Chapitre 1 - Une question de principes

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- Quand l'avez-vous trouvé comme ça ?

Il faisait nuit, dans cet immeuble gris et froid comme les ordinateurs éteints du bureau. Une fenêtre avait été fissurée, laissant siffler un mince filet d'air frissonnant. Et là, deux personnes regardaient un cadavre démembré dont le buste était attaché contre un mur. La tête du corps avait été détachée pour être enfoncée dans le thorax. Une horrible grimace de douleur déchirait le visage du défunt.

Des deux hommes, le premier ressemblait à un employé de bureau simple, atteint d'une calvitie prononcée et portant des lunettes abîmées.

L'autre était un jeune homme dans la vingtaine ; il avait des cheveux châtain doré coupés courts, mais des mèches rebelles poussaient en arrière et deux autres longues pendaient entre ses oreilles bouclées et ses joues, tentant de cacher une brûlure sur la droite. Ses yeux jaunes et vifs regardaient le cadavre avec une concentration qui intimidait l'employé de bureau. Bien qu'aucune clope n'était à son bec, il faisait jouer une allumette entre ses doigts agiles.

Reiketsu Yakuseki attendit la réponse avec un silence pesant.

- Hier soir à huit heures, répondit l'employé avec une voix fébrile. Takumi était un stagiaire très apprécié par tout le personnel, même le patron le tenait haut dans son estime. Le voir comme ça, c'est....c'est...

- Je vais m'en occuper, grommela le jeune aux yeux jaunes. Vous, rentrez chez vous, embrassez votre famille et préparez vous un bon thé devant une émission. Vous regardez quoi en ce moment ?

- Je, euh... Des documentaires sur la vie sous-marine.

- Formidable. Eh bien, M.Sadao, allez vous détendre devant les innombrables machins qui peuplent les océans. Quand vous reviendrez le lendemain, tout sera nettoyé.

L'employé hésita un instant, puis s'inclina et prit ses affaires avant de prendre l'ascenseur, mais le jeune châtain l'arrêta net.

- Ne prenez pas l'ascenseur, lui intima-t-il. Prenez les escaliers, je pense que qu'oxygéner votre tête sera parfait pour chasser les idées sombres.

L'employé acquiesça, un peu indécis, et prit les escaliers. Une fois que le jeune homme ne l'entendit plus, il prit son cellulaire et composa un numéro, puis porta l'appareil à son oreille ; on décrocha à l'autre bout du fil :

- Alors ?

- C'est un classe 2, si je ne me trompe pas. Mais il doit avoir accumulé assez d'énergie pour pouvoir lancer un maléfice pareil. Le corps est déchiqueté et la tête a été arrachée pour être placée dans le corps de la victime.

- Putain de merde.... Fais attention à toi, quand même. Tu veux que je viennes te chercher quand ?

- Je rentrerais en train, t'inquiète. À bientôt, Yanagi.

- À bientôt, Reiketsu.

Ce dernier raccrocha son téléphone, puis fit craquer son cou ; un classe 2 pareil devrait lui rapporter, quoi, deux millions de yens ? Il faudrait à Reiketsu de quoi garder une signature d'énergie occulte, sinon la commission allait encore argumenter pour moins le payer. Même avec son statut de classe 1, la paie du jeune exorciste n'était pas très élevée par rapport aux standards, et pour cause : il les faisait tous chier.

Soudain, il sentit cette sensation familière de froid dans le dos, cette lourdeur dans l'air qui lui donnait un goût de métal. Il était là, ce putain de fléau. Reiketsu sourit de toutes ses dents et badina, sans se retourner.

- Sors de ta cachette, fais pas ton timide !

Soudain, Il entendit une sorte de cri de bébé qu'on aurait accéléré et démultiplié. Il tourna légèrement la tête sur le côté pour voir la créature :

Elle ressemblait à une sorte d'humanoïde filiforme dont les membres peinaient à se mouvoir dans cette salle restreinte par les nombreux bureaux et les armoires. La chose n'avait pas de tête, mais une immense bouche baveuse et remplie de dents craquelées et jaunes s'ouvrait sur tout son corps glabre et fripé.

- Lâche-moi...Lâche-moi, geignait la créature.

- Oh non, je vais pas te lâcher, crois-moi, sourit l'exorciste avant de foncer sur elle.

