L'ami

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Ace, jadis héritier du royaume des elfes, contempla son ex-vassal, sans y croire.

Près de quatre siècles avaient passés depuis le jour où Alius Landeroche l’avait lâchement vendu à la jeune reine de Froidelande, Lady, éprise de lui. Du fond de son cachot, il l’avait haït, maudit. Tout comme il avait haït et maudit celle qui le retenait captif.

Lady lui rendait visite plusieurs fois par jour et, souvent, même la nuit. Elle le suppliait de lui accorder son amour, lui racontait son enfance, ses rêves. Elle lui lisait aussi souvent des histoires, des contes d’antan narrant des amours impossibles et des aventures épiques. Jusqu’à ce que, n’en pouvant plus, il lui avait hurlé de mourir. Elle portait une robe bleue ce jour-là. Il se souvenait encore de ses mots, les derniers qu’il l’avait entendu prononcer : « m’aimeras-tu si je meurs ? ». Elle était ensuite partie. Le passage s’était refermé derrière elle. Puis, quelques minutes plus tard, il y avait eu des cris. Dans l’espace de sa fenêtre barrée, Ace l’avait alors vue. Une femme aux cheveux roux, vêtue d’une robe bleue. Elle semblait voler dans le ciel ensanglanté de la fin du jour. Mais elle ne volait pas. Le bruit mat qui suivit le confirma.

L’ancien prince aurait aimé dire qu’il n’avait rien ressenti sur le coup. Hélas, tel n’était pas le cas. Son cœur s’était serré à l’idée qu’elle ne viendrait plus le voir. Cela avait été toutefois fugace. Lady n’avait pas dû parler de lui, ni de cet endroit qu’elle affirmait avoir aménagé spécialement à son attention, car personne ne vint plus le visiter.

Privé de nourriture, son corps s’était affaibli et, sans les capacités hors normes des elfes, il serait certainement mort de faim. L’humidité des lieux lui avaient en revanche permis d’étancher sa soif. Le temps avait passé, morne et solitaire. La haine d’Ace s’était évanouie. Seul lui restait le remord. Lady le lui disait souvent. Comment un futur monarque était censé se comporter. Quelles étaient ses responsabilités.

Ironiquement, ce n’était que bien après la mort de cette dernière et après avoir commis tant d’erreurs que son meilleur ami l’avait trahit et abandonné, qu’il avait compris. S’il avait été roi, le pays des elfes aurait sombré. À cause de ses stupides illusions de supériorité, il aurait déclaré une guerre inutile et meurtrière.

Alors, dans les ténèbres de sa prison, il avait trouvé son triste sort juste. Il ne méritait même pas de mourir. Uniquement d’écouler les longues années de son existence ici, à se repentir. Mais voilà que le passage s’ouvrait à nouveau, pour laisser passer le seigneur et ami qui avait voulu le raisonner autrefois, quand son destin aurait pu être différent. Des larmes débordèrent de ses yeux et roulèrent sur son visage, emplissant sa bouche d’eau salée tandis que, dans un murmure, il prononçait son nom :

— Alius…

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