NJABBIC

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Je sentais la chaleur d’été à cause de la sueur qui ne cessait de couler sous mon t-shirt à bretelles. Pourtant, je venais de prendre une bonne douche froide, mais rien n’y faisait apparemment.

Le dernier semestre terminé, j’avais décidé de faire quelque chose qui sortait de mon habitude : une croisière. J’étais seule, mais cela ne me dérangeait pas. Au contraire, j’aimais bien m’abandonner à la solitude parfois, ça m’apaisait. Ainsi, je pouvais réfléchir avec moi-même, me laisser entraîner par mes propres songes ou seulement méditer. C’est en enfilant un nouveau t-shirt que je quitte ma cabine. Cette dernière n’avait rien de luxueuse, il y avait seulement les meubles pratiques, c’est-à-dire la table de chevet, une sorte de placard, un petit lit une place et un hublot en guise de fenêtre. Je ne suis pas riche, donc je n’avais pas beaucoup d’options.

Je me dirigeai vers le bar du bateau où toute la bourgeoisie s’était donné rendez-vous. Certains fumaient leur pipes, tandis que d’autres batifolaient avec leurs gentes dames. Je m’assis sur un tabouret au bar où le seul serveur disponible discutait avec de belles femmes. J’attendis alors. Il lui fallut quelques minutes pour me remarquer et abandonner ses futures conquêtes. Puisque je ne buvais pas d’alcool, je commandai un simple cocktail. Un fait qui provoqua les regards moqueurs des dames juste à côté. Elles ne me dérangèrent en rien, sauf peut-être cette belle brune aux grands yeux noisette. Elyse, ce fut son prénom. Une ancienne connaissance datant du collège.

Elle avait de longs cheveux de jais qui atteignaient la moitié de ses fesses. De grands yeux dont les cils étaient tellement long qu’on dirait que ce serait des faux –ils sont naturels. Un nez fin, une bouche légèrement pulpeuse et des oreilles percées à trois endroits différents. Et lorsqu’elle souriait, on remarquait ses dents parfaitement alignées. D’après les propos de mes anciens camarades mâles, elle était le symbole d’une femme idoine. Ne supportant plus ses rires hypocrites, je me levai du bar –en prenant mon cocktail, bien sûr. Je m’en vais donc vers la piscine où les gamins de tout âge nageaient. Je m’accoudai sur la rambarde du navire et contemplai le fracas des vagues contre la quille. Cette vue apaisa mon esprit.

Le soleil était à son zénith lorsque j’eus rejoins ma cabine. Je me couchai sur le lit et rejoignis les bras de Morphée.

Je me réveillai en sursaut. Le bateau vacillant, je jetai un œil au-delà du hublot où les vagues se déchaînaient contre le vaisseau. Une tempête faisait rage. La pluie tombait à flot et le vent soufflait tellement fort que je croyais qu’il allait détruire, à lui seul, ces murs qui me protégeaient. Prise de panique, je courus en dehors de la chambre et quelle fut ma surprise en découvrant de l’eau dans le couloir. Elle m’arrivait au milieu des cuisses. Sans attendre, je suivis les autres passagers pour quitter le navire. Les escaliers étaient bondés de monde, les agents réclamaient le calme et le silence. Mais comment garder son sang-froid alors que nous risquons la mort ?

Tout d’un coup, l’électricité lâcha et, au loin, tel un monstre, le bruit de l’eau qui menaçait de nous prendre par un coup de fouet. Ma dernière vision fut celle-ci ; les passagers en train de se noyer. Puis, le trou noir.

Je crus périr, noyée dans l’immensité de l’océan. Mais je me retrouvai sur une grande île. Cela fait quelques heures que j’eus repris mes esprits. J’observai cette plage, bien que magnifique, et espérai qu’un bateau, une barque, un hélicoptère, n’importe quoi me remarque. En vain. Soudain, je repensai à ma vie, mes études, ma famille et amis. Ma gorge se noua et les larmes perlèrent le long de mes joues. Comment les prévenir, maintenant que j’eu tout perdu ? Personne ne viendra me secourir, pas dans cette île déserte. Il se pourrait que d’autres naufragés soient dans d’autres endroits, éloignés d’ici. Les plus chanceux seront sauvés et ramenés chez eux, tandis que je resterai ici jusqu’à mon dernier souffle…

Ce fut ce que je croyais lorsque j’entendis des pas au loin. Par réflexe –et peur ? Je partis me cacher derrière un gros rocher. Etait-ce un sauvage ? Fut ma pensée au moment où j’aperçus une silhouette basanée, des vêtements à moitiés déchirés et des cheveux coupés maladroitement. Le bâton à la longue pointe qu’elle tenait, ne me rassura pas du tout. Lorsqu’elle se retourna –oui, c’était une femme, je fus surprise de découvrir de grands yeux noisette que je haïssais tant. Ce fut Elyse. Je ne dis plus rien devant elle, ahurie par son allure grotesque alors qu’elle avait l’habitude d’être si sophistiquée, si belle.

