Les nouveaux santons

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Après plusieurs années d’absence, je suis retourné faire un petit tour au salon international des santons de Provence, qui s’est ouvert mardi passé à Avignon, ville qui l’accueille cette année. Le monde du santon, fait peu connu du grand public, est un des secteurs économiques les plus dynamiques, non seulement de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais aussi du monde entier. J’ai eu la chance de pouvoir parcourir les stands et de discuter du sujet avec Geppetto Luravi, le président de la fédération internationale de fabricants de santons de Provence. Gepetto, une connaissance et un ami de longue date, est non seulement lui-même le directeur passionné d’une fabrique de santons de Provence en Toscane, mais aussi un des meilleurs connaisseurs et historiens du sujet. Il est notamment l’auteur du livre « Les santons pour les nuls », traduit en trente-neuf langues, et de la volumineuse « Encyclopédie des santons ». J’ai préféré retranscrire ici fidèlement l’intégralité de notre sympathique conversation, enregistrée, pour conserver la spontanéité du jeu des questions et réponses, spontanéité qui en dit plus et mieux qu’un exposé journalistique classique. Ceci avec, cela va sans dire, l’accord de Geppetto. Je me suis juste permis de traduire en français certaines phrases que Geppetto avait émises spontanément dans son toscan maternel, et d’éliminer quelques mots et expressions tout aussi spontanées qu’un minimum de bienséance et de respect du lecteur ne me permettait pas de laisser subsister. Que le lecteur ne s'offusque pas de la répétition de certains mots, par exemple, vous êtes presque en direct.

- Geppetto, en nous promenant de stands en stands, nous ne pouvons que constater que le santon est vraiment devenu un produit international. Ne penses-tu pas que la tradition provençale se dilue dans une sorte de grand n’importe quoi ?

- Non, il faut être moderne et ouvert sur le monde. Le santon de Provence a conquis le monde entier, d’un produit local nous avons fait un global business, il est logique et de justice que le monde nous renvoie un feed-back. C’est le trend du world d’aujourd’hui.

- Oui, bien sûr, le discours habituel, mais au-delà de cette rhétorique libérale banale et, excuse-moi, un peu passe-partout, des Chinois en costume Mao dans une crèche provençale ?

- Il s’agit alors d’une crèche provençale Mao, mais cela reste des santons de Provence.

- Même si tous les santons sont asiatiques ?

- Xavier, je te le répète, le monde est devenu un village global. Écoute-moi bien, il s’est vendu l’année dernière plus de petits Jésus noirs ou café au lait que de petits Jésus blancs. Les santonniers doivent s’adapter à la demande du public.

- Mais un petit Jésus noir, quand même…

- Si le client achète, pourquoi pas. Et puis, Xavier, si tu es honnête, et en bon journaliste, je suppose que tu dois l’être…

- Euh, oui… Évidemment.

- Alors, tu dois reconnaître que personne ne sait vraiment de quelle couleur était le petit Jésus. On peut supposer, mais on ne sait pas. Et comme dit, si ça se vend, on s’en bat les coucougnettes. Pour moi, il pourrait être vert et le petit-fils de Yoda, si ça se vendait…

- Bon, revenons au sujet. Pour nos lecteurs, pourrais-tu nous faire une présentation des tendances actuelles dans le santon, pour commencer ceux des producteurs provençaux ?

- Alors, nous devons d’abord donner un coup de chapeau à la production marseillaise. Les santonniers de Marseille sont les vedettes cette année, avec une foule de créations originales et modernes, mais qui s’intègrent très bien dans une crèche plus traditionnelle. Produits par « les santons de la Canebière », voici les deux produits phare : le càcou et la cagole. Ils existent déjà depuis plusieurs années, mais les ventes ont vraiment décollé pour le dernier Noël. Le càcou est particulièrement réussi, regarde. Chemise ouverte sur la poitrine moyennement velue, chaîne en or, lunettes de soleil, smartphone dans une main, cigarette dans l’autre. Regarde la précision de la peinture : si tu regardes par-dessus les lunettes, tu distingues bien le regard abruti, les yeux alcooleux.

- Dans une crèche ? Un càcou ?

