85.3

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Je rejoins l’équipe d’apprenties traductrices, l’air de rien. Je garde une main dans la poche de mon short, là où j’ai fourré le collier. Cerise, Dolorès et le robot ont déjà fait un bout de chemin dans les expéditions suivantes de Porfirio. Moi je reste bloquée sur l’histoire de la petite Shyanne. J’en veux à ce grand monsieur, capable de prendre sa plume et de tout rapporter, de ne même pas avoir tenté d’intervenir, de ne pas avoir levé le petit doigt pour lui porter secours, de continuer son petit bout de chemin comme si de rien n’était.

Après avoir abandonné Alturoca, le bonhomme et sa famille vont s’installer à Anakar. On a droit à l’exposé détaillé de l’expansion de Yùzhao, ce qui aurait passionné Emmanuelle et qui m’ennuie profondément. Bientôt, mon oreille distraite n’écoute même plus ce qui commence à ressembler à un traité d’urbanisme du genre bien barbant. Mes pupilles suivent plutôt la grosse mouche qui se cogne sans relâche aux vitres du solarium et qui, à s’abrutir comme ça, n’est pas prête de capter le concept de transparence.

Quel goût ça a, une mouche ? Ça ne vaut définitivement pas les gaufres au sirop de fruit, mais ça ne doit pas être si dégueux que ça, pour que Mr. Sprinkles sautille toujours comme un fou à essayer de les gober…

… nootak…

Mes oreilles de chats se dressent. Je me retourne vers Cerise, les yeux soudain écarquillés.

— T’écoutais vraiment rien, hein ! se moque Dolorès.

Je me pince les lèvres, mais je n’avoue rien.

— Qu’est-ce que ça dit sur les nootaks ? j’insiste, sans m’inquiéter d’exciter leurs fous rires.

Heureusement, Rosythia a gardé son sérieux et reprend la lecture juste pour moi, avec la grosse voix qu’elle a donnée à Porfirio.

Alors que les sangsues commençaient à me couvrir les jambes, je fus tiré des eaux vaseuses par un homme sans âge, aux yeux bridés, au visage abîmé et à la bouche édentée. Deux de ses doigts étaient manquants. Je le remerciai bien et il me conduisit jusqu’à son logis afin de m’ôter, avec une pince portée à chaud, les dizaines de parasites restés accrochés à mes mollets.

« Il vivait reclus dans l’un des immenses arbres de cette mangrove qui couvrait moitié de nôtre île et dont il m’expliqua les lointaines origines. L’homme se disait vieux du double de mon âge ou plus et prétendait avoir côtoyé, en un temps lointain, ces êtres terrifiants contre lesquels les miens avaient tant lutté.

« Il me montra sa main estropiée et clama que lui aussi, un jour, avait eu des griffes. Je voulus savoir s’il existait encore de ces hommes-animaux, ce à quoi il répondit qu’ils n’avaient existé que sur l’île où vivaient, près d’une falaise, ces démons appelés nootaks. Afin de se faire pousser griffes et crocs, les tribus d’antan ingéraient la chair du démon et lui faisaient don d’une partie de leur corps. Lui n’y avait laissé que deux doigts.

« Dans les jours qui suivirent cette rencontre, j’envoyai Noah à Puertoculto. Il rapporta au Grand Prêtre la légende des démons et il fut décrété que nul n’approcherait plus la falaise maudite de l’île aux nootaks.

Je fronce les sourcils et remue des babines.

— Ça voudrait dire que…

— Papa n’a pas choisi cette île au pif ! me devance Cerise.

C’est pas pour rien qu’avec Emmanuelle elles s’entendent aussi bien. J’y comprends pas grand-chose à ces vieilles superstitions mais, vu d’ici, on dirait bien que les nootaks existent, quelque part aux alentours de cette falaise.

Tuyona ulan.

Je me tourne vers Dolorès qui murmure de drôles de trucs.

— Hein ?

— Regarde, dit-elle en pointant la fenêtre du doigt. C’est la pluie sèche.

