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Alors ? BRAVO ! Tu as gagné le Prix Bien-Être, peut-être pas celui que tu ambitionnais au début, mais qui sait ?

Rappelle-toi. Tu étais cette prof agaçante, obsédée par sa solitude, ses insomnies et ses rêves de plénitude. Tu te saoulais au rescue (et parfois au péket) en ruminant une ritournelle de plaintes égotiques. Ton dévouement à un père infirme ressemblait plus à un prétexte pour entretenir ta morosité quotidienne qu’à une relation bienveillante. Ta complaisance et ton insatisfaction chronique te lassaient, toi et tes proches. Pourtant rien ne te lassait de ta lassitude…

Oui, le Prix Bien-Être t’a sauvée ! Ta folle et soudaine prétention d’écrire et publier un roman à succès a été le déclencheur d’un changement radical. Te rappelles-tu pourquoi tu voulais gagner ? Non ! Tu as été submergée par une certitude, à la fois arrogante et joyeuse. Au fond, n’était-ce tout simplement pas un réel appel au changement ?

Car c’est grâce à ce projet désespéré que tu as pris ta voiture un samedi pluvieux de décembre pour te rendre à la librairie. Au cœur de la noire forêt ardennaise, tu as percuté Vasile que le destin a ensuite conduit dans ton jardin. Sans hésiter, tu l’as nourri et hébergé. En le conduisant à l’autoroute, tu as croisé le chemin de Quentin et Zora qui t’ont menée au camp des « trans-migrants ». La découverte de cette misère t’a ébranlée plus que tu ne le croyais encore possible. Ce trouble a initié un changement salvateur. Après avoir d’abord accueilli Jemal et Kidane, puis Mohammed et Badis, tu as finalement rencontré Zohal et Nazir. Le désespoir de cette maman, la soif d’apprendre de son fils, leur précarité absolue t’ont forcée à t’engager.

Le plus beau, quand tu y repenses, c’est que ce choix de les aider t’a aussi rapprochée de ton frère avec qui tu ne partageais plus aucune connivence. Maxime vous a trouvé un avocat d’exception, disposé à vous aider (et bientôt à t’inviter au restaurant). Maxime a partagé avec toi cette folle journée à Calais, il t’a consolée, soutenue, aidée. Et la meilleure, c’est que Déborah t’a remerciée ce matin d’avoir suscité un tel changement chez ton frère…

Aujourd’hui, Georgette, l’aide-soignante, t’appelle par ton prénom, te tutoie et t’embrasse matin et soir. Rita, ton énergéticienne, te dit que ton aura a changé de couleur. Tes collègues organisent une fête pour te féliciter. Ton père a les yeux plus vifs. Quant à Vasile, il n’a pas changé. Et c’est parfait comme ça.

Et même si tu es « juste » une prof de math, tes cours de littérature t’ont laissé quelques souvenirs appréciables. Quand le T devient D… Reliras-tu Camus pour trouver la formulation exacte de cette belle idée qui correspond à l’expérience que tu viens de vivre ? L’homme solitaire face à l’absurde de la vie ne trouve sa rédemption qu’en devenant solidaire des autres humains.

Alors oui, tu vas l’écrire ton roman Bien-Être, un jour, demain, après-demain. Oui, oui, mais d’abord, tu te ressers un verre de ce délicieux Bourgogne et tentes, toi aussi, de formuler quelques compliments bien balancés à ce coquin de maître Pontus.

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