Elle s’approcha de moi :

« Je n’arrive pas à croire que je vais dire ça de toi, mais je suis contente que tu sois là. Ca me soulage de la solitude. Dit-elle, un air forcé sur le visage.

-J’aurai préféré être seule que mal accompagnée. Répliquai-je du tac au tac.

-Ce n’est pas du tout le moment, K ! Nous devons trouver une solution de quitter cette île et au plus vie !

-Ou quoi ? Tu risques de mourir de faim parce que madame ne peut pas rester à jeun pendant quelques jours ?

-Et bien, oui ! Arrête de faire ta gamine et ramène-toi ! J’ai trouvé une petite grotte pas loin. »

Elle ne se retourna pas. Ce fut compréhensible.

Je ne mentirai pas, mais je fus soulagée de trouver une autre personne que moi perdue sur cette île. Je la suivis donc sans trop rechigner. Nous marchâmes quelques minutes à peine avant d’arriver à destination. Ce n’était pas vraiment une grotte, mais plutôt une excavation. Un énorme trou sous terre. Je fus étonnée d’apercevoir, du bois, des plantes, quelques fruits et lapins. Je me retournai vers Elyse, les yeux grands ouverts.

« Ne me regarde pas comme ça, je pensais bon d’agir rapidement au lieu de me plaindre sur mon sort. »

Je ne cillai pas sur sa petite remarque me concernant.

Puis, les jours passèrent.

Petit à petit, je commençai à m’ouvrir à Elyse, et vice versa. Nous nous aidâmes sur les quelques tâches à faire telles que récolter du bois, allumer le feu, chasser, etc. En parlant de ça, j’ignorai comment survivre sans l’aide de la brune. Etrangement, pour une gosse de riche, elle savait magner une lance, allumer du feu avec du silex, pêcher et escalader un arbre. Prise par une curiosité soudaine, je lui avais posé la question. Elle me répondit en riant :

« Puisque je suis issue d’une famille aisée, beaucoup trouve étrange que je sache faire tout ça. J’ai été élevée par ma grand-mère, une femme plutôt stricte concernant l’éducation de ses enfants. C’était un enfer, je ne devais pas jouer avec les gamins de mon âge, je devais être polie, respectueuse et silencieuse. Je ne parlais que lorsqu’on me l’accordait. Les seuls moments où je me sentais vraiment moi, c’était avec mon grand-père. C’est lui qui m’avait tout appris, il disait souvent que cette vie est éphémère, que toute cette richesse ne valait rien comparé à la vraie vie. Alors, quand ma grand-mère croyait que je partais en camp de bienséance-

-Pardon ? Il y a un camp pour ça ?!

-Haha, oui. C’est étrange, c’est vrai. Bref, quand elle pensait que j’y allais chaque vacance, j’accompagnais en réalité mon grand-père à la campagne. Je m’occupais des chiens et des chèvres, je chassais parfois avec lui. Et quand je fus assez grande, il m’a appris à tirer avec un fusil.

-Et dire que je croyais que ta vie puait la rose, haha ! Je me suis bien trompée.

-Il ne faut jamais juger un livre de par sa couverture, non ?

-Ah ça, je le confirme ! »

Nous rîmes en chœur. Ce fut la première fois que j’entendis un rire sincère venant d’Elyse. D’habitude, c’était forcé et jaune. Il ne me plaisait pas et l’écouter m’aurait déplus à un point inimaginable. Toutefois, à ce moment-là, ce fut un rire cristallin, léger et vrai. J’en fus éblouie.

Je lui contai quelques anecdotes de mon passé. Contrairement à elle, je n’ai pas eu vraiment de difficulté dans ma vie, mis à part les déceptions amoureuses et quelques problèmes de familles ici et là, rien de très grave. Cependant, elle m’écouta attentivement. Elle ne m’interrompit pas, ne rigola pas à mes bêtises d’antan. Elle écoutait juste. Ca me plut.

En même temps que nous discutions, nous avions allumé le feu sur plusieurs feuilles et brindilles que nous avons récoltées durant la journée. Désormais, nous attendions qu’un miracle se produise.

Il faisait noir cette nuit. La pleine lune traversait les gros nuages qui cachaient le ciel étoilé. La mer était légèrement agitée et montait doucement sur le rivage. Soudain, Je me levai d’un bond en apercevant une lumière à l’horizon. Elle clignotait et s’approchait doucement l’île, vers nous. Je cris le prénom de ma nouvelle amie pour qu’elle me rejoigne. Elle se tint près de moi et nous fîmes de grands signes à l’aide de nos bras. Bien qu’à ce moment, nous crûmes que c’était peine perdue d’avance. Mais, la lumière se rapprochait de plus en plus et sous une brise salvatrice, nous fumes sauvées.

Quelques mois plus tard

Je fus dans une terrasse de café, près d’un grand jardin. Un bouquin à la main et sirotant mon milkshake chocolat, j’attendis l’arrivée de mon amie, Elyse. Après notre petit séjour sur l’île déserte, nous fûmes plus ample connaissance, ignorant au passage nos différentes classes sociales. Oui, vous l’avez deviné, nous fûmes inséparables.

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