La plume éternelle.

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Alors que je finis de coucher mes mots sur le papier, Alex pénètre dans mon bureau l’air abattu :

- Al ! On m’a dit que tu refusais le traitement ? Tu sais bien que tu ne survivras pas si tu ne le fais pas ! Pourquoi ?! gémit-il.

Je pose calmement ma plume, puis me retourne lentement vers lui :

- Qu’est-ce que tu racontes ? Je ne mourrais pas ! prononçais-je tout sourire.

- Tu te moques de moi ? Alors que je cherche à t’aider ?! s’emporte-t-il.

Je prends une grande inspiration, mon regard change :

- Je pense que c’est le moment de te parler de mon père, lui annoncé-je, d'un ton sérieux.

À ces mots, Alex se calme, semblant vouloir entendre la suite. Il le sait déjà : la maladie que je porte en moi est génétique, je l’ai hérité de mon paternel.

- Il y a dix ans, dans ce même bureau, assis à la même place que moi, mon père écrivait son dernier roman lorsque je fis irruption de la même manière que toi, alarmé et en colère. Il avait refusé les multiples opérations qui lui auraient donné une infime chance de survivre, au prix de quelques souffrances et effets secondaires non négligeables. Je ne comprenais pas au début lorsqu’il m’a lui aussi dit, tout heureux, qu’il ne mourrait jamais, et je lui en ai voulu pensant qu’il avait abandonné. Mais les jours passaient et son sourire ne ternissait point, tandis que la colère et l’incompréhension me gagnaient de plus en plus.

Puis vint le jour de l’enterrement. Àprès être rentré du cimetière, abattu, je me suis précipité dans son bureau. Fou de rage, jetant et cassant tout ce qui me passait par la main. M’approchant de la table de chevet, je me saisis de son roman posé là, m’apprêtant à le jeter par terre quand je repris mes esprits.

C’était son trésor, la dernière œuvre de sa vie, son ultime message au monde et j’allais l’abîmer…Non, je ne pouvais pas faire cela. J’ouvris spontanément la première page et me mis à lire son œuvre : Le Dock de Poplère.

Et plus je lisais plus je me sentais réconforté…Je m’imaginais sa voix en train de me narrer les mots, et j’avais le sentiment qu’il était près de moi malgré tout : C’est là que j’ai enfin compris.

Alex, en larmes, semblait avoir lui aussi saisi où je voulais en venir :

- L’écriture… lâche-t-il en balbutiant.

- Aujourd’hui, son livre est lu par des milliers de gens, issus de cultures et de croyances différentes et son message est transmis par-delà le continent, transcendant même les barrières de la langue, laissant une partie de lui vivre en nous pour toujours.

Ému, il se contenta de me lâcher une affirmation : - …Oui !

Soulevant mon dernier roman, en le lui montrant, je repris alors ma conclusion :

- Écrire c’est refuser de mourir.

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