_5, déduction

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« Je dirais qu'il faut beaucoup de bravoure pour affronter ses ennemis, mais qu'il en faut encore plus pour affronter ses amis » ( Dumbledore, Harry Potter. ) Je rajouterais qu'il en faut encore plus pour s'affronter soi-même.

La semaine dernière, j'avais laissé ma lettre dans le Livre. Je n'avais pas cessé de ruminer sur l'idée qu'Evan me réponde. Si c'était le cas, que fallait-il que je fasse ? Parfois, ce serait bien plus pratique si on avait une notice où toutes les réponses à toutes les questions serait écrites. Mais certaines fois, la réponse est si évidente pour tant de monde qu'on ose même pas les poser. Par exemple, jamais on ne m'aurait prise au sérieux si j'avais un jour demandé comment on répond à quