Chapitre 1

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Il y a fort longtemps, quand les humains vénéraient encore les dieux et leur destin, je vins au monde. C'était dans les tréfonds de la Terre que je me suis réveillée pour la première fois. Seule. Dans le noir.


~ ~ ~


Je ne voyais rien, plongée dans une noirceur opaque. Aucun bruit, ni même un murmure ne se faisait entendre dans ces abysses.

Je n'étais qu'un simple nouveau-né qui ne savait absolument rien. Ma cécité me faisait découvrir mon premier sentiment : la peur. N'était-ce pas risible de pouvoir en ressentir alors que je n'avais aucune idée de son existence ? Pourtant la terreur était là, présente dans mon cœur. Une légère voix résonnait dans mon esprit, me répétant inlassablement de fuir.

Que devais-je fuir ? Qui étais-je ?


Mes jambes bougèrent de manière instinctive. Je me mis debout, déjà prête à m'enfuir. J'utilisais mes mains pour tâtonner contre les parois rocailleuses qui m'entouraient. Il pouvait arriver à mes pieds de glisser sur le sol fait de pierre brute. Mon corps n'était pas encore à l'aise avec tous les mouvements que je lui demandais de faire, il venait à peine de comprendre comment courir. Bien que je fusse persuadée d'être seule, j'avais la sensation d'être pourchassée. Je me cognais souvent pendant cette fuite désespérée.

Je ne savais pas où était la sortie. Avancer était ma seule option, reculer m'était interdit, ça en valait ma vie. Vie que je venais à peine de gagner.

Mon souffle était saccadé, tranchant et brulant pour mes poumons. Le picotement de quelques éraflures me tenait aux aguets Malgré mes blessures et mon manque d'endurance, je continuais à courir en accélérant la cadence. Quelque chose venait de frôler mon dos. Ma peur n'était pas veine. J'étais la proie qu'on poursuit dans ces cavités plongées dans l'obscurité.


Vite, toujours plus vite.

Se cogner, ignorer la douleur, toujours plus d’impulsions dans les pieds et les mains pour avancer.


CRAQUE. Une de mes jambes venait de me lâcher, coincée derrière un rebord. Je tombai en avant, sans la moindre chance de pouvoir me rattraper. Un grognement sorti de ma bouche, j'étais sur le point de me relever. Soudainement des dents se plantèrent dans ma chair. Mon cri déchira le silence des morts qui régnait en ces lieux.

Plus j'hurlais, plus je ressentais une nouvelle force m'envahir. Cette force m'enroula, tout comme un manteau de lumière, elle me donna du courage. Mon corps rayonnait entièrement, éliminant ainsi les ténèbres qui m'entouraient. Je pus enfin voir le chemin, le seul qui menait à la sortie de cet enfer. Ce fut en boitant que je m'en allai.


Des plaines verdoyantes m'accueillirent de nuit. Mes paupières n'arrêtaient pas de papillonner pour que je puisse mieux voir. Bien que le ciel fût sombre, il resplendissait par la présence des êtres de lumières. Mes sœurs, les étoiles, mon propre peuple. Quelques-unes décidèrent de descendre pour m'accueillir. Je ne m'étais pas effondrée dans leurs bras, je ne fis que de les observer en silence, les laissant s'approcher de moi. J'avais très vite remarqué que leurs pas étaient hésitant, comme si elles avaient peur de quelque chose.

Enfin proche de moi, elles commencent à parler. Il y avait beaucoup de joie dans le ton de leur voix, elles étaient très heureuses de me voir en vie. Je les regardais en train de verser des larmes de soulagement, elles m'étaient destinées. Sans trop savoir pourquoi, je leur fis une accolade pour taire leurs pleurs.

Des questions me vinrent, je voulais savoir ce que nous étions, à quoi nous servions dans ce monde, notre but. Ce fut le silence qui me répondit en premier. Je venais d'installer un malaise sur leur visage. Pourtant ça n'était pas bien compliqué de répondre, elles devaient le savoir. L'une d'elles s'était détachée du groupe pour s'approcher et m'expliquer.


En m'installant auprès d'elles dans le ciel, elle me raconta notre histoire à nous les étoiles. Notre naissance dans les enfers était dû à un pacte entre le Dévoreur et notre mère, la Lune. Pour qu’il ne s’en aille pas s'attaquer aux humains, notre mère nous mettait en jeu en nous laissant naître dans le repaire de l’ennemi. Soit nous pouvions résister, soit nous mourions entre ses griffes. J'étais l'une des quelques survivantes. Pendant que nous parlions, d'autres de nos sœurs devaient être en train de mourir.

J'eus du mal à l'accepter. Je venais à peine de voir le jour et j'avais déjà dû me battre pour survivre. Alors que je remettais tout en question, notre mère vint nous saluer. Elle me souhaitait la bienvenue dans le ciel en tendant ses bras vers moi, prête à me prendre contre elle. Un pas en arrière et je n'étais plus à sa portée. Mes sœurs chuchotèrent, choquées par mon comportement. Je venais de rejeter notre créatrice.


"Tu es bien présomptueuse mon enfant, que t'arrive-t-il ? me demanda la Lune en haussant un sourcil.

_ Je vous prie de m'excuser, ô grande Lune, mais je ne peux accepter l'accolade de celle qui ne m'a pas protégé.

Les autres étoiles s'étouffèrent devant mes propos déplacés. Une des plus anciennes voulu s'excuser pour moi, plaidant la jeunesse en ma faveur, mais la Lune la coupa. La reine de la nuit se tourna de nouveau vers moi.

_ Je vois que ma nouvelle fille est téméraire, ta lumière est bien vive, je comprends comment tu as pu t'en sortir. Tu devrais être fière d'avoir réussi à t'enfuir de chez ce monstre. Tu mérites ta place parmi tes sœurs et moi-même.

_ J'accepte ma place dans le grand ciel, pas votre pacte, rétorquais-je en commençant à redescendre vers la Terre.

Sa main attrapa mon épaule pour m'arrêter.

_Et que comptes-tu faire jeune étoile ? Tu vas retourner là-bas ? L'affronter ?

_Cela ne devrait pas vous inquiéter, puisque vous perdez vos filles sans même intervenir, vous êtes une habituée mère."


La Lune perdait patience. Elle m'ordonna de ne plus retourner sur Terre, que c'était un ordre de la reine. Je n'avais pas d'autres choix que d'abdiquer à sa demande, les autres étoiles étaient de son côté.

Elles brillaient dans le ciel, si proche des unes et des autres, tandis que moi je m'étais éloignée du groupe. Je ne pouvais rester proche de la Lune, j'étais trop révoltée pour apprécier sa présence dans le ciel. J'attendais le moment propice pour retourner dans cet endroit et aider celles qui pouvaient encore l'être. Mon regard se perdait souvent vers la Terre, avec la terrible impression d'entendre leurs cris de désespoir.

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