Chapitre Unique

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Ploc ? Flop ? Ah ! Tu es arrivé ? Lentement, j'ouvre les yeux.

Mes paupières sont si lourdes, je dois lutter mais j'y parviens. Tout est flou. L'odeur est accentuée par l'humidité ambiante. La terre mais aussi la moisissure se mélangent à mon parfum. Qu'avais-je déposé au creux de mon cou aujourd'hui ? C'était un parfum si bon, tu me l'avais offert. Oui, de l'essence de magnolia. Tu m'avais dit que cela te rappelait tes montagnes d'autrefois.

Ma main droite tremble, je peux voir le blanc immaculé de ma peau alors que je cherche à saisir le plafond. C'est comme si je voulais t'attraper au final. La manche de mon hanfu glisse et découvre davantage ma chair. Tu m'avais moqué à l'époque, mon corps était si fin, si petit. Un sourire me vient à ce souvenir. Tu étais si grand, si majestueux, mais semblais si seul.

Le tonnerre s'abat avec violence, et je retiens le cri de douleur lorsque le torrent s'abat sur moi. Il n'y a plus de maigre toit de chaume décrépi. Je sens le tissu qui colle à ma peau. Mon vêtement immaculé ce matin était sali, cela le lavera peut-être, qu'en dis-tu ? J'entends la mélodie de la tempête que tu déchaines en me voyant ainsi. Et ces gouttes qui me frappaient ont cessé, alors je rouvre les yeux pour enfin te voir.

Tu es là, face à moi. Ton corps me protège du déluge, il est si beau. Les nuages s'écartent assez pour que la lueur de la lune fasse rutiler le saphir de tes écailles. Tes bois semblent plus sombres qu'à notre dernière rencontre. Ah, je peux voir une larme qui glisse de ton œil jaune qui rappelle les fauves. Pourtant, tu n'as rien fait de mal tu sais ? Cela devait arriver un jour. Une de tes griffes ivoire s'approche de moi. Sa chaleur est étrange, mais me tire un soupir de bien-être. Tu caresses lentement ma joue, récupérant les gouttes d'onde. Ma main vient toucher la tienne, t'effleurer, et enfin je te souris.

Mon chignon doit être tout défait, j'aurais préféré être plus élégamment vêtu pour nos retrouvailles ! Je tends le bras et cherche à tâtons mon châle. Tu le remarques et le fait glisser contre mes épaules. J'essaie de parler, de te dire merci, mais la douleur me reprend. Je pensais mon corps devenu trop froid pour avoir mal, et pourtant...

Cette toux, le fluide carmin qui s'en échappe se dépose sur tes griffes. Je ne peux retenir une larme alors que je serre davantage ta patte de ma faible poigne. J'essaie de me redresser, mais tu dois m'aider. Tu me portes avec tellement de délicatesse. Finalement, ma main glisse vers ma ceinture de tissu, devenue rouge. J'arrive à attraper une simple pierre. Je la cachais tout ce temps tu sais ? C'est un présent que je voulais t'offrir. Elle est d'un bleu roi saisissant tu ne trouves pas ? Elle se marie tellement bien à ton corps serpentin. Et ses stries me rappellent la foudre que tu aimes appeler.

Ma personne est heureuse de t'avoir revu, et de t'avoir connu tu sais ? Mes lèvres tremblent, mais ma voix brisée murmure un simple pardon. Je t'avais promis que je resterais avec toi pour toujours : j'ai menti. Il est désormais temps que je ferme les yeux. Je sais que cette pluie qui s'abat, cet orage qui déferle, ce sont tes larmes et tes cris. Mais je t'en prie : ne soit pas trop dur avec eux. Ton chagrin ne doit pas s'éterniser.

Je sens ton corps qui change, tu reprends la forme des hommes pour me serrer contre toi. Et alors que tu hurles, alors que la pluie et les éclairs se déchainent autour de nous, mon dernier souffle est pour toi. Ô grand dragon :

« Yǔ lóng xuè... »

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