Dehors, c’est vrai, l’averse s’est arrêtée, le ciel est bleu comme en été. Ça arrive parfois, ça ne dure jamais plus d’un jour et demi. Les anciens de l’archipel parlent d’un genre de miracle au milieu de la saison des pluies. Peut-être que c’est juste le miracle que j’attendais pour provoquer le destin.

Je me lève d’un bond et commence à empaqueter assez de nourriture déshydratée pour improviser un pique-nique. Dolly me regarde aller et venir d’un air à la fois ahuri et rieur.

— Prends ton futon, lui dis-je.

— Je peux te demander pourquoi ?

— Je vais te montrer mon endroit préféré.

Aucune de mes lubies n’est trop zinzin pour elle. Dolorès n’y comprend rien, ça se voit à la tête qu’elle tire, mais elle me suit quand même et fait comme je lui dis.


Quand nous traversons la jungle, je me souviens de ce jour-là : celui où elle m’a repêchée dans le ruisseau et où nous avons suivi le même sentier, dans le sens inverse, jusqu’à sa location. Au niveau de la fourche, je l’entraîne sur le chemin le plus escarpé, quasiment invisible à cause de la végétation et des coulées de boue qu’y ont entraîné les pluies diluviennes. Il faut braver les branches et les lianes pour se frayer un passage. Dolorès ne se fait pas prier, elle donne de grands coups de dague à tout ce qui se dresse en travers de notre route.

Sur le flanc de la falaise, c’est là que se dresse l’immense banian centenaire. Un arbre sacré, selon les légendes que Papa nous contait au coin du feu. Mais, avant tout, un super arbre à cabanes.

Sa main dans la mienne, je la guide de l’autre côté du tronc. Les longues racines ressemblent à des coulées de lave séchées qui auraient plu depuis les branches. On trouve plein de trésors cachés entre leurs torsades : des coffres que mes sœurs et moi y avons glissés, des gros coquillages rapportés de la plage, des petites plantations installées par Cerise. Il y a aussi l’étrange visage de pierre, si bien enchevêtré qu’on n’a jamais su le déloger de là. Luna prétendait que cette tête de statue, qui ressemble fort à celles des vieux temples de l’île Doryan, devait être là depuis la nuit des temps, à l’heure où ceux qui peuplaient notre île vénéraient ce vieil arbre. Emmanuelle n’a jamais réussi à lui faire cracher le morceau, mais elle restait persuadée que, d’une manière ou d’une autre, Luna s’était débrouillée pour coincer là Tronche-de-Granit et nous faire avaler cette histoire.

Dès qu’elle aperçoit le visage de pierre figé dans sa tignasse de racines, Dolorès plisse les yeux.

— Tu sais comment les gens du village appellent ces figuiers ?

— Non, dis-moi.

— Des étrangleurs.

Ça fait froid dans le dos, en même temps ça sonne hyper cool.

Mon pied retrouve naturellement le premier barreau de l’échelle : une simple planche de bois clouée sur – ou dans, on ne sait plus trop – les branches-spaghettis qui ont poussé partout. La plupart des marches de notre échelle de fortune ont été avalées par cette petite forêt. C’est un numéro d’accrobranche que de grimper dans la cabane. Un pas sur une contremarche, un clou rouillé qui arrache la semelle, le pas suivant dans l’alvéole que forment les branchages.

Je tends la main à Dolly pour l’aider à se hisser jusqu’au plancher. Si elle la saisit, mon peu de force ne lui est pas d’une grande aide, et elle finit par me rejoindre grâce aux seuls muscles de son autre bras. Son biceps contracté brille de sueur, comme en ébullition, comme si elle aussi allait se transformer.

— Ohé, Wennie, tu me fais la visite ou t’as pas fini de me mater ?

Je suis si transparente que ça…

Je me reprends et, fière de lui montrer quelque chose de moi qu’elle ne connaît pas encore, je lui fais faire le tour du propriétaire. La cabane du banian est entourée d’un balcon plus résistant qu’esthétique, que nous avons consolidé en y entortillant les branches-racines. La porte et les volets que j’ai tressés avec Cerise sont toujours intacts, le toit toujours hermétique.

