Louis-Patrick s'était réveillé avec une obsession : l'achat d'un peigne. Des jours durant, il tenta.
À vrai dire, il avait essayé plusieurs fois dans les grandes surfaces. Le visage rouge, il détalait au dernier moment devant des caissières amusées par ce drôle de manège. Il y avait cette fois-là aussi, à la caisse automatique. Mais sa carte bleue était coincée dans la machine, et la borne s'était mis à hurler, tout le personnel accourait : agents de sécurité, responsable, un chat et un enfant qui suivait bêtement le mouvement. De peur, il était parti, laissant le précieux sur place en criant comme un porcin.

La calvitie de Louis-Patrick n'avait rien d'exceptionnel. Une calvitie banale. Une tête sans cheveux. Il faut dire que tout le monde s'en fichait. Pas lui.

Depuis que sa femme était partie vivre une nouvelle vie avec son coiffeur. Il fallait que les choses changent. Effectivement, elles changèrent après plusieurs semaines de collecte. Il vola des crins de chevaux, ramassa de petites brindilles, dépiauta des nids d'hirondelles. Il mit tous ses trésors sous un presse papier gigantesque en forme de huche à pain : un cadeau de retraite mémorable. Quelques jours de séchage plus tard, c'était fin prêt. Il fixa le tout avec un fil de sac-poubelle, secoua l'ensemble et le posa sur son crâne.

Ce n'était pas parfait. Mais Louis-Patrick était satisfait du résultat. Il avait des cheveux. Une belle crinière.

Un matin, ou peut-être un soir (on ne sait pas vraiment), il se décida enfin. La démarche sure, le sourire narquois, l'attitude fière, il acheta un peigne dans son centre commercial préféré.
Il fila vers les toilettes, s'enferma dans un des cabinets, et se peigna. Mais il n'avait pas prévu une chose : quelqu'un fumait en cachette dans la cabine voisine. Il n'avait pas prévu un second évènement. De la cendre s'envola et tomba sur sa tête.

Les cheveux de Louis-Patrick prirent feu et son peigne chuta dans les toilettes pleines d'immondices.