Il voulut donner un coup de poing chargé d'énergie occulte, mais la créature le surprit par son agilité : elle bondit au plafond pour s'y accrocher avant de le parcourir à toute vitesse jusqu'à se retrouver derrière lui, en hurlant de toutes ses forces. Les vitres et les écrans d'ordinateur explosèrent, mais Reiketsu avait déjà protégé ses oreilles avec son énergie.

- T'es du genre à te faire remarquer, blagua-t-il en fonçant une nouvelle fois sur le fléau.

Ce dernier fit apparaître des griffes sur ses longs membres et fouetta l'air si vite qu'ils sifflaient. Reiketsu fit une roulade, se réceptionna sur ses pieds pour lancer au fléau un roundhouse kick bien senti dans ce qui pouvait être ses côtes. La créature hurla de douleur, l'énergie occulte l'ayant autant blessée que le coup l'eut repoussée.

L'exorciste se redressa, et dansa sur ses pieds comme un boxeur. Même si ce n'était que du menu fretin pour lui, il ne devait pas relâcher son attention. Il concentra son énergie occulte dans son poing ; une lumière jaillit de celui-ci, se condensa et de s'allongea pour prendre la forme d'une lance de foudre jaune et crépitante.

Yarisho Kisawaru !

Il lança la lance, accompagné d'un "BANG" assourdissant. La créature fut empalée de part en part sur le mur. Reiketsu expira un bon coup, la charge de l'attaque engourdissant légèrement son épaule. Il la fit rouler tout en s'approchant du fléau qui commençait déjà à disparaître.

- On peut dire que je t'ai pas raté, observa-t-il en voyant la malédiction se débattre comme un diable pour se libérer du sortilège.

Son "Éclair Fracassant la Terre" était une technique à double face : une attaque rapide concentrée et un sceau. La foudre détruisait le fléau, tandis que la lumière se liquéfiait sur elle pour l'enserrer et l'empêcher de bouger. C'était simplement parce que ce classe 2 était fort qu'il pouvait se débattre...

Reiketsu sentit une douleur au niveau de son coeur.

La sensation soudaine qu'une main ardente vous écrasait de l'intérieur, broyant vos muscles et vos os. Il tomba à genoux, le front couvert de sueurs et les yeux écarquillés, tentant en vain de chasser la douleur. Pas encore, pensa-t-il en frappant du poing le sol. Dois...Te...Relever...

Il réussit son exploit avec un effort conséquent pour ne pas s'évanouir ; la douleur était insoutenable, faisant tressauter ses muscles avec force. Les voix vinrent ensuite marmonner dans sa tête, indéfinissables et incompréhensibles comme à leur habitude. Reiketsu se frappa le front avec le plat de sa main, ne parvenant seulement qu'à déclencher une migraine.

Mais c'était trop tard.

Il sentit son épaule se déchirer ; bien que partiellement détruite, le fléau avait réussi à libérer un de ses membres pour le lacérer une dernière fois, et tenter d'accomplir un nouveau démembrement. L'exorciste roula sur le côté, haletant et tenant son épaule, son sweat déjà rouge de sang.

Après un dernier râle d'agonie, le fléau disparut avec l'éclair grésillant, ne laissant derrière lui que quelques résidus d'énergie occulte. Reiketsu respira calmement pour calmer les battements de son coeur, puis ouvrit son cellulaire pour envoyer un message à un chien de la commission afin de lui dire que le boulot était terminé.

Il se releva après quelques minutes de pause, se traînant jusqu'à l'ascenseur, et descendit jusqu'au sous-sol pour sortir par l'arrière du bâtiment. Il se dirigea jusqu'à la station la plus proche, évitant les agents de sécurité pour arriver jusqu'au métro, où il tomba sur...

* * *

- Puisque je te dis que c'est une coïncidence !

Reiketsu renâcla, puis tiqua quand une jeune fille, rousse aux yeux verts avec un petit nez couvert de taches de son, tamponna sa blessure d'un coton imbibé d'alcool. Elle enroula et serra ensuite un bandage autour de son bras nu, l'agrafa pour qu'il tienne, et tapota le bras avec satisfaction, ce qui fit grimacer le jeune homme. Répondant à son assertion précédente, il prit un air sceptique :

- Soit c'est ton père qui t'envoie, soit tu es venue me chercher. Les coïncidences, ça n'existe que dans les scénarios mal gérés.

