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La liste d'achat fût très rudimentaire, uniquement de quoi cuisiner et quelques légumes frais, Iséa voulant à tout prix terminer rapidement cette corvée pour pouvoir rentrer chez elle, le seul endroit où elle se sentait plus ou moins en sécurité. En rentrant, elle constata des choses étranges. De là où elle se trouvait, elle pouvait voir l'établi en entier puisqu'il était vers le côté extérieur de la maison, couvert mais seulement entouré d''une rambarde haute décorative, mais au pieds de la table de travail, rien. Le tapis n'était plus en place et l'ouverture du sous-sol était tellement discrète qu'il était impossible de la percevoir d'ici. La seconde, fût que lorsqu'elle entra, un sac supplémentaire qui n'était pas là lorsqu'elle était partie se trouvait au milieu des affaires de sa mère. Il s'agissait d'une pochette plastique provenant de la pharmacie d'à-côté, mais il était impossible qu'elle ai pu aller les chercher pendant son absence étant donné qu'elle avait en sa possession le téléphone ainsi que la seule carte bancaire de sa mère.

Avait-elle été chercher le fruit de sa dernière ordonnance à crédit ? Impossible, elles n'étaient pas là depuis suffisamment longtemps pour qu'on lui fasse confiance, mais pourtant elle n'avait pas remarqué de monnaie dans son porte-monnaie, lorsqu'elle avait prit la carte. Iséa haussa les épaules, peu importe, il s'agissait sûrement de médicament remboursés, voilà pourquoi elle n'avait sans doute eu besoin que de sa carte vitale et de rien d'autre. Ce qui la préoccupait le plus à l'heure actuelle, était plutôt le fait que sa mère aies pu redescendre au sous-sol en son absence. Elle se souvint alors avec ironie de ce qu'elle avait noté dans son carnet quelques jours auparavant, au sujet de la cage et de l'avenir qui l'y attendait. Elle traversa la maison en direction du sous-sol avec précaution, préférant appeler sa mère plutôt que la surprendre dans l'état où elle se trouvait.

- Maman t'es là ? T'es dans la cave ?

Elle n'eût pour réponse qu'un silence de mort. Si sa mère avait été à l'intérieur, elle l'aurait entendu et lui aurait fait comprendre de ne pas descendre, comme d'habitude, mais elle ne semblait pas être présente du tout. Assurant ses arrières, elle passa la tête dans l'escalier et se mit à crier à tue-tête, voir si sa mère réagirait.

- Eh ho ! Maman, est-ce que t'es là ? Tu dors ? T'as laissé la trappe ouverte !

Toujours pas de réponses.

"Peu importe, ça me laisse l'occasion de jeter un oeil à ce que tu caches en bas."

Elle retourna dans l'atelier, le cadenas avait disparu, ainsi que le système de fermeture. Tout était comme la première fois qu'elle l'avait vue, comme si rien n'avait jamais changé, même les trous ayant permis de fixer le tout avaient disparus. Elle souleva le battant en bois et comme la première fois, la lumière grésillante s'alluma automatiquement, faisant apparaître la vieille échelle. Elle inspira profondément. L'odeur était âcre et acide, ça sentait la moisissure à plein nez, ainsi que l'humidité et les produits chimiques, quelque chose de très peu agréable. Iséa se demanda si ça pouvait être toxique.

Devait-elle mettre un masque avant d'y descendre ? Si cela avait été dangereux, sa mère n'y serait pas allée sans et elle n'aurait jamais démonté le système permettant de le garder clos au risque de mettre la vie de sa fille en péril à cause de sa curiosité.

"Je n'ai pas le choix, si j'attends plus longtemps elle risque de revenir et je ne saurais jamais ce qui s'y cache."

Elle n'eût pas le temps de se préparer à descendre, que lorsqu'elle se pencha en avant, elle glissa et tomba par l'ouverture, lâchant la trappe au dessus d'elle, qui de par sa fermeture, éteignit avec elle, la lumière pendant sa chute. Celle-ci ne fût pas longue mais très douloureuse, étant tombée en avant, elle aurait pu se briser le cou et elle se demanda d'ailleurs comment elle avait pu survivre à une chute aussi brutale sans subir ce qu'on appelle "le coup du lapin". Le sol était humide et la pierre froide qui l'avait acceuillie en lui fendant le crâne était rêche et grumelleuse. Elle se releva et commença à gesticuler ses bras avec de grands gestes dans l'espoir d'activer un détecteur, mais rien en se passa, elle utilisa donc son flash pour s'orienter, tandis qu'elle râlais – tout en en étant soulagée – que l'écran n'ait pas une égratignure.

"Solide toi, hein ?"

