Chapitre 2

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Cette nuit-là, M.Otur eut beaucoup de difficultés à trouver le sommeil. Il chercha ses lunettes à tâtons puis se leva pour aller dans la cuisine boire un verre de lait. Une fois servi, il tourna le regard vers la fenêtre qui donnait sur la maison d’en face. M. Otur était un homme plein de bon sens, pour autant, il n’arrivait pas à s’expliquer l’effet qu’avait la charmante demeure d’en face sur lui. Il s’approcha de la fenêtre pour observer la maison quand soudain, le lampadaire s’alluma. Il pensa alors que ses voisins avaient dû essayer de bidouiller le système et l’avaient déréglé. La maison était plus grande que la sienne, plus récente aussi, ou du moins mieux rénovée. C’était une belle maison en pierre située au sommet d’une petite colline, entourée d’arbres gigantesques qui projetaient des ombres terrifiantes sur la maison. Dans la pénombre, les jolies fleurs qu’il voyait dans la journée semblaient flétries. Il vit alors une lumière s’allumer à l’étage de la maison, sans doute un autre insomniaque comme lui. Une petite silhouette apparut à la fenêtre, sûrement un des enfants, puis une deuxième, une troisième, une quatrième, et encore une autre. M. Otur en compta cinq. Cinq comme les cinq membres de la famille qui avait la chance de vivre là, il bougonna et tira le rideau. Il finit son verre de lait et s’apprêtait à repartir dans sa chambre lorsqu’une lumière passa à travers les rideaux. Curieux, il jeta un œil par la fenêtre et fut surpris de voir la voiture de ses voisins se garer dans leur allée, et les parents ainsi que leurs trois enfants en descendre. Un hoquet de surprise lui échappa et il reporta aussitôt son attention sur la fenêtre qui était éteinte maintenant, mais où il avait vu toutes ces ombres. Il observa la famille rentrer chez eux et se gratta la tête. Rien de particulier ne se produisit. Après tout peut-être qu’il y avait des invités chez eux. M. Otur balaya bien vite son questionnement et retourna sagement se coucher sans se soucier davantage de l’activité chez ses voisins.
Plus tard, cette nuit-là, il se leva à nouveau, rien n’y faisait, il n’avait pas sommeil. Il alla s’installer dans son fauteuil en velours et poussa le coin du rideau. La lune brillait pleine et ronde cette nuit-là et M. Otur en déduisit qu’elle était peut-être la cause de son insomnie. Il replaça ses étranges lunettes sur le bout de son nez et attrapa un vieux livre dans le meuble à côté. Il jeta un rapide coup d’œil à la maison d’en face, le lampadaire était éteint et la seule lumière visible semblait provenir de derrière la maison. Alors qu’il regardait la bâtisse, une lumière à l’étage s’alluma quelques instants puis s’éteignit tout aussi rapidement. Cela se reproduisit plusieurs fois. Intrigué, M. Otur avait posé son livre sur ses genoux et regardait la scène en fronçant les sourcils. Il jeta un rapide coup d’œil à la maison d’en face, le lampadaire était éteint et la seule lumière visible semblait provenir de derrière la maison. Ses gros doigts boudinés se mirent bientôt à tapoter le rebord du fauteuil en suivant le rythme de la lumière, quand soudainement une ombre beaucoup plus imposante que celles qu’il avait vues s’approcha de la fenêtre avant que l’obscurité ne se fasse. Plus aucune lumière ne s’alluma cette nuit-là. M. Otur songea que le petit garnement avait fini par réveiller un adulte qui avait mis fin à son jeu. Il retourna se coucher, mais ne ferma pas l’œil de la nuit, sûrement à cause de la pleine lune.

Le lendemain matin, M. Otur et sa famille prirent un petit-déjeuner tous ensemble. Le jeune Kurban fêtait son anniversaire dans trois jours, mais ne pouvant plus attendre, il avait réclamé son cadeau d’anniversaire le matin même. Mme Otur avait donc couru lui chercher ses cadeaux, parmi le lot de peluches, de jeux vidéo et autres, Kurban avait trouvé de quoi s’occuper avec le téléphone portable que sa mère lui avait offert. Il était important pour elle de garder le contact avec son petit ange les rares fois où elle n’était pas avec lui. M. Otur était occupé à lire son journal, tapotant de ses gros doigts le bord de la table. Tous les trois ensemble, mais chacun occupé. Kurban avait trouvé un nouveau jeu et jouait avec la lampe torche de son téléphone, un clignotement de lumière qu’il s’amusa alors à placer sous le nez de son père. Celui-ci poussa un grognement étouffé en poussant la main de son fils.
- Kurban ! Grommela t-il en se frottant les yeux sous ses lunettes.
- C’est un S.O.S. en signal lumineux pour signaler que je suis en présence d’ un gros ours grincheux comme toi, ricana le jeune garçon.