- Oui, c’est très tendance. N’importe où, regarde autour de toi, tu peux voir une foule de personnes les yeux rivés sur leur portable, et qui ne voient rien ou presque de ce qui se passe autour d’eux. Le monde pourrait s’écrouler, ils mourraient sans s’en rendre compte, la tête dans Candy Crush, whatsapp ou Angry Birds. Crois-moi, ce càcou-là passera très bien dans ta crèche traditionnelle. Tu peux même le mettre directement au premier plan, entre l’âne et le bœuf. Ils sont à peu près du même niveau intellectuel. Bon, si le càcou te dérange, tu trouves, toujours rivé sur son smartphone, le lycéen ou le cadre, dynamique ou pas, en costume trois pièces cravate.

- Mais la cigarette ?

- Si tu retournes le santon, tu peux lire, sous le socle, « Fumer tue », mais le modèle sans cigarette existe aussi. Au choix, avec un verre de pastis, un verre de bière ou une canette, ou encore un quotidien de sport.

- Je vois que le càcou porte un pantacourt. D’autres santons aussi. Les vêtements sont à la mode de cette année ?

- Il s’agit là d’un défi de taille pour les santonniers qui doivent effectivement adapter leurs modèles, à chaque saison, aux exigences de la mode. Du travail bien sûr, mais nous restons dans la tendance actuelle. Essaie de vendre des santons à la mode de l’hiver dernier, bon courage ! À part les bergers, et encore.

- Cette tendance, comme tu dis, s’applique aussi aux personnages traditionnels ?

- Bien sûr, prends la vierge Marie, par exemple, et bien cette année, elle porte le voile derrière les oreilles, l’an passé il les recouvrait, et le bleu de la robe est plus clair, ce bleu que nous avons vu dans tous les défilés de haute couture. La pointe de la chaussure qui dépasse de la robe est aussi plus fine, avec une boucle de métal doré sur l’empeigne. Ou le petit Jésus, qui porte cette année un slip où nous pouvons reconnaître le logo d’une marque de vêtements pour enfants.

- Le santon devient donc aussi un support publicitaire ?

- Évidemment, même si cela reste une niche dans le monde de la publicité, ce n’est pas négligeable en terme de revenu pour les santonniers. Et la clientèle y est aussi sensible. Le client pas trop futé, qui est prêt à payer plus cher un t-shirt pour faire de la pub, bénévolement, pour une marque multinationale, achètera de préférence des santons avec des signes reconnaissables de marque de vêtements ou de chaussures. Ou même de marque d’outillage et de chaîne de magasins. Regarde les chaussures de Joseph… Ou le sac de la poissonnière, où nous voyons distinctement le nom d’un distributeur de produits de la mer. Ou le bûcheron avec sa tronçonneuse d’une marque scandinave connue.

- Tout ceci est bon pour le chiffre d’affaire des santonniers, donc ?

- Bien entendu, et en suivant la mode, le santon devient un produit annuel. De plus en plus de clients achètent chaque année une nouvelle crèche complète. Seuls les animaux, bœuf, âne et moutons passent encore l’année dans un carton au grenier. Pour les autres… La tendance est au santon jetable.

- D’où une nécessaire baisse des coûts de production ?

- Évidemment, si nous voulons mettre à disposition de la clientèle une nouvelle crèche chaque hiver avec des prix abordables, nous n’avons pas le choix, il faut les faire fabriquer dans des régions à bas coût de production. Mais tu remarqueras que la qualité n’en souffre pas. Regardez les détails, la précision du coup de pinceau… Magnifique ! Ces petites Bengalies sont des artistes. Peindre ces petits chef-d’œuvres dans les conditions misérables dans lesquelles elles travaillent, cela mérite tout notre respect. Quelle abnégation de leur part ! Des saintes pour peindre des personnages d’une sainte scène, magnifique n’est-ce pas ?

- De légers doutes m’affleurent quant à ton interprétation de leur labeur, mais soit, revenons au sujet, une fois de plus, sont-ce encore des santons de Provence ?

- Bien sûr. Ils sont conçus chez nous.

- Oui, mais vous les santonniers, Comment pouvez-vous marquer « made in France » ou « made in Italy » sur l’étiquette, si vos santons sont fabriqués au Bangladesh ?

- Oh la la la la, Pas de vilains sous-entendus, Xavier, s’il te plaît. Nous ne faisons qu’appliquer la loi. Si plus de cinquante pour cent du coût de production est réalisé en France, nous avons le droit d’écrire « made in France ». Ou « made in ailleurs ». C’est la loi. Et la loi, c’est sacré. Tant qu’elle nous arrange, bien entendu.