- C'est parce que tu ne crois pas au destin ! soutint-elle avec un sourire. Mais quand tu tomberas amoureux...

- Ce qui n'arrivera pas.

-...Tu tiendras un autre discours ! finit la jeune fille avec des yeux brillants, ignorant la coupure de parole.

Ils étaient assis au fond du train, les lumières du tunnel passaient comme des étoiles filantes perdues dans les profondeurs du quotidien. Reiketsu observait le tunnel d'un air fatigué, la tête posée sur la vitre et appréciant le contact froid sur son front endolori.

- C'est encore arrivé ? s'enquit sa voisine, inquiète.

- Oui.

Cette jeune fille se nommait Uyeno Tonisuka, fille de Yanagi Tonisuka. Ce dernier logeait en échange d'un loyer moitié prix le jeune Reiketsu depuis déjà une dizaine d'années. Bien entendu, ce type était rapidement passé de propriétaire irascible à papa poule dès que Reiketsu avait entamé sa scolarité au Lycée Métropolitain de Magie Technique à Kyoto.

Pourtant ça l'arrangerait bien d'être toujours payé en loyer, alors que Reiketsu faisait le ménage, la vaisselle, la lessive, rangeait les nombreuses affaires en vrac des deux loubards, père et fille, qui se ressemblaient à leur manière de foutre le bordel dans toute la maison... Yanagi était prof de chimie, ancien exorciste de classe 2. Il avait quarante ans, aimait les émissions de cuisine et détestait tout ce qui était drogue, cigarette, alcool et autres activités qui auraient pu le faire entrer plus facilement dans la société d'aujourd'hui.

Uyeno, elle, étudiait l'exorcisme au lycée de Kyoto. Actuellement, ils étaient cinq dans sa classe, ce qui était plutôt élevé selon les standards de l'école. La jeune fille adorait casser les pieds des gens en leur proposant son aide sans arrêt, en se mêlant d'affaires qui ne la regardait pas sous prétexte parce que c'était "juste". Elle adorait chanter également, mais elle n'aimait pas qu'on lui cache des choses. Vraiment pas.

C'était facile à remarquer avec le regard insistant et lourd de menaces qu'elle lui lançait si Reiketsu ne développait pas. Il soupira, puis sortit une allumette pour la faire rouler entre ses doigts.

- C'est arrivé juste avant que le fléau ne disparaisse. Cette fois, les voix sont revenues.

-...T'as compris ce qu'elles disaient ?

- J'ai l'air de parler la langue des fléaux ? ricana le jeune châtain. Non, elles étaient incompréhensibles et ça me cassait les couilles.

- Ton langage ! s'offusqua-t-elle.

- Tss...

Ils restèrent un moment à apprécier le silence créé par ce bref échange. Soudain, Uyeno se colla contre lui, ce qui agaça Reiketsu qui la repoussa, mais elle revint à la charge avec un petit sourire. Il recommença une nouvelle fois, mais elle était tenace. Le jeune homme lui lança un regard noir, mais ce dernier la fit rire et elle posa sa tête contre son épaule.

- Arrête de faire ça, tu vas me faire passer pour un putain de pervers.

- On aura qu'à dire qu'on est frère et soeur ! gloussa-t-elle.

Cette blague ne le fit pas rire, et il décida d'ignorer la chieuse pendant un moment ; ils étaient sortis du tunnel, et se trouvaient sur le pont ouvert sur Shimogyo-ku, la grande tour de Kyoto pourfendant le ciel comme la lance d'Izanagi. Le quartier était éclairé de mille feux en cette nuit couverte de nuages, ce qui donnait l'impression qu'on était une ville peuplée d'esprits et de Yokai.

Si seulement c'était faux.

Le train finit par s'arrêter à l'arrêt K-11, les derniers travailleurs sortirent du train, d'ordinaire bondé en journée ou fin de soirée. La nuit, personne ne voulait avoir de problèmes, aussi les voyageurs se précipitèrent pour rentrer chez eux. Seuls Reiketsu et Uneyo marchaient tranquillement.

