eiparèht-otuA

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  Nous y sommes.

 Voilà bientôt vingt-deux longues années que ton coeur bat, et tu es arrivé à un stade de ton existence où tu ne sais plus vers où tu te diriges. Pour ainsi dire : tu ne sais plus rien.

 Le semblant de conviction que tu portais jadis s'amenuise à mesure que tu avances. Tu as l'impression de comprendre que l'évolution peut, elle aussi, être mauvaise.

 Il y a peu encore tu aspirais à écrire bandes-dessinées, livres et métrages. Tu te rêvais à jouer dans les théâtres et dans des films. Tu souhaitais composer des morceaux de musique dont on se rappellerait... Tu as travaillé quotidiennement et si dur afin de parvenir à tes fins.

Mais tout cela, tu as le sentiment de l'avoir fait pour du vent.

 Aujourd'hui, tu te rends compte que même les fantasmes d'enfant ont une limite. Depuis l'aube de tes souvenirs, ton ambition croît. Tu n'as jamais abandonné tes rêves ; ne serait-ce qu'une fois ; quitte à revêtir la flamboyante robe de l'orgueil. Ton aspiration à réussir ne s'est jamais tue.

 Mais même les plus grandes flammes au coeur des plus grands incendies peuvent s'éteindre.

Et tout comme il n'y a pas d'âge pour qu'une vie prenne fin, l'ambition ; aussi insatiable soit-elle, peut périr à vingt-deux ans.

 Le questionnement perpétuel de ta propre essence te frappe à nouveau, et une fois encore, tu vois ceux que tu côtoies disparaître les un après les autres. Tu regardes un bataillon supplémentaire partir.

Sans toi.

Car personne n'a besoin de toi.

Quelle volée voudrait d'un oiseau sans ailes ?

  Mais peut-être n'as-tu jamais cherché là où il le fallait. Peut-être t'es-tu fourvoyé depuis le commencement même de ton propre interrogatoire. De ta propre torture. Tu sondes ton âme depuis toujours, mais son silence te pèse.

 Tu as voulu enfermer l'enfant en toi, le blâmant d'être responsable de tous tes maux.

Tu es triste et frustré de n'avoir eu qu'une enfance solitaire. Cette absence de joie a fait émerger en toi le plus immense de tes défauts.

 Tu es incapable de t'aimer.

 Le dégoût que tu portes à ta propre personne est si profond et si ancien qu'il est responsable de cet amalgame de rage et de chagrin trônant dans ton coeur.

Tu aimerais tant faire déferler sur le monde toute cette peine que tu ressens ; et à quel point tu trouves injuste que l'on t'ait privé d'autant.

 Mais tant que tu ne seras pas capable de t'aimer, tu ne seras capable de rien, et jamais ces vagues de colère et de haine n'arrêteront de venir s'écraser à la cime de ton esprit.

 Rends-toi compte que même à l'âge que tu as maintenant, tu n'es pas capable de t'émanciper de ce qui est passé. Au fond, tu es toujours le pleurnichard incapable de s'estimer.

Tu ne peux t'empêcher de te comparer à ceux que tu crois supérieurs. Tu les envie si fort que tu en passes tes journées à élucubrer sur la source de ce succès.

Tu penses finalement que tu ne vaux pas mieux que ceux que tu méprises : comme eux tu ne te sens en vie qu'en dénigrant autrui.

"Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde à ne pas devenir monstre soi-même. Si tu regardes dans l'abîme, l'abîme regarde aussi en toi."

 Tu as toujours eu ce besoin dévorant de reconnaissance, et c'est la raison pour laquelle tu songes aux feux des projecteurs : avoir enfin la possibilité de révéler ta valeur à ceux qui n'ont jamais cru en toi.

Un objectif purement malsain. Bien que ta recherche soit nourrie par la passion, celle-ci n'a rien de vertueux. Plus encore, tu as peur que ta vindicte ne prenne jamais forme par ton manque de succès.

Ta quête n'est qu'autodestruction : tu infliges tes tourments à autrui dans l'espoir d'être compris.

Mais nul ne lis en toi. Nul autre que toi-même n'en est capable. Il n'y a rien de suffisant à se l'admettre. La seule issue de cette thérapie ne devient visible que lorsque que tu écris.

 Le choix t'appartient, aujourd'hui.

Réduis tes démons au silence, et donne-toi un second souffle.

Hurle tes douleurs, sans jamais dévoiler que tu souffres.

Autrement tu passeras l'éternité dans la démence.

Dans le regret d'avoir laissé passer ta chance.

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