— Du vrai boulot d’architecte ! nous félicite Dolly.

À l’intérieur, c’est un peu le fouillis, entre la table où traînent nos vieilles figurines, les plateaux moisis de quelques jeux de société et de la vaisselle sale, nos posters décolorés, les étagères poussiéreuses, le paravent de vieux draps qui sépare la salle de réunion du coin sieste. Les coussins sont toujours secs mais sentent le renfermé. Nous ouvrons les fenêtres pour aérer la pièce.

Dolorès se promène et fouille, comme si elle explorer littéralement mon passé.

— C’est quoi ça ? demande-t-elle en décrochant une punaise du tableau où est placardé la carte de la jungle.

— Ça, c’est notre plan d’attaque, avec ta topographie du secteur et tout et tout.

Je m’avance à côté d’elle et lui montre les endroits importants.

— Là-bas, sur le flanc Est, c’est la cabane adverse. Emma, Cerise et moi, on se réunissait ici. Ad’, Luna et Faust avaient leur base là-bas. Ça, c’est quand on jouait aux otages. Sinon, on pouvait prendre le goûter ou jouer à des jeux dans n’importe quelle cabane. Ici, tu vois, entre les deux, c’est la zone de conflit et puis, là-bas, près de la falaise, il y a le rocher des négociations.

— Et ça ? se renseigne-t-elle, le doigt pointé vers le tonneau suspendu qui bloque la porte arrière.

— La nacelle : pour échanger les otages et les messages codés. C’était un jeu sérieux, tout le monde avait son rôle. Emma et Ad’ jouaient les stratèges, Cerise et Luna les négociatrices.

— Et toi, tu étais quoi ?

— Soldat. Mais je me faisais surtout capturer. Du coup, on avait un plan de secours. Je devais parler le plus possible avec le clan adverse, de tout et de rien. Cerise marchandait mon retour, Emma s'interrogeait et, sans m'en rendre compte, je ramenais toujours plein d'infos. J’ai même été promue espionne.

Dolorès hoche la tête, avec moins d’admiration que je l’espérais.

— C'est pas un peu bizarre de jouer à la guerre ? lâche-t-elle.

C’est à moi qu’elle parle mais ses yeux s’adressent au plancher.

— Pardon Dolly, c’est vrai que toi…

— Je n’ai jamais été otage, alors je ne vais pas te dire à quoi ça ressemble. Je n’ai pas non plus eu d’amis pour m’apprendre des jeux, quand j’étais petite alors, à l’occasion, si tes sœurs sont d’humeur, on pourrait peut-être… faire semblant d’avoir dix ans ?

— On leur demandera.

Après que j’ai failli tout gâcher avec ma maladresse, je fais de la place sur la table et dresse le pique-nique. Nous dévorons des repas en barre à la lueur d’une vieille lanterne solaire en forme de récif. La nuit s’installe doucement. Bientôt, on se devine mieux qu’on se voit.

Nous débarrassons le coin sieste pour déplier le futon. Nous enfilons nos écouteurs et, blotties l’une contre l’autre, nous écoutons la même chanson.


… Alors on serre les dents, et on se laisse aseptiser

En dignes fils d'Adam dont la conscience avait brisé

L'immortalité et les desseins du Tout Puissant.

On n'ose plus jouer les caïds par peur de périr dans le sang.

Mais l'Paradis est pas sur Terre et on rampe tous dans la misère.

Partenaires, secrétaires,

Adversaires, militaires,

Comme des nomades déboussolés tous paumés dans le désert.

Que des hics, plus de fric,

Tu récoltes que les critiques.

Allez trime, qu'on te brime !

Si tu t'exprimes c'est un crime.

Action. Répression !

Construction, démolition.

On te rabat les oreilles avec des putains d'mots en -tion,

Mais lorsque tu les appliques on balaye toutes tes ambitions !

Ta vie est ton fardeau !

Une mort prématurée prescrite par les Cieux.