- Mais…

- En Provence, pour prendre l’exemple des Santonniers locaux, nous collons l’étiquette du prix, le made in, plus le conditionnement dans des emballages individuels, et voilà, ils sont « made in France ». Je t’envoie mon chef du controlling pour te le prouver, si tu ne me crois pas.

- Est-ce honnête ?

- C’est la loi, je le répète. La prochaine fois que tu achèteras un vêtement ou un vélo « made in France », réfléchis un peu à ce que je viens de t’expliquer… Coller un logo et emballer suffit à transformer une chemise indienne en une tricolore. Comme dans Cendrillon, la citrouille cambodgienne et le carrosse français. Je me sens presque une âme de poète. Les réglementations commerciales dans notre belle Europe et l’honnêteté envers le consommateur sont deux notions qui gravitent autour de deux galaxies philosophiques différentes. Mais nous nous éloignons du sujet. Nous en étions au càcou.

- Et tu as parlé aussi de la cagole.

- Oui, voilà, alors pour la cagole, la poufiasse marseillaise pour ceux qui ne connaissent pas le mot, le choix est plus vaste que pour le càcou, raison de mode féminine, évidemment. Il faut bien sûr faire des choix entre la diversité et les coûts de product, donc l’offre se concentre sur la mode automne hiver de l’année, encore une fois. Tu remarqueras que les chaussures sont assorties.

- Mais la mini-jupe dans la crèche, ça ne vous choque pas ?

- Le client achète, donc non, ça ne me choque pas.

- Et le décolleté ? - Le client achète… - Mais l’esprit de la crèche…

- Décidément… Monsieur-l’esprit-de-la-crèche, ceci est un salon commercial, pas un centre d’éthique pour empêcheur de vendre en rond. L’esprit de la crèche, c’est ce que le client est prêt à acheter. Rien de plus. Arrêtons cette discussion stérile et allons plus loin. Voici un produit qui depuis quelques années marche très fort : le tueur à gage, ou plutôt les deux tueurs à gage sur une moto. L’un conduit, le deuxième tient le pistolet-mitrailleur. Là encore tu peux reconnaître la marque de la moto. La série a d’ailleurs été sponsorisée par le fabriquant. Et si tu es observateur, tu reconnais les deux tueurs de la série télé « Vroum, Zou ». Sinon, en plus traditionnel, le tueur à pied, avec son fusil à lunette.

- Dans une crèche ?

- Bah, tu peux le reconvertir en garde du corps du petit Jésus. Si un méchant approche, pan, pan.

- Un peu tiré par les cheveux, non ?

- Si le client achète… Allons maintenant visiter le stand d’un autre fabricant très dynamique, « Les santons du Panier ». Ce santonnier nous propose le dealer.

- En jogging ?

- Oui, plus pratique pour courir. Tu as le choix entre le Maghrébin, l’Africain noir ou l’Européen.

- Lequel se vend le mieux ?

- Le premier,évidemment. Stoooop, pas de commentaire désagréable sur d’éventuels préjugés du public, pas de politique ici. Just business. Si tu lui mets à côté le santon du junkie épave en train de vomir dans le caniveau, regarde comme celui-ci est bien fait, les yeux révulsés, tout maigre, pale comme la mort, tu as un tableau excellent pour faire la morale à tes enfants. Du style, tu vois si Jésus s’était drogué, il n’aurait jamais pu se faire crucifier. Bon après, chaque parent adapte le discours, mais pour te dire que même des santons qui semblent bizarres à première vue peuvent jouer un beau rôle éducatif et spirituel.

- Si je proposais à mon fils le choix entre la drogue et la crucifixion, je ne suis pas persuadé qu’il choisirait la seconde option. Malgré la noblesse de la seconde alternative, je l’admets. Nous continuons la visite ?

- Quittons la Provence, et même l’Europe. Un fabricant chinois qui crée des produits extrêmement originaux, la firme « San Tong ». Son produit phare : le touriste asiatique avec son appareil photo. Ils se vendent comme des petits nems, excellent dans la crèche. Imagine, Jésus, ses parents, l’âne, le càcou, le bœuf et devant, tu places cinq ou six asiatiques en train de photographier le petit Jésus. Ambiance assurée ! Tu peux même rajouter le stand ambulant avec les nems, le wok à emporter. Le fabricant décline en plusieurs gammes : chinois, japonais, coréens… Mais pour le client français, n’importe lequel fait l’affaire. Déjà en vrai, on ne sait pas les distinguer, alors en santons !

- Et des Indiens ? Des Indiennes en sari ?