M. Otur jeta un regard mauvais vers son épouse qui pouffait face à la bêtise de son fils, qu’elle trouvait sans nul doute de très bon goût. Il jeta de nouveau un regard vers son fils, prêt à lui faire remarquer qu’il ne trouvait pas sa blague très drôle quand son regard se figea sur le téléphone. Il le saisit avec une agilité insoupçonnée et regarda le clignotement de la lampe avec attention sans porter attention aux plaintes de son fils bientôt rejointes par l’offuscation de sa mère. M. Otur se remit à tapoter ses gros doigts sur la table, en suivant le rythme de la lumière du voisin qu’il avait observée la veille au soir, exactement la même cadence que celle du téléphone.
M. Otur rendit le téléphone à son fils, sans porter attention aux remarques de son épouse. Ainsi donc, ce qu’il avait vu la veille n’était autre qu’un S.O.S. M. Otur se gratta le menton en réfléchissant, son fils venait bien de s’amuser avec cela, rien d’étonnant donc à ce que les enfants de ses voisins aient pu faire la même chose. Il termina son café, embrassa son épouse, tapa sur l’épaule de son fils et alla s’installer avec son journal dans son fauteuil. La journée s’annonçait ensoleillée, les oiseaux chantaient, le printemps arrivait. M. Otur rêvait d’un potager, malheureusement, les affaires de son fils occupaient tout l’espace extérieur.

Le lendemain, Kurban eu envie d’aller jouer avec ses jeunes voisins, mais il n’eut aucune réponse. Il retourna donc de mauvaise humeur jusque chez lui et ordonna une sortie au zoo, ce que M. Otur accepta après avoir vu son épouse déjà en train de préparer leur manteau. La sortie se déroula comme à l’habitude, Kurban couru partout, sa pauvre mère suivait et M. Otur s’efforça de suivre la cadence.
Le soir venu, c’est avec soulagement que M. Otur retrouva son fauteuil et son livre, et surtout, la maison de ses rêves. Aucune lumière n’était allumée, pourtant, il lui semblait avoir vu des ombres se déplacer près du lampadaire allumé. Son épouse lui avait reproché un peu plus tôt de ne pas encore avoir été saluer ses nouveaux voisins, insinuant que si Kurban ne voyait plus ses nouveaux amis, c’était probablement à cause du comportement malpoli de son père. M. Otur se résigna donc à accompagner le lendemain femme et fils vers la charmante maison de l’autre côté de la rue.
Plus il approchait de la maison, plus M. Otur ne pouvait s’empêcher de la trouver splendide et de jalouser ses voisins. Cependant, malgré les coups frénétiques de Kurban sur l’imposante porte en bois, personne ne vint ouvrir. M. Otur aurait juré avoir vu quelqu’un derrière la fenêtre peu après être rentrés chez eux, son opinion sur ses voisins s’en trouva dégrader davantage encore.
Les jours passèrent, Kurban allaient tous les jours toquer chez ses voisins, mais personne ne venait lui ouvrir. Pour autant, M. Otur était désormais sûr que des personnes étaient bel et bien à l’intérieur, au vu des mouvements et des lumières qui s’allumaient parfois avant de s’éteindre brusquement au beau milieu de la nuit. Tous les soirs, il venait dans son fauteuil et observait la maison d’en face. Un étrange sentiment l’envahissait à chaque fois, il avait l’impression que la maison essayait de communiquer. En effet à chaque fois qu’il venait s’installer dans son fauteuil, et ce peu importe l’heure du jour et de la nuit, le lampadaire s’allumait alors. La voiture de ses voisins n’avait pas bougé depuis des semaines et les mauvaises herbes commençaient à pousser un peu partout. Cela le rendait furieux, qu’on ose ainsi délaisser la maison de ses rêves. Jamais il ne l’aurait laissé dans cet état s’il en avait été le propriétaire. La voix de Mme Otur le sorti alors de ses pensées, elle lui avait préparé une bonne tisane avant d’aller dormir pour l’aider à trouver le sommeil. Elle trouvait que son mari avait changé ces derniers temps, il n’avait jamais été très bavard, mais rares étaient les moments où il prenait la parole, et il s’agissait souvent de critiques envers leurs charmants voisins qui se faisaient tant discrets ces derniers temps.

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