Elle s'attendait à trouver quelque chose d'incroyable et une montage de secrets, mais tout ce qu'elle eût en face d'elle en illuminant la petite pièce humide, était la preuve que sa mère n'avait pas menti. Décontenancée, Iséa s'assit sur le sol, repensant aux nombreuses heures passées à vouloir s'introduire ici de force, dans ce qui finalement n'était rien de plus qu'un stockage sans intérêt aux murs moisis. Malgré tout, elle ne perdit pas espoir, il pouvait toujours y avoir des réponses ici, d'autant plus que sa mère, bien qu'elle ait précisé que le lieu était exigüe et que cela s'avère être vérifique, celle-ci avait interdit la disposition de ses biens alors qu'il n'y avait ici, pas plus de 4 cartons et encore beaucoup d'espace libre.

Dans le premier et le seconds nommés respectivement "rideaux" et "cuisine", Iséa trouva de nombreux documents anciens sans réelle importance, elle retrouva même un bon d'achat, perdu au milieu du reste, d'un magasin qui n'existait même plus depuis au moins 10 ans. Elle n'était pas du tout étonnée que l'inscription sur les boîtes soit un détail purement optionnel car, régulièrement, lorsqu'Anna en avait assez de barrer systématiquement le nom d'un carton pour y inscrire le nouveau contenu, elle le laissait comme ça ou ajoutait le nouvel intitulé sur une autre face, tant et si bien que plus personne ne pouvait deviner son contenu sans l'ouvrir, souvent dans la mauvaise pièce.

A peine eût-elle commencé à ouvrir le troisième qu'elle recula de dégoût, une odeur putride s'en dégageait, mélangée à une odeur de produits détergeants et d'acide. Un mélange répugnant qui retourna l'estomac d'Iséa, le remontant jusqu'à sa gorge. Elle préféra renoncer, sachant pertinemment qu'une des réponses qu'elle cherchait se trouvait là, mais elle préférait prendre des précautions : masque et gants ne seraient clairement pas de trop ici. Elle poussa le contenant puant du pied vers le coin opposé et entreprit de vérifier le seul auquel elle n'avait pas encore touché – et d'ailleurs le plus petit – avant de remonter à la surface, près du soleil et loin de l'horreur qui se cachait sans doute à environ deux mètres d'elle maintenant.

Des albums photos semblant terriblement vieux, dont l'un, épais avec des reliures en cuir, s'y trouvaient. Iséa ne les avait jamais vu auparavant. Pourquoi était-ils cachés ici, dans le noir le plus total, oubliés, tandis que tous les autres étaient à l'étage, bien mis en évidence sur une étagère et ressortis chaque année à la même date pour en contempler les souvenirs ? Il y en avait 2 datés entre 2002 et 2006, c'est à dire d'avant sa naissance. Dans le plus ancien se trouvait de multiples photos d'Anna, aux bras d'un homme qu'elle ne connaissais pas. Il était beaucoup plus grand qu'elle, brun et semblait – mais il était difficile de s'en rendre compte vu l'état des photos – qu'il portait une cicatrice vers l'un de ses oeils.

A l'époque semblait-il, sa mère vivait à la campagne, il y avait beaucoup de photos d'eux se promenant dans les champs et dans la ferme du grand père d'Iséa. Sa mère semblait beaucoup l'aimer, l'accompagnant partout, mais elle ne semblait pas vraiment heureuse, son sourire étant forcé sur la plupart des clichés.

"Oh maman, tu es vraiment sortie avec un footeux ? Pas étonnant que ça n'ait pas fonctionné !"

Elle parcourait maintenant des pages qui semblaientt plutôt être destinée aux passions de l'ex petit ami de sa mère. Lui, sur un terrain de foot par une soirée froide – on pouvait voir sur le côté d'autres femmes étant venues supporter leurs amis en doudounes épaisses – mais également d'elle assistant à des compétition de cross, ce qui, étonnamment avait sembler l'amuser au plus au point puisqu'elle s'y trouvait tout sourires. Ce fût vers les dernières pages que ça devint étrange. Non pas que les photos devenaient glauques non, mais, les voyages commençaient à s'enchaîner, et régulièrement des fêtes étaient organisées. Trop peu de temps passait entre elles pour qu'il s'agissent d'anniversaires puisqu'elle contemplait déjà le 6 ème gateau portant ce même chiffre en bougie, toujours dans la même année. Iséa plissa les yeux et tentait d'essuyer la crasse qui s'était accumulée sur ces pages. Les traces nombreuses aux coins des photos montraient que celles-ci avaient beaucoup plus été manipulées que toutes les précédentes, elles devaient être importantes pour Anna. Puis Iséa comprit enfin, comment avait-elle pu ne pas le remarquer ? Peut-être parce qu'elle était concentrée systématiquement sur l'homme qu'il y avait auprès d'elle ?

"C'est pas vrai..."