Malheureusement, le jeune homme aurait du convaincre la jeune fille de suivre l'exemple des gens normaux, parce qu'ils tombèrent sur deux types un peu louches, plus proches des hyènes que des humains dans leur comportement ricanant.

- Oi, oi ! Qu'est-ce qu'on a là ? Deux tourtereaux prêts à se faire dépecer.

- Vous voulez pas d'ennuis, leur conseilla le jeune homme avant de darder un regard sombre sur les deux voyous. Déguerpissez avant que je vous donne une leçon que vous risquez pas d'oublier de sitôt.

Ils reculèrent d'un pas, intimidés par l'aura invisible et mençante que l'énergie occulte de Reiketsu produisait. L'un d'eux ricana, sortit un canif de sa poche et le pointa vers le jeune homme et l'adolescente :

- Encore une grande gueule qui sait sûrement pas se battre. Viens-là que je te... WOOUAH !!!

En un instant, il était à terre, son comparse assistant à la scène qui se dessinait : le châtain avait la main avait sa main posée sur le visage du type au canif, en le regardant avec un air glacé ; il n'était pas seulement grande gueule, mais balèze : la force qu'il appliquait pour le retenir de l'autre main était telle qu'il sentit ses côtés se fêler presque.

Quand est-ce qu'il avait bougé, surtout ?

- Écoute-moi bien, murmura ce type en se penchant vers son oreille. Les rues sont dangereuses la nuit, même pour un petit caïd comme toi. Tu vas donc gentiment rentrer chez toi si tu ne veux pas que je t'arrache les couilles pour te les enfoncer dans la gorge.

Quelques secondes plus tard, les deux lascars s'enfuyaient la queue entre les jambes, Reiketsu époussetant ses mains. Il fut attiré par le regard de reproche que lui faisait Uneyo, haussa les épaules et lui fit un signe de tête pour qu'ils repartent.

Ils arrivèrent à bon port, devant une petite maison avec jardin qui était éclairée par quelques lampions. Un cèdre était planté là, bien que Reiketsu se demandait si cet arbre avait une signification particulière pour les Tonisuka. Ils entrèrent dans le jardin pour aller jusqu'à la porte, et le jeune homme toqua.

- J'arrive ! cria une voix distante.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur un type aux cheveux grisonnants qui retenaient quelques mèches d'un roux enflammé. Les cheveux façon Shohei Morishita, le nez un peu écrasé, le vieux portait des lunettes rondes devant des yeux d'un vert très clair. Son visage était traversé par des rides qui lui donnaient un âge avancé, alors que Yanagi n'avait que 43 ans. Sa mâchoire carrée donnait à un son air méfiant une vibe de vieux réac'.

Enfin, son visage s'illumina, et il s'écarta en riant :

- Rei ! Uni ! Entre, entrez !

Ce qu'ils firent, le premier agacé d'être appelé par ce diminutif, la seconde embrassant son père sur la joue.

- Coucou, papa ! Ta journée s'est bien passée ?

- Oh, ma chérie, c'est gentil de t'inquiéter pour ton vieux père ! (il se tourna brusquement avec un air hargneux vers Reiketsu qui tentait de fuir furtivement) Toi, tu vas vider la poubelle pour être rentré aussi tard ! (Puis le père se tourna vers sa fille, tout sourire : ) Ma classe s'est bien comportée, pour une fois : aucun matériel n'a été cassé, et la plupart ont réussi à faire leurs solutions !

- Super !

- Et toi, mon trésor ? Ils ont été sympa avec toi, tes camarades ?

- Moui... Maï s'est moqué de mon vernis (elle montra ses ongles couverts d'un horrible mauve), mais Kasumi-chan m'a défendue, alors je n'ai pas eu de problèmes !

- Si tu n'avais pas aussi mauvais goût, intervint Reiketsu, la poubelle à la main, Maki n'aurait pas eu de raisons pour se moquer de toi.

- Hé ! protesta-t-elle, mais il était déjà sorti pour placer la poubelle dans le container prévu à cet effet.

- Allons, allons, bougonna le père en calmant le jeu. Je vous ai préparé un oyakodon façon pétard-paprika !

- Miam ! se réjouit la jeune fille.

- Génial, marmonna Reiketsu qui était revenu. Tu as fait une part non épicée pour moi ?

