Chapitre 21

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 Théo marche devant avec la fille de la boîte de nuit pendant que Nausicaa et moi les suivons silencieusement quelques mètres derrière. Il n’a eu aucun mal à la convaincre de rentrer à la villa avec lui. C’est le début de l’été, et l’exhalaison de phéromones a généreusement augmenté avec la température, faisant le bonheur des Don Juan balnéaires autant que celui des fabricants de déodorant et de préservatfis. Juchée sur ses talons, elle vacille à chaque pas, et il a bien du mal à la soutenir à cause de sa petite taille. Elle finit par choir lamentablement, se relève en riant, du sable plein les cheveux, et confie ses chaussures à Théo. Soudain, il se retourne pour me héler et me sort brusquement de mes pensées :

- Eh, Arthur ! Est-ce qu’on a du champagne à la maison ? qu’il m’interroge, un léger sourire aux lèvres

- Ça dépend ce que tu comptes en faire !

 Il porte alors lentement un des deux souliers de sa conquête à ses lèvres, et fait semblant de boire dedans avec une délectation exagérée. Quatre rires francs accompagnent alors notre arrivée dans le jardin.

 Il reste une heure avant le lever du jour, et je décide de l’attendre paisiblement dans le hamac. Je laisse les autres couler vers leur enthousiasme factice, qu’il m’est cependant donné d’entendre, la fenêtre de la chambre de Théo donnant côté plage. Mes écouteurs plongent dans mon oreille, je fais de même dans ma pirogue de toile. Pour noyer le trouble qui m’occupe, je pense à Théo. Il m’est aussi arrivé plusieurs fois de ramener des filles à la villa. On avait pendant un temps considéré ça comme l’accomplissement de nos errances nocturnes. Quelle gloire ! Misérable chose qu’est notre corps. Et nous voilà d’un coup tout dégoulinant, disloqué entre les récifs de notre raison fuyante, chevaux bipèdes qui s’ébrouent dans un concert de hennissements grotesques. Tout ça pour lui obéir. Obéir à ces milligrammes de pulsions. Vulgaire sentiment chimique. Pour exulter pendant une poignée de secondes dans les bras d’une chimère en robe aguicheuse. Et entrapercevoir l’instant d’après la vérité flaccide qu’on s’empresse de cacher. Rien ne reste, tout est défiguré autour. Alors, vite ! Il nous faut oublier, démolir ce corps qui nous a trahi, qui nous promettait tant pour nous laisser gésir piteusement dans les limbes. Dors, mon enfant. Et sois bien sûr que demain en te réveillant, tu ressentiras la même nausée que celle que tu as voulu dissimuler par le sommeil.

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