Ta vie est ton fardeau !


Sa main cherche la mienne. Je glisse mes doigts entre les siens et les guide, un centimètre après l’autre, jusqu’en haut de ma cuisse. Dolly se redresse en sursaut, retire sa main et empoigne le col de son t-shirt.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire en la voyant, elle, d'ordinaire imperturbable, soudain toute gênée. Une petite partie de moi se vante de lui faire autant d'effet. Je serre les lèvres, retiens un rire et l’apaise d'un hochement de tête. Dolorès soupire, mais ça ne suffit pas à me cacher sa joie.

— Tu es vraiment sûre ?

— Certaine !

Elle m’embrasse, tendrement, comme d'habitude, comme pour me rassurer – comme pour se rassurer. Je passe une main dans sa nuque et ma langue entre ses lèvres. Je sens les poils de ses bras se hérisser sous l'effet de la surprise. Pourtant ses gestes n'en laissent rien paraître, elle garde cette totale maîtrise dont elle a le secret.

Un dernier petit bisou et Dolly décolle sa bouche de la mienne. Pendant quelques secondes, nous nous faisons face, comme pour prendre la température : chacune s'assure que l'autre est bien déterminée à franchir le pas. Tout se mêle magnifiquement dans ses yeux : l'amour, la pudeur, le désir et la peur. Je le sais, car je me doute que les mêmes émotions doivent se lire sur mon visage.

Dolorès retire son t-shirt. Je devine qu'elle essaye de me mettre à l'aise avant d'enlever le mien. Elle me pousse doucement sur le matelas et pose ma main sur son sein. Mes doigts le pressent, sans vraiment que je sache ce que je suis censée faire. Alors Dolly se met elle aussi à me caresser la poitrine, à me pincer gentiment les tétons. À chaque fois, j'appréhende l'endroit où elle va me toucher, j'ai peur que ça me déplaise. À chaque fois, en fin de compte, je ne peux pas m'empêcher de glapir, parce que ça me surprend et parce que ça me plaît.

— T’es plutôt bruyante, dans ton genre ! se moque-t-elle.

Je ris avec elle et, dans ma maladresse, je cogne mon front au sien. J'ai mal à la tête, elle aussi j’imagine, et pour autant nous n’arrivons plus à arrêter de pouffer. Dolly me prend dans ses bras. Le visage contre son sein, je répète que je suis désolée tout en pleurant de rire. Et puis les gloussements cessent. Ses deux mains saisissent mon visage et elle m'embrasse plus passionnément que d'habitude. Cette fois, c'est sa langue qui vient chatouiller la mienne.

Sa main glisse vers le bas de mon ventre et défait le bouton de mon short.

— Wennie, tu es la première alors... sois indulgente.

— Toi aussi, t’es la première. Et sûrement la dernière.

— Oh ça, j'y veillerai !

Je sens qu'elle reprend de l’assurance quand elle me débarrasse de ce qu’il me reste de vêtement. Un peu honteuse de me retrouver toute nue, je prends mon courage à deux mains et tire sur son pantalon. Je n'ai pas le temps d'attraper son shorty, déjà Dolorès s'est avancée au-dessus de moi et a glissé son genou entre mes cuisses. D'abord, je la laisse me caresser sans rien faire.

Non mais Nolwenn, sérieux ! T’es en train de te liquéfier pour une jambe… ça va être quoi le reste ?

J'avais envie de Dolorès sans trop savoir pourquoi, parce que ça me paraissait naturel. Parce que je lui fais suffisamment confiance pour la laisser me toucher de cette façon. Maintenant que je sens sa peau contre mes lèvres, celles du bas, et tout ce qui coule hors de moi, je comprends le vrai sens de mon désir : l'envie de tout partager avec elle, jusqu'à ce que j'ai de plus intime.

Sans vraiment m'en rendre compte, j’ai commencé à me frotter le long de sa jambe, à haleter plus encore. Quand je reviens à moi, je rencontre le regard amusé de Dolly, visiblement ravie de me voir dans tous mes états.

