Chapitre 9 - Concert nocturne

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Je me redressai vivement, tous mes sens mis en alerte. Saturé d'adrénaline, mon cœur battait à s'en arracher de ma poitrine, et je ne réalisai pas tout de suite que la main d'Athar était sur ma bouche. Je saisis son poignet et le serrai doucement pour qu'il me libère, signalant par là même que je me contrôlais assez pour rester silencieuse.

Il me semblait que je venais à peine de fermer les yeux, mais un léger lavis de bleu s'étendait à l'Est, indiquant que la nuit laisserait bientôt place à l'aube. Le feu couvant n'éclairait plus rien, et je ne voyais guère que de vagues ombres mouvantes, qui dansaient à la périphérie de la clairière.

Athar libéra mes lèvres, assuré à présent que j'étais pleinement réveillée et que je contrôlais mes nerfs. Mieux valait ne prendre aucun risque, même au milieu de la cacophonie ambiante : tout autour de nous, c'était un florilège de ce que des gorges – qu'on ne pouvait qu'imaginer canines – avaient à offrir de plus sonore et varié, du long hululement presque chanté au jappement excité, bref et répété.

Nous étions découverts, semblait-il...

― En principe la barrière nous rend indécelables, mais méfiance : tu ne maîtrises plus tes pouvoirs alors ne parle que si tu le dois absolument, me murmura Athar, ses lèvres frôlant mon oreille. J'aimerais éviter de tuer ces animaux, si je le peux. Et s'ils nous découvrent, alors nous n'aurons plus le choix... Ce sont des loups d'Upgard, ils n'abandonneront jamais leur traque si nous devenons leurs proies. Il faut attendre qu'ils se persuadent que la trace est ancienne... Alors ils renonceront, faute de sang frais.

Je hochai plusieurs fois la tête, afin de signifier à Athar que j'avais bien compris les enjeux. Mon ouïe de Draghorn se satisfaisait de légers murmures. Mais pour ma part, il aurait fallu que je parle bien plus fort afin que des oreilles humaines entendent autre chose que des chuchotis incompréhensibles...

Le jour continuait à poindre, inexorablement, et peu à peu, je me mis à discerner plus que des silhouettes.

C'était assez stupéfiant...

Les loups – car à présent, je n'en pouvais plus douter : il s'agissait bien de loups – paraissaient se déplacer aléatoirement d'un bord à l'autre de la clairière, mais leur trajectoire ne croisait jamais le carré délimité par le dispositif d'Athar. Sitôt qu'un individu se risquait hors de l'ombre des arbres pour s'approcher de la barrière magique, il semblait confus de se retrouver là, comme si la logique procédant à son déplacement lui échappait tout à coup. Il trépignait quelque peu, hésitait, secouait sa tête mordorée au point que sa fourrure semblait onduler par endroits, et finissait par suivre le premier congénère passant à proximité, reprenant ainsi sa ronde monotone et infructueuse.

Sans avoir besoin de concertation, nous nous étions petit à petit regroupés au centre de la clairière, délaissant le foyer qui agonisait sous ses cendres, et que personne ne s'était risqué à raviver. La discrétion restait de mise... La barrière fonctionnerait parfaitement pour des animaux ou des humains sans pouvoir particulier, mais abondance de précautions ne pouvait nuire.

Sathis et Nel se tenaient près des chevaux qui piaffaient nerveusement, mais fort heureusement nos montures semblaient avoir appris les vertus du silence au cours de leur entrainement. Aucune n'avait émis le moindre hennissement jusqu'à présent.

J'avais peine à me départir d'un léger sentiment d'inconfort, car malgré la confiance totale que j'avais dans le talent de magicien d'Athar, observer le ballet incessant des loups me portait sur les nerfs. Quand donc ces maudites bêtes allaient-elles se lasser ?

La teinte rougeâtre du ciel indiquait à présent une aurore imminente. Derrière les montagnes, les premiers rayons commençaient à filtrer, chassant l'obscurité par-devant eux. Et avant même que la première moitié du soleil n'ait terminé d'émerger de la roche ensanglantée, toute la tribu s'était figée. Soudain silencieux, les loups immobiles semblaient rendre hommage à l'astre roi, le museau dressé en direction du levant.

La seconde suivante, tout était terminé.

Aussi soudainement qu'ils étaient apparus, voilà que les loups s'étaient à présent volatilisés.

Tout ceci aurait pu me sembler n'être qu'un rêve, sans le regard pareillement abasourdi de mes compagnons d'aventure.

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