, Valjean lâcha le sexe de Javert.

Il était content, fier, un peu inquiet aussi. Il voulait le plaisir de son compagnon et ancien adversaire. Il ne voulait pas lui faire de mal.

« Et toi ?, demanda le policier, encore essoufflé.

- Aucune importance. »

Javert ne fut pas de cet avis. S'il fallait se damner autant le faire entièrement. Le policier n'était pas aussi fort ni large que l'ancien forçat mais il était souple et habile en combat. D'une prise implacable, il fit tomber Valjean sur le dos et retourna la situation.

Le Javert du XIXe siècle était plus agressif que le Javert du XXIe siècle.

Valjean songeait à cela en sentant les dents de Javert mordre ses lèvres alors qu'il l'embrassait profondément, tandis que ses mains défaisaient son pantalon sans tendresse. Libérant le sexe excité et fuyant de l'ancien maire de Montreuil.

Javert avait fait cela doucement en 2019, Javert négligea les préliminaires pour branler efficacement le sexe de Valjean. Cela fit gémir aussitôt Valjean.

Et surtout, le Javert de New-York ne connaissait pas Jean Valjean, ce Javert-là le connaissait très bien et ses paroles le prouvaient.

Javert caressait Valjean, et sa bouche se plaça au creux de l'oreille pour murmurer des paroles assez dures.

« J'ai puni des hommes à Toulon pour cela Valjean ! Dix coups de fouet pour une branlette ! Quinze pour une plume ! As-tu vendu ta rosette à Toulon ? Jean Valjean !

- Jamais !

- Je t'aurai cassé le dos si tu m'avais fait cela à Toulon ! Putain de 24601 ! Je n'ai jamais eu de pensées maudites ! JAMAIS ! Un homme irréprochable ! Regarde ce que tu as fait de moi ! »

La caresse était enivrante mais Javert brisait l'excitation par ses paroles.

« Je t'en supplie Javert ! TAIS-TOI !

- Un homme irréprochable... Merde... »

Javert reprit les lèvres de Valjean, embrassant avec passion, le désir revenait de plus belle. Javert caressait et caressait habilement.

Et il réussit à faire venir Valjean en suçant doucement sa lèvre inférieure...donnant envie à Valjean de cette bouche ailleurs sur son anatomie.

Ceci fait, Javert le lâcha et s'éloigna aussitôt. Nulle question d'un câlin ou de douceur après l'amour. Ce fut Valjean qui se rapprocha de lui et qui posa sa main sur son épaule, surpris de sentir le muscle se crisper sous son toucher.

« Javert... Fraco... Je suis désolé...

- Désolé ? Tu n'as fait que répondre à mes désirs. Je ne savais même pas que j'aimais cela.

- Tu m'as rendu fou.

- Alors nous sommes fous tous les deux, tu le sais. »

Valjean s'était encore plus rapproché et ses bras enveloppèrent le torse du policier. Lui voulait de la tendresse. Que leur histoire ne se résume pas à une simple affaire de sexe...ou de haine... Il força Javert à se caler contre lui et à se recoucher dans le foin.

Javert se soumit et posa sa tête sur l'épaule massive de l'ancien forçat, appréciant la chaleur de la peau, savourant l'odeur musquée de l'homme, aimant les caresses douces des mains larges de M. Madeleine sur son bras...

Les deux hommes se retrouvèrent l'un contre l'autre.

« Et maintenant ?

- Maintenant, je suis fatigué, sourit Valjean. Je voudrais me reposer un peu contre toi et manger quelque chose.

- Je voulais dire et après ça ? »

Valjean avait bien compris le sens de la question, il souriait en sentant l'agacement perceptible dans la voix du policier.

« Après cela, cela ne dépend pas que de moi.

- C'est-à-dire ?

- Je te veux de retour à Montreuil. Je te veux dans ma vie. »

Puis plus bas, tout près de l'oreille, Valjean souffla :

« Je te veux dans mon lit.

- Cela me semble illusoire.