— Ça alors, Wennie ! Je ne t'imaginais pas aussi... bestiale.

Tout en me taquinant, elle descend l'air de rien le visage au niveau de mon entre-jambe et sa langue glisse entre mes lèvres mouillées. Je sursaute.

Ouah, c’est hyper sensible !

Mes griffes sortent toutes seules, pile dans le bras de Dolorès.

— Aïe !

Je répète encore et encore que je suis désolée. Dolorès me rassure et me demande si je suis toujours sûre de vouloir aller plus loin. Je me sens si stupide. J'ai peur que le chat en moi ait tout fichu en l’air. Alors je prends sa main et la glisse au bon endroit pour qu'elle n'ait aucun doute : je veux aller au bout.

C'est étrange, lorsque son doigt plonge en moi, je ne ressens quasiment rien. Elle y va en douceur et me demande sans cesse si je vais bien, si je n'ai pas mal. Après quatre ou cinq « Non, ça va. », l'agacement prend le dessus et les mots m'échappent :

— Mets-en un deuxième.

— Sérieusement ?

Cette fois, elle n'a pas pu cacher sa surprise. Je me demande si j'ai bien fait de sortir ça comme ça, si je n'aurais pas dû attendre encore un peu, peut-être simuler. Mais Dolorès me prend au mot et fait comme j'ai demandé. Là, ça n'a plus rien à voir. D'un effleurement que je ressentais à peine, voilà que ça vire à une série de picotements qui me font serrer les dents. À chaque va-et-vient, j'ai l'impression que les ongles de Dolly enfoncent la porte de la chambre dans laquelle le moi d’avant s’est réfugié, qu’ils cognent et crissent pour me forcer à mettre un pied dans le monde des adultes.

Non, ce n'est pas ça.

Je ne suis plus une enfant, c'est ce que je lui ai dit. Je n'en suis plus une, mais je ne veux pas oublier ce que c'est de mettre sa main dans le feu pour vérifier que ça brûle, de s'émerveiller en passant son doigt sur la flamme d'une bougie sans ressentir la moindre douleur. Laisser exister l'enfant en moi, ça n’a rien d’immature, au contraire. Elle, elle le sait. C'est cultiver l’audace et la curiosité, ne reculer devant rien qu'une convention condamnerait et n'en faire qu'à sa tête pour la simple et bonne raison que personne d'autre, jamais, ne pourra savoir à ma place ce dont moi j’ai envie.

Les picotements persistent, mais je choisis d'ignorer la douleur pour ne garder que le plaisir. Dolly me demande encore si je vais bien, si je n'ai pas mal. Je mens, en quelque sorte. Si j’avouais que ça me brûle, même rien qu'un tout petit peu, elle s’interromprait et n’oserait plus me toucher. Je n'aurais pas le temps d'apprendre à apprécier l'innommable sensation que mon corps réclame depuis des jours.

Je fais le vide dans ma tête pour ne plus penser qu'à Dolly, qu'à ce contact unique, qu’à ses empreintes en moi. Ce picotement prend des notes acidulées, comme les bonbons trop sucrés qui nous font grimacer, mais dont on s'empiffre quelques secondes plus tard, dès que notre palais s'y est habitué. La même chose se produit avec les doigts de Dolorès : une fois que je me suis faite aux frottements de sa peau et de ses ongles à l'intérieur, je remarque les endroits précis où leur passage me fait frémir et, d'instinct, mon bassin se joint au mouvement de leurs va-et-vient.

Les gémissements virent aux cris. Dans le feu de l'action, je laisse le chat sortir au grand complet : les oreilles, les moustaches, le museau et la queue. Maintenant que mon ouïe s’est accrue, les battements de cœur de Dolly se transforment en tambours battants et chacun de ses mouvements devient la nouvelle corde d'un genre de symphonie corporelle. Le monde entier se noie dans les respirations rauques, les chairs qui claquent, les grincements de gorge et l'odeur enflammée de la sueur. Je hurle – ou je miaule peut-être. Sur le coup, je n'en ai pas la moindre idée.

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