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Depuis qu'elle était arrivée ici, Iséa n'arrêtait pas de voir rôder autour de son jardin la jeune femme étrange qu'elle avait vue dès le premier jour, chose qui durait depuis plusieurs semaines maintenant. Lorsqu'elle croisa à nouveau son regard, elle sentit que toute patience l'avait quittée. Elle sortit promptement du bain à remous extérieur, dans lequel elle était paisiblement en train de se prélasser en attendant le retour de sa mère, et s'avança vers le visage étranger, à peine dissimulé.

- Cette fois ne pars pas, j'en ai ras-le-bol, qu'est-ce-que tu me veux !

Elle avait passé une sale journée : les résultats qu'elle avait obtenus à ses dernières évaluations étaient ridicules, ce qui n'avait bien évidemment pas échappé à sa mère, qui en avait profité pour la sermonner sur son comportement et son manque d'investissement dans ses devoirs pendant plus de deux heures. A ses yeux, cette énième dispute avait ressemblé à un défouloir, plutôt qu'à un vrai souci de ce qui pouvait concerner ses notes et son avenir, ce qui avait le don de la mettre hors d'elle. Elles vivaient seules depuis tellement d'années, que lorsque l'une d'entre elles se sentait à bout, c'était toujours à l'autre d'en supporter le poids, ainsi que les conséquences.

- Je paye tes cours une blinde ! Tu ne peux pas juste travailler ?! C'est pas compliqué ! Tu n'as personne pour t'emmerder ici, pas de prof qui soi-disant te déteste, pas de camarades qui te distraient en te parlant ou quoi que ce soit, alors comment fais-tu pour être aussi dissipée tout en n'ayant rien ni personne ?! Je te préviens Iséa, si tu continues, je vais tout couper et tu vas aller bosser ! Je ne vais pas jeter l'argent par la fenêtre comme ça indéfiniment, surtout si t'en n'a rien à foutre !

- Bah arrête alors, moi j'en ai marre ! Je n'y arrive plus, j'ai plus envie !

- Ce n'est pas toi qui décides !

- Ça se passerait pas comme ça si je pouvais aller a l'école comme tout le monde !

- Aller à l'école pour quoi faire ? Te faire des amis avec qui tu vas rigoler en classe et être dissipée, pour finir tous les 4 matins dans le bureau du directeur ? Des amis avec qui tu feras des conneries tous les mercredis aprems en prétextant aller étudier à la bibliothèque ? Ou sûrement le même genre d'amis qui parleront derrière ton dos comme la dernière fois, pour que finalement tu rentres ici en pleurs et que je ne sache pas comment t'aider, parce que tu refuses de me parler de quoi que ce soit ?

- C'est vraiment marrant que ce soit la seule chose de ma vie que tu réussisses à citer quand tout le reste provient de la tienne !

- Tu m'avais dit que t'étais plus une gamine, que t'étais grande, que tu voulais à tout prix être indépendante, non ? Soit indépendante : travaille, ça s'arrête là. Tu finiras cette année scolaire par correspondance et, si tu la réussis, tu auras ton diplôme. Tu feras ce que tu veux ensuite.

- Ouais bah la première chose que je ferai c'est de me tirer de chez toi !

- Je ne vais pas t'en empêcher.

- Bah voyons !

Cette conversation résonnait encore dans son esprit alors qu'elle arrivait au niveau de la haie fleurie, qui avait fini par remplacer le brise-vue abîmé.

- Alors ?!

C'était la toute première fois qu'elle parvenait à l'approcher. Seules quelques feuilles éparses et leurs brindilles, séparaient le visage des deux jeunes filles. Iséa remarqua immédiatement ses yeux d'un bleu tellement clair, qu'ils paraissaient complètement blancs, ce qui la mit tout à coup mal à l'aise. Son visage quant à lui était plutôt doux, parfaitement proportionné, encadré par un carré brun légèrement ondulé mais soigneusement peigné. Elle ne l'avait pas du tout imaginée de cette façon et elle se dit alors qu'elle aurait pu la trouver jolie si seulement elle n'était pas, comme à son habitude, en train de la fixer froidement, le visage inexpressif, sans même cligner des yeux.

- Je dois te parler.

Sa voix était surprenante, contrairement à son apparence pure et presque fragile, son intonation, quant à elle, était plutôt rauque et sifflante, pas vraiment agréable à écouter. Elle avait fait trois pas en arrière et se retrouvait ainsi au milieu de la rue piétonne, attendant patiemment.

"J'ai pas l'impression d'avoir le choix... si un Dieu existe, s'il vous plaît, faites que je ne meures pas par simple curiosité, des mains de cette sorcière..."

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