- Pas encore, mais je pense que ça ne devrait plus trop tarder.

- Et en plus local, si je puis dire, sans passer pour un plouc réactionnaire, voire un militant d’Extrême-Orient, que nous propose-t-on d’autre ?

- Des santons qui marchent très fort sont les supporters de foot. Par exemple celui-ci, le supporter de l’OM, qui tend l’écharpe du club à bout de bras, est le succès de l’hiver passé. Tu trouves cette année tous les clubs, français ou étrangers. Tiens, regarde, même le petit Jésus avec le maillot de l’O.M., il n’est pas beau ?

- Mais le petit… Ok, ok, je n’ai rien dit, si ça se vend…

- Bravo Xavier, tu vois, tu y arrives, Tu comprends vite, faut juste t’expliquer longtemps.

- Trop aimable. Et à part les footeux ?

- Le skieur, ski aux pieds ou sur l’épaule.

- Dans la crèche ?

- Noël, c’est en hiver ou pas ?

- Bien sûr, suis-je bête. - Pour illustrer l’actualité, la crèche pouvant aussi servir de support pédagogique pour expliquer aux enfants le monde dans lequel nous vivons, comme pour le drogué, nous avons les manifestants.

- Les manifestants ? Là, j’avoue que je perds pied.

- Mais non, regarde comme ils sont beaux. Ceux-là sont vendus directement par la C.G.T. elle-même. Celui-ci avec son drapeau rouge, ces deux-là avec leur banderole, et le chef, avec son mégaphone et sa moustache à la Zapata. Tu peux les imaginer en train de brailler « On veut Noël férié ! »

- Oui, mais, il vient juste de naître le petit Jésus.

- Tu chipotes, Xavier. Tu crois que ça les gênerait pour faire grève ? Faut imaginer qu’il y aura bientôt les élections professionnelles, alors faut faire un peu de bruit. Et en face, tu places les santons des C.R.S. qui protègent la crèche.

- Et à part des fonctionnaires grévistes, d’autres sortes de manifestants ?

- Tu as l’écologiste occupeur de site, avec sa tente. Un mélange d’hippie post-soixante-huitard attardé et de clochard. Il ne manque que l’odeur. Tu as encore le manifestant paysan avec le tas de fumier prêt à être déversé dans la cour de la préfecture.

- Tu n’as rien de plus amusant ?

- Siiii ! Allons voir le stand des « Santons Capone » de Naples. Regarde, le santon du politicien corrompu. Il tient une valise et si tu appuies sur le petit bouton, là, la valise s’ouvre et tu vois qu’elle est bourrée de liasses de billets de banque. Génial non ?

- Pfff….La liste des nouveaux santons devient presque lassante, un de ces jours, vous allez nous sortir Dark Vador ou…

- Stop ! Nous l’avons, chez le fabricant « Space Santons » de Los Angeles. Le casque est recouvert d’une couche photovoltaïque, ce qui permet d’allumer le sabre laser. Génial, non ? Ou alors, bientôt les…

- Stop ! Il y aura bientôt tous les personnages de game of thrones, pas la peine de me le dire, j’ai compris. Voyons, et les animaux ? Des nouveautés chez les bestioles, ou nous en sommes restés à la trilogie âne-bœuf-mouton ?

- Allons, Xavier, elle est ringarde à mort ta trilogie, la crèche moderne, c’est l’imagination au pouvoir. Aujourd’hui, le hit est le retour du loup, bien sûr. Ça marche très fort chez les clients tendance écolo. Tu ne peux pas t’imaginer le nombre de citadins tout excités de voir à la télé que le loup revient dans nos campagnes. Il y a là un marché prometteur. À côté de la crèche, tu aménages une petite colline, avec deux trois arbres, et tu y installes toute une meute de loups en train de hurler à la lune.

- Les bergers de la crèche doivent être contents !

- Personne ne leur demande leur avis. De plus, dans la vraie vie, il n’y a plus beaucoup de bergers et ils ne représentent donc qu’une part infime des acheteurs de santons potentiels. Par contre, des écolos des villes qui veulent des loups, on en a autant qu’on veut. Tu tapes dans une poubelle, y’en a vingt-cinq qui en sortent. En plus, même les autorités religieuses qui voient certains nouveaux santons d’un mauvais œil, je ne sais pourquoi, ont justifié le loup qui chante à la naissance du sauveur. C’est beau, n’est-ce pas ? Il faudrait que l’ours revienne aussi, et les bisons, et les aurochs, il y a là un secteur de croissance pour les années à venir.

