L'EDUCATION A L'ANCIENNE

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Avez-vous remarqué l'insupportable espace

Que prennent les marmots dès qu'ils sont dans la place ?

Ils sont en majesté, plus rien n’existe autour,

Et l’on se sent coincé dans cette basse-cour !

Celui-ci par ses cris nous transperce l'oreille,

Alors que les parents nous narrent la merveille ;

Cet autre, plus joueur et déjà familier,

S’en vient tout en rampant nous baver au soulier !

Et très vite on comprend qu’il faut le laisser faire,

Pour ne point s'attirer les foudres de la mère ;

Et même qu’il convient, si l’on veut demeurer,

De plaindre ce Jésus s’il se met à pleurer !

Il ne dit pas un mot que déjà il s’impose,

Edicte ce qu’il veut, et la marche et la pause !

« Certes, me direz-vous, mais il est trop mignon :

Il faut être patient sans se montrer grognon !

Laissez-le s'éduquer à sa main, sans contrainte,

Et vous verrez qu’un jour il cessera sa plainte !

Le temps est révolu qui prétendait dresser

L’enfant par des moyens grossiers et le stresser ! »

Mais qui donc est dressé !... regardez bien qui stresse !...

De l’adulte ou l’enfant, lequel semble en détresse ?

Car depuis tout petit il règle la maison,

Il met tout à son pli, nous dicte sa raison.

Et plus tard c’est pareil : il faut qu’il tienne tête !

Ce que vous proposez, le fatigue ou l’embête ;

Il n’aspire à plus rien, qu’à l’uniformité,

Et ne veut plus entendre une autre vérité !

L’Ecole, au désespoir, libère la parole ;

Pour ne point l’ennuyer, tente des jeux de rôle !

Un bon maître est celui qui l'écoute et se tait,

Sans chercher à tout prix à dire ce qu'il sait !

L’épanouissement est la seule consigne,

Et d’éviter aussi que l’œuvre s’égratigne !

Autre temps, autres mœurs : il nous faut oublier

Les méthodes d’avant, l’encre et le tablier !

Je me souviens pourtant de certaines méthodes

Qui, bien que n’entrant plus aujourd'hui dans les codes,

Par des enseignements économes en mots,

Vous savaient éduquer hommes et animaux !

Permettez donc qu’ici j'évoque les exemples

De quelques beaux fleurons qui décoraient nos temples.

Je pense à la fessée à cet instant précis,

Un modèle apprécié pour son côté concis

Qui, mieux qu’un long discours, résumait d’un seul geste

Ce que vous attendiez que l’on fît sans conteste !

Remède souverain pour mâter le rétif,

(Qui entendait fort bien son mode impératif)

Elle intensifiait la clarté du message :

Pour manger comme il faut, ou se tenir plus sage !

A clore tout débat sitôt un désaccord,

Elle évitait ainsi la parole qui mord,

Lorsqu’à court d’argument l’on produit une bile

Propre à marquer l’enfant d’une encre indélébile !

La méthode, on le voit, n’avait pas que défauts,

Mais elle est parait-il aujourd’hui dans le faux.

Un autre beau fleuron, aussi, se fait la malle :

Le catéchisme et son instruction morale !

Car pour ne point penser à tort et à travers,

Cette pratique avait, par des outils divers,

L’art de bien faire entrer dedans une caboche,

Où se trouve l'honnête, où niche la débauche !

Elle apprenait très tôt à se voir vicieux,

Comme un être imparfait qui peut-être irait mieux

Pourvu qu’il marche droit, toujours en tempérance,

En ne refusant point l’épreuve de souffrance !

Les curés étaient là, postés aux carrefours,

Pour dire le chemin aux aveugles, aux sourds,

Et savaient redresser avec persévérance

Tous les petits malins tentés par l'insolence !

Les curés désormais ont cessé ce combat,

Et redoutent moins Dieu qu’un pesant célibat !

Les siècles d'autrefois avaient cette sagesse

De ne point trop laisser l’enfant dans la paresse

A rechercher longtemps - le regard au plafond -

Par quel art ou quel don combler son moi profond !

L’Ecole a ses vertus, mais qui trop s'y dilate

Regarde avec dédain telle besogne ingrate,

Que l'on savait hier si bien valoriser

Et donner à l'enfant pour le civiliser !

Apprendre un dur métier dès la plus tendre enfance,

En usine, au carreau, selon sa préférence,

Et douze heures par jour, sans l'ennui d'un moment,

Se tenir loin du vice et demeurer content ;

Pratiquer le respect, l’effort, la discipline ;

Vivre en société jusqu’au fond de la mine :

Peut-on imaginer stage plus formateur

Qu'un patron puisse offrir à chacun de bon cœur !

Mais de tous les moyens de former à l’ancienne,

L’onction de l'armée et de son capitaine

N’a pas trouvé d’égal et laisse des regrets

Chez tous les vétérans et les gens de progrès !

Parfois jusqu’à six ans - dans un temps favorable -

Le conscrit de l'an neuf, d’un élan admirable,

Partait s’entremêler dans un casernement,

Pour des échanges forts intellectuellement !

Tout avait la saveur d’un rite de passage,

A l'égal d'un bachot ou d'un dépucelage,

Chaque jour un peu plus le faisait citoyen,

Dans l’âme et dans le cœur, comme on fait un chrétien ;

C'est là qu'il apprenait la bonne obéissance

Auprès de chefs aimés, en marchant en cadence,

Si bien qu’après ce temps d'intense instruction,

Si l’urgence dictait d’abreuver un sillon,

C’est avec les beaux chants appris dans sa caserne

Qu'il s’en allait sauver les gens qui nous gouvernent !

Non vraiment je le dis – et chacun a des yeux -

C'est bien chez les anciens qu'on éduquait le mieux !

L’on savait élever avec un bon dosage

De férule, de temps, d’austère apprentissage,

Et ne s’égarait point à des contritions

En maintes circonstances, sur l'air des lampions !



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