Le miroir

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Je suis le soleil.

Un sourire indescriptible s’est épanoui sur mes lèvres. Je les couvris d’une touche de gloss, les ai ravalées, ai fait un sourire de canard, puis satisfaite, me suis redressée face au miroir. J’ai alors lissé de mes fines mains le doux tissu de ma robe. Noire pour mieux me fondre dans les ténèbres, noire pour échapper aux regards. Ou est-ce pour les attirer ? Ma crinière était d’or, mes yeux d’émeraude, mes lèvres d’un rose aguicheur. Je me suis porté un regard admiratif, amoureux, et j’ai songé que j’en séduirais plus d’un, ce soir. Je me rends à une fête masquée. Une simple pensée, or elle en disait long. J’ai enfilé mon masque, l’ai ajusté avec la tendresse d’une mère peignant son enfant. Tout était parfait. J’ai légèrement gloussée, excitée. Regardez-moi, regardez-moi ! J’étais féline, j’étais langoureuse, j’étais un prédateur. Je me suis tourné de gauche à droite, m’admirant avec toujours plus d’excitation ; j’étais sans défaut, j’étais la perfection incarnée. Je suis parfaite. J’ai retiré mon masque, me suis regardé dans les yeux. Je me vois. Mon expression a soudain changée, j’étais comme à présent furieuse. Sur le comptoir de ma salle de bain, un couteau. J’ai tendu la main et l’ai suavement attrapé comme s’il s’agissait d’un rite sexuel. C’est un jouet, rien qu’un jouet. Mais alors, je l’ai apposé contre mon bras dénudé et j’ai tranché comme si de voir le filament de mon sang s’étendre sur la céramique de mon évier était sans égal. Pourquoi ? Mes pulpeuses lèvres formulèrent alors des mots en silence ; je n’y comprenais rien. J’ai alors répété plus fort, comme pour mieux me comprendre :

« Ce soir, je suis la reine ! »

Non. Non ! Je me suis mise à respirer difficilement, tel que si l’émotion prenait soudain le dessus sur toute raison que j’avais pu avoir au cours de ma vie. Je me suis soudain agrippé au comptoir en gémissant, comme pour finalement retrouver un certain contrôle de moi – du moins pour un instant. Toute une gamme noire et rouge d’émotions rugissaient en moi, l’air de vouloir s’échapper de moi de tous mes pores. J’ai vociféré inintelligiblement, et me suit comme soudain calmée. Ne le fais pas ! J’ai lentement remis mon masque, m’observant droit dans les yeux comme pour me défier. Je suis là, je suis toi ! Mais elle ne m’écoutait pas, ne m’entendait pas. Elle ne me voit plus. De reflet, je suis soudain devenu son ombre, et alors, l’ombre de moi-même, je me suis accompagnée en horreur.

Ce soir-là, il y a eu un meurtre, puis un suicide, puis moi qui resterait à jamais sans voix.

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