- Oui, j’imagine bien le petit Jésus entre un bison et un cerf, ou mieux, entre un mammouth et un rhinocéros à poil laineux. Non, stop, tout le monde la connaît. Bref, il ne manquera plus que les santons de Rahan et de Tounga. Mais… Si, par exemple, le loup mange un mouton de la crèche ? Quelle est la morale de l’histoire ?

- Impossible, d’abord il y aura une cagole plus appétissante sur son chemin, ensuite tu auras le tueur de la mafia avec son fusil qui lui fait sauter la tête, si cette saloperie de bestiole s’approche trop près, et ensuite, il se retrouverait encerclé de petits asiatiques avec leurs appareils photos et les flashs, le loup détalerait fissa, mort de peur.

- Effectivement… Et à part le loup ?

- Dans les chiens, en plus des bergers traditionnels, nous avons maintenant le pitbull et le doberman, Un fabricant a annoncé le rottweiler pour l’année prochaine. Un santon amusant est le mouton articulé malade, si tu appuies sur la queue, il se met à trembler. Il faut alors le vétérinaire, que nous trouvons dans la gamme des « Santons de la clinique » avec le médecin, le chirurgien, l’infirmière, le brancardier, et compagnie…

- Nous pouvons bien lire « clinique des mimosas » sur les vêtements.

- Oui, cette clinique privée a passé un contrat avec un santonnier pour fabriquer cette gamme. En vente depuis trois ans, la clinique augmente son chiffre d’affaire de 15% chaque année. D’après une étude, 87% des nouveaux clients ont connu la clinique grâce aux santons.

- Cela ne suscite pas de concurrence ?

- Si bien sûr, toutes les cliniques privées se lancent sur ce créneau, et même quelques publiques, mais je ne désire pas m’exprimer sur ce sujet, je me dois de rester neutre.

- Mais pourtant plusieurs santonniers se sont fait récemment plastiquer.

- Ah bon ? Pas au courant. Jamais entendu parlé de ça. Tu ne dois pas écouter toutes les méchantes rumeurs, Xavier.

- Soit, mais je voudrais revenir sur un point, sans vouloir t’offenser. Cette invasion du monde des santons par la publicité ne corrompt-il pas l’esprit de la crèche qui devient une simple vitrine de l’offre commerciale ?

- Xavier, Xavier…L’esprit de la crèche s’adapte, et les santonniers s’adaptent. Qui de l’œuf ou de la poule ? C’est pareil pour la crèche. Les nouveaux santons se vendent, les santonniers créent encore plus de nouveaux modèles, qui se vendent encore mieux…

- Un cercle vicieux ?

- Vertueux, Xavier, vertueux le cercle. C’est justement le rêve de toute la profession. Plus d’offre engendre plus de demande qui engendre à son tour plus d’offre. Tout baigne.

- Et les futures tendances, pour les années à venir ?

- La tendance est à l’écologie, au vert. L´étable avec des panneaux solaires, plus besoin de brancher sur le courant pour illuminer. Nous allons vers la crèche énergétiquement neutre. Comme le santon devient un produit jetable, comme je te l’ai expliqué, des prototypes en crottin de cheval séché et compressé, sans odeur, je te rassure. Une fois les fêtes passées, tu mets un santon dans chaque pot de fleur de la maison et il sert d’engrais naturel. On parle aussi du santon mangeable, en biscuit et chocolat, que l’on mangerait après les fêtes, mais je n’y crois pas trop, vu que les gens auront déjà trop mangé durant lesdites fêtes. Quoi qu’il en soit, le santon est un secteur en pleine expansion, extrêmement dynamique - Merci Geppetto, pour toutes ces informations

- Xavier, je veux te faire un cadeau, quel est le santon qui t’a le plus plu ?

- J’avoue que le petit Jésus noir, en crottin de cheval, avec un maillot du P.S.G., c’est le top du top. J’en ai rêvé toute ma vie.

- Xavier, tu te moques.

- Non, Geppetto, pas du tout. Tu vois, une visite guidée sur ce salon est plus efficace pour comprendre notre société actuelle que trois centaines de bouquins d’économie ou de sociologie. Merci Geppetto.

- Xavier, n’oublie pas ton petit Jésus. Et après Noël, tu le mets dans un pot de fleur, ce petit Jésus-là est sponsorisé par les jardineries de…

- Stop ! Geppetto, s’il te plaît, arrête, je n’en peux plus…

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