- Je ne te comprends pas, se désola le père en secouant sa tête. Tu vis chez nous depuis si longtemps, et tu n'aimes pas manger épicé ? Tss, tss... Je croyais t'avoir élevé mieux que ça.

Le jeune homme lui lança un regard nauséabond, mais le vieux Yanagi éclata de rire et tapota l'épaule de Reiketsu, ce qui le fit siffler de douleur. Surpris, le père prit un air inquiet, et voulu enlever le blouson du jeune homme, ce dernier repoussa sa main d'un geste sec.

- Le fléau ? devina le père.

Reiketsu resta stoïque, laissant soupirer le vieux.

- Tu devrais prendre congé pendant un temps. Si tu continues comme ça, tu vas te tuer à la tâche.

- Madame Iori parle de lui comme l'exorciste le plus actif de tout le Japon, intervint Uneyo en sortant sa tête de la cuisine.

- Quoi ? s'exclama le père. Mais combien d'affaires tu traites par semaine ?

-...Six, marmonna le jeune homme.

Le père soupira, et la jeune fille gloussa. Il secoua sa tête, ressortant sa réplique de : "j'aurais dû mieux l'élever", agaçant profondément Reiketsu, qui enleva son manteau si vite que son épaule le lança. Il le rangea dans l'armoire et partit dans la cuisine en quête de bonites séchés. Il attrapa un paquet ouvert qui traînait là, et en mit quelques unes dans sa bouche pour les mâchouiller. La saveur de l'umami, sans qu'il sache pourquoi, l'apaisait, tout particulièrement la bonite.

Il s'assit ensuite à la table en compagnie de Uneyo, tandis que le père hurlait à pleins poumons :

- MAMAN, À TABLE !

Quelques dizaines de secondes plus tard, la vieille Tonisuka débarqua. Elle ne dit rien, mais mais sourit quand elle vit sa fille et Reiketsu. Uneyo se leva et embrassa sa grand-mère, puis l'aida à s'installer avant de se rasseoir. Ils mangèrent ensuite dans un silence qui n'était pas pesant, mais reposant.

La grand-mère d'Uneyo avait également été une exorciste, et sa mère avant elle. Auaparavant, c'était une autodidacte, reconnue pour ses shikigami et ses tactiques de fourbe redoutées par les maîtres des fléaux et les malédictions. Désormais, c'était une vieille qui ne parlait pas, restant assise dans un fauteuil à lire des livres ou à nourrir des moineaux. Malgré son absence d'élocution (et Reiketsu se demandait si ça venait d'une malédiction), la grand-mère était gentille avec sa petite fille, lui chantant des berceuses quand elle se sentait mal ou écoutait pendant des heures sans s'arrêter les longues journées de cette petite chieuse.

Envers lui, elle était... distante. Bien qu'elle n'ait jamais protesté de sa présence chez les Tonisuka, le jeune homme avait toujours ressenti son regard se darder sur lui ; était-ce du reproche, de la peur, du dégoût ? La vieille était aussi insondable que le lac Biwa, donc impossible de le savoir.

Heureusement, son oyakodon était nature, sinon Reiketsu aurait fait voir au vieux de quel bois il se chauffait. Il le dégusta avec appétit, sans exécuter des mouvements trop vifs pour ne pas réouvrir la blessure à son épaule. Prendre congé ? pensa-t-il avec ironie. C'était comme demander à un pompier d'arrêter d'éteindre des incendies, ou un policier de laisser s'enfuir un voleur ou un assassin. Un exorciste ne prenait pas congé : il exorcisait ou se faisait tuer. C'était simple, c'était clair, il n'y avait pas de questions à se poser.

Plusieurs fois, pourtant, le vieux lui avait dit d'arrêter à cause de sa malédiction croissante. Plus il utilisait son énergie occulte, plus cette dernière résonnait dans le corps de Reiketsu. Depuis quand il l'avait ? De ce qu'il s'en souvenait, elle avait toujours été là, nichée sur son torse avec cette marque rouge étrange qui brillait et chauffait dès qu'elle s'activait. Et le vieux, chaque soir, lui lançait une pique ou le conseillait d'arrêter, disant qu'il ne saisissait pas l'intérêt qu'avait Reiketsu de continuer à exorciser le plus de fléaux possibles.

Pour ce dernier, c'était juste une question de principes.

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