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Nazir et toi rejoignez Maxime sur le bord de la route. La démonstration exubérante de sa joie vous autorise à y croire. Vous rugissez. Vous mugissez. Vous riez. Vous pleurez. Des voitures ralentissent pour observer votre cirque. Certains klaxonnent. Tu te remémores brièvement ton agacement de décembre devant la liesse des supporters de football. Maxime pousse un dernier hourra. Tu y ajoutes un puissant Wééééééééééé !

– Ah que ça fait du bien ! Je jure solennellement que je me rappellerai de ce moment miraculeux sur mon lit de mort.

Tu penses « moi aussi ».

Et tu penses aussi aux trente-cinq corps repêchés. « Corps »… Que l’usage de ce mot est détestable quand il signifie l’absence de vie. Un corps, ça exulte, ça vibre. Ça vit. Un corps n’est pas un cadavre !

Le trajet retour vers Coquelles et sa clinique semble interminable. Tu te pinces souvent le poignet, comme dans « Pince-moi, je rêve ». Tu souris en dodelinant de la tête. C’est vrai, hein ?

Nazir se rendort.

Évidemment, les choses se compliquent un peu à votre arrivée. Vu l’état d’hypothermie avancée dans lequel elle a été repêchée, Zohal doit rester hospitalisée encore plusieurs jours.

Les retrouvailles se passent sous contrôle médical. Interdiction de se lever, même de s’asseoir.

Nazir s’agenouille au pied du lit de sa maman, répétant « Mour ». Tu t’assois sur le lit et lui caresse la joue. Et tu guettes ses yeux, son visage, ses expressions. Elle te semble présente. Pas du tout dissociée comme en d’autres occasions. Elle habite son corps bien vivant ! Étonnamment plus qu’auparavant. Et elle te regarde. Avec ses yeux extraordinaires.

– Merci Françoise. Je désolée.

Tu n’arrives pas à répondre « Ce n’est rien ». Tu murmures :

– J’ai eu tellement peur. Je vous aime, toi et Nazir. Je vous aime tellement !

Le visage de Zohal s’éclaire : ta déclaration la surprend, mais tu sens qu’elle l’accepte. Oui, dans ce pays qui lui a refusé l’asile, il existe une professeur de mathématiques solitaire qui les aime, elle et son fils. Qui les aime vraiment. Et c’est bon. Et c’est bien. Et c’est juste.

– Merci. Nous aussi aimer toi.

L’émotion est charnelle. Maxime se mouche bruyamment.

Même les infirmières versent leur petite larme. Avant de vous chasser. Leur patiente doit absolument se reposer.

Tu appelles Étienne Pontus, toujours occupé au tribunal, et laisse un message exalté sur sa boîte vocale.

« Elle est vivante ! On l’a retrouvée ! Merci Étienne ! (Il n’y est pour rien.) Merci la vie. »

Tu appelles la garde-malade, elle tient le téléphone près de l’oreille de ton père, Nom de Dieu.

Tu ris seule en marchant dans les couloirs de la luxueuse clinique. Tu souris aux patients en brancards, aux infirmiers pressés, aux visiteurs inquiets. Tu souris comme quelqu’un qui vient de vivre un miracle, d’assister à une résurrection.

Le drame survenu il y a deux nuits est toujours aussi affreux, mais les tiens – oui, les tiens – sont sauvés.

Tu ne les laisseras pas tomber, jamais.

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