L'avenir ?

2 minutes de lecture

Alors quoi ? Qu’est ce qui se passe maintenant ? Qu’est ce que je suis devenu deux ans plus tard ? Eh bien pas grand chose. Mon contrat n’a pas été renouvelé, c’est le terme qu’il est coutume d’utiliser lors de l’embauche et le proviseur s’en est tiré sans une égratignure. Une AVS et un assistant pédagogique de moins. C’était des incompétents a-t-il dû trompéter auprès du recteur lors d’un déjeuner à l’Accolade, d’ailleurs il a même supprimé les postes.

Quel grand homme… je me demande quelle tronche il a fait lorsque les enseignants se sont mis en grève le jour de la rentrée… Corinne, ma plus proche collègue, m’a envoyé une photo. Le spectacle valait le détour. Une nuée de parents contrariés et d’élèves largués devant des bannières de stylos rouges vindicatifs. Apparemment mon prénom a même été mentionné. C’était déjà ça de pris.

Depuis c’est la galère, mon mur des lamentations. Revenir au bercail est sans doute la pire erreur de ma vie. Sans “vrai” travail, le domicile familial s’est changé en nid glacial. Incapable de rebondir avec dignité, on y préfère nier la réalité de l’hallucinante crise économique pour dénigrer mes efforts. Comme si tout ça ne suffisait pas, je me retrouve à faire la brasse au milieu d’une pandémie mondiale, gérer par les mains dans les poches par la start up nation. Au moins c’est raccord : on est la risée de l’Europe, mais on préfère pontifier parmi les meilleurs, en versant de juteux dividendes aux 1%.

Pas mal, pas mal… je l’admets. En tout cas, c’est pas pour aujourd’hui que je vais pouvoir intégrer une bibliothèque ou un centre de doc. C’est la crise, nous martèle-t-on. Prenez plutôt ce contrat hebdomadaire chez Carrefour. Pas de masque, ni de gel, mais du chocolat en barquette, on est bons ? Mon frère a tenté et confirmé : c'est grotesque.

En clair, je patauge dans la merde depuis deux ans, bientôt trois. J’ai fait un boulot du clic pour big brother et sans rire, ne le faites pas. Maintenant je bosse bénévolement pour une association ouverte, sous la bannière verte de l’espérance, mais pour le reste, je vois mon quotidien s’assombrir à chaque seconde qui passe.

Hey, au moins tu passe le permis maintenant. Tu vas voir, tout va se débloquer dès que tu l’auras, m’assène-t-on. Tu parles ! Un gouffre financier et une main d’oeuvre plus mobile, c’est tout ce que ça fera de moi. Courage ? Accroche-toi ? Vas-y, va jusqu’au bout ? Des mots tout ça ! C’est pas ce jargon d’embauche qui va m’aider à avancer.

C’est pour cette raison que j’ai essayé un jour de pluie de réécrire et oh ! Miracle, tout s’est décoincé. Les mots filent sans que je ne les souffle. Les récits se construisent et s’étiolent sous mes doigts, construisant des univers et brisant des destinées. C’est fou, mais j’ai l’impression que je peux faire quelque chose de tout ça. Alors plutôt que de chercher l’avenir entre deux encarts pompeux et des contrats dépravés, j’ai appuyé sur le bouton pause pour tenter l’écriture.

A défaut d’être bibliothécaire, peut-être pourrais-je devenir l’un de ceux qui leur permettent encore de faire leur métier.

Annotations

Vous aimez lire Naethano ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0