En effet, plus les pages défilaient, plus Anna semblait épuisée, négligée et pourtant de plus en plus heureuse, son menton devenant plus épais et se joues beaucoup moins creuses, sa main, bien souvent posée au niveau de son bas ventre. Au dos de la feuille plastifiée la maintenant en place, se trouvait collée une note.

Aldéa, Avéa, Inéa, Inaya, Anaya, ainsi que "Aséa", incrit plusieurs fois, en gros, souligné et accompagné de coeurs, puis soudainement barré, gribouillé, les coeurs recouverts de traits noirs, un "I" remplaçant le début du prénom, qui formait désormais le sien.

Elle reconnaissait bien là l'oeuvre passionnelle de sa mère dans ses épisodes colériques. ce devait être la liste des prénoms qu'ils avaient séléctionnés ensemble, cependant, c'était incompréhensible. Iséa, c'était elle, mais elle, elle n'était née que quatre ans plus tard. Avaient-ils appelés cet enfant comme elle ? Et où était-elle ? Son père l'avait-il gardé ? Pourquoi avait-elle changé d'avis ? Des questions se bousculaient par dizaines dans son esprit et ce ne fût malheureusement pas les dernières pages qui y répondirent puisque les photos avaient été arrachées de leurs emplacements. Seule restait inscrite une date en dessous de ce qui semblait être l'ancienne place de la toute dernière photo, incrite violemment et gravée tellement profondément dans le papier qu'elle en avait marqué le dos de la quatrième de couverture, auquel était fixé une photo des côtes d'Anna agrémentées d'un tatouage de ballon, qu'elle n'avait jamais vu.

"9 Juin"

Elle se trouvait abasourdie par cette découverte, ainsi sa mère avait eu une autre relation avant son père, qui avait abouti à une naissance, et pourtant, de l'un ou de l'autre, jamais elle n'en avait entendu parlé, et elle avait même un tatouage, elle qui lui interdisait formellement ne serais-ce que d'y penser ! Elle dévérouilla le téléphone dont la torche commençait à surchauffer et tenta d'aller sur le web sans succès.

"Pas de réseau, évidemment..."

Elle remit l'album à sa place et se redirigea vers les cartons qu'elle avait ouvert précédemment, sachant cette fois où chercher. Elle trouva ainsi des factures de gynécologie, ainsi que des photos d'échographies et le certificat de décès du nouveau-né, décédé le jour même de sa naissance, peut-être même mort-né, l'information n'étant pas donnée, le neuf juin. Iséa soupira, songeant avec peine à la tristesse qu'avait dû ressentir Anna ce jour là qui devait être le plus beau de toute sa vie, rangea à nouveau le tout et sortit le second album, beaucoup plus fin et en plastique cette-fois ci. Quelle ne fût pas sa surprise en le parcourant de ne voir ques des photos étranges, pour la plupart volées d'inconnus dans la rue où provenant de captures d'écrans de profils de réseaux sociaux, ainsi que des attributs découpés dans divers magazines.

Iséa savait que parfois, Anna pouvait avoir des envies et centres d'intérêts compulsifs incontrôlés, mais ce qu'elle avait devant les yeux était bien trop perturbant. Des visages d'hommes divers, tous se ressemblant plus ou moins à quelques détails près, des torses aux muscles saillants sans éxagération, des zooms sur le haut de torses à faible pilosité sans être totalement nus, des yeux, des bouches, y compris des attributs génitaux. Iséa fit une grimace de malaise, elle trouvait ça la fois étrange, décevant, dégoûtant et gênant. Un cocktail d'émotions qu'elle appréciait relativement peu. Des découpages aux mauvaises proportions, assemblés en quelques visages à mourir de rire de part le manque de cohérence dans les dimensions et sur la dernière page, un numéro de téléphone marqué sur un morceau de carton semblable à ceux qui se trouvaient dans la poubelle de sa mère plus tôt dans la matinée. Elle le sortit de sa pochette et le retourna espérant ainsi trouver le nom complet du médicament que sa mère consommait à outrance. Ne restaient que les dernières lettres, ce qui ne pouvait pas l'aider beaucoup.

Soudain elle repensa à la pochette pharmaceutique qu'elle avait vu plus tôt dans l'entrée.

"Quelle idiote, je galère à déchiffrer ça alors que la réponse était sous mon nez !"

Trop préoccupée par le fait que l'accès à la trappe ait été dégagé, elle n'avait même pas pris le temps de regarder ce qui se trouvait à l'intérieur du sac plastique. Quoi qu'il en soit, elle n'avait plus rien à faire ici, alors, elle décida de remonter à la surface, gardant dans un coin de son esprit qu'il faudrait à tout prix qu'elle redescende équipée, afin de vérifier le contenu du carton immonde.

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