- Comment cela ? Tu ne veux pas rester avec moi ?

- Un ancien cogne déchu ? Comment penses-tu me faire vivre à Montreuil ?

- Javert, il devrait être possible de...

- Non. Tu vas retourner gentiment à Montreuil, poursuivre ta vie de M. Madeleine et je vais rester Javert, ouvrier agricole de M. Toutain.

- Je refuse de te laisser ! »

Javert se mit à rire, sans amusement aucun. Mais toute cette scène était tellement pathétique.

« Tu ne m'as pas cru capable de démissionner, n'est-ce-pas ? Tu as pris cela pour de l'esbroufe.

- Non. Mais je pensais que nous en discuterions...avant...

- Nous l'avons fait. Nous avons déjà trop discuté. »

Valjean se dressa sur un coude et regarda Javert. Face à face. Le policier ne souriait pas, ses yeux brillaient de douleur.

« Je refuse de te laisser ici ! Tu vas venir avec moi. Je vais informer Paris de ton retour à Montreuil. S'il faut que je me déplace en personne pour rencontrer ce d'Anglès, je le ferais. Je vais plaider ta cause et tu reviendras.

- Je ne reviendrai pas ! Je ne suis pas digne de porter l'uniforme. Je t'ai laissé libre. Ta place est à Toulon. »

Le mot fit mal.

Valjean se pencha et posa son front contre celui de Javert. Il ferma les yeux et murmura :

« Je ne te veux pas de mal. Si mon arrestation peut te permettre de retrouver ta place... »

Une main calleuse caressa sa joue, se perdant dans sa barbe, puis des lèvres se posèrent sur les siennes et le baiser fut doux, si doux.

« Je refuse de t'arrêter. Il me semble avoir été clair à ce sujet.

- Reviens, je t'en prie. »

Un baiser, encore un et l'excitation revint. Ils n'étaient pas si vieux en 1823. Valjean avait cinquante ans et Javert quarante ans.

« J'ai encore envie de toi, souffla le policier. Je n'ai jamais connu cela.

- Moi non plus, soupira Valjean.

- Vraiment ? »

Tu as été mon premier, le seul et l'unique, pensait Valjean mais il se contenta de répéter :

« Vraiment.

- Deux pédérastes. Si nous étions à Toulon, je me collerais au mitard.

- Tu nous collerais au mitard. »

Et ils rirent avant de s'embrasser encore et encore. Puis le rire s'éteignit pour devenir des gémissements. Javert était plus calme, apaisé, il caressait Valjean avec douceur cette fois et cela ravissait l'ancien forçat. M. Madeleine rendait la pareille à son chef de la police, prenant sa bouche profondément et menant lentement Javert au bord du gouffre par des caresses bien appuyées.

Ils gémirent encore et encore, murmurant leur prénom au-milieu des halètements.

« Jean... Je ne peux pas revenir à Montreuil... Je ne peux pas...

- Alors dis-moi. Comment faire ?

- Dieu je ne sais pas. »

Ce fut plus long cette fois-ci. Plus long de construire la vague qui allait les submerger. Plus long, plus intense.

Soudain Javert retourna la situation, dominant Valjean, le coinçant sous sa stature. Valjean ressentit soudainement un fol espoir, surtout que le policier se glissait sur son torse, embrassant son cou, sa gorge, cherchant les mamelons, cachés au-milieu de la toison grisonnante de M. Madeleine. Il devenait téméraire et explorait le corps de l'ancien forçat, retrouvant les cicatrices du bagne et essayant de ne pas trop y penser.

Le forçat se mordait les lèvres et ses mains saisirent les épaules du garde-chiourme.

« Et quelle excuse pourrais-tu donner pour expliquer mon retour ?, souffla Javert, en levant la tête et en cherchant les yeux de Valjean.

- Le fait que j'ai besoin de toi à mes côtés.

- Durand est un bon policier, opposa Javert.

- Il est jeune. Mon usine va s'agrandir. J'ai besoin d'un bon chef de la police.

- Tu en as un !

- J'ai besoin de quelqu'un qui connaît bien la ville. »

Javert se mit à rire, amusé, ironique.

La ville de Montreuil ! Ce n'était pas Paris. Un seul chef de la police suffisait.

Les mains de M. Madeleine se perdaient dans la longue chevelure noire et si soyeuse de Javert. Il s'était lavé avec soin pour cette fête campagnarde...ou pour lui ?

« Et si j'obtenais une mutation pour Durand ? »

Là Javert cessa ses baisers et ses caresses sur le torse du maire de Montreuil. Il réfléchit intensément.

« Ça, ce n'est pas idiot, reconnut-il. Si le maire de Montreuil réclame une mutation pour son inspecteur, il peut obtenir un nouveau chef de la police.

- Et ce pourrait être toi.

- Mais il faudrait que Durand soit d'accord. »

Valjean saisit les épaules de Javert et le tira à lui pour l'embrasser fougueusement.

« Il le sera ! Il m'est dévoué ! Comme jamais l'inspecteur Javert ne le fût ! Je peux obtenir son départ.

- Perfide, monsieur Madeleine. Il faut que ce soit une promotion !

- Je vais écrire à Paris puis je vais y aller en personne. Je vais plaider ma cause, la tienne, celle de Durand. Et je vais obtenir gain de cause. »

Nouveau baiser, Javert riait contre les lèvres de M. Madeleine.

« Nous verrons bien. »

Un dernier baiser.

Ils restèrent ainsi, l'un contre l'autre quelques temps puis la décence les obligea à quitter la ferme.

Javert prépara la voiture et emmena M. Madeleine à la fête de Crèvecoeur.

Son patron, M. Toutain, les regarda arriver avec suspicion. Il s'approcha de l'ancien policier, protecteur.

« Tout va bien Javert ?

- Tout va bien, monsieur, » fit Javert, déférent.

Il était visible au sourire réjoui du vieil homme que les manières polies et affables du policier lui plaisaient. Un homme si impressionnant dressé pour être à la botte des plus riches. Valjean eut envie de fracasser la mâchoire de ce propriétaire terrien qui abusait ainsi de son autorité pour soumettre Javert.

« Qu'avez-vous pensé de la ferme de M. Toutain ?, demanda M. Verier à M. Madeleine.

- Un beau domaine. »

Et les personnalités politiques accaparèrent le célèbre maire de Montreuil pour discuter d'aménagements et de modernisation urbaine, laissant Javert, simple ouvrier agricole, profiter de la fête avec des gens de sa classe sociale.

Ce fait n'échappa à personne et Javert s'y plia. Il prit un verre de bière et s'assit à un banc dans un recoin de la place, observant les danses sans vraiment faire attention.

Quant à M. Madeleine, il était assis au-milieu des riches bourgeois de la ville, devant s'extasier sur le château et converser avec les dames, tandis que Cosette sautait de joie d'avoir retrouvé son père.

Faire revenir Javert à Montreuil. C'était une gageure mais Valjean se jura d'y parvenir.

Ce soir-là, on salua M. Madeleine avec gentillesse tandis qu'il prenait la diligence pour retourner à Montreuil, en compagnie de Sœur Simplice et de sa fille Cosette.

Javert avait disparu et Valjean fut attristé de ne pas avoir pu lui reparler... Puis il aperçut sa haute silhouette postée contre un mur, le pied botté nonchalamment appuyé derrière lui. L'homme ne le quittait pas des yeux et il porta sa main à son chapeau absent pour saluer son ancien supérieur.

Promis ?

Promis !

Promis...

M. Madeleine se répétait ces mots en se couchant dans l'auberge-relais. Il allait faire venir Javert à Montreuil, M. Madeleine allait se faire entendre de Paris.

Il se le répétait en s’endormant dans la chambre de l’auberge où il faisait étape avant de rejoindre Montreuil-sur-Mer.

Il se le répétait encore en retrouvant son lit dans la maison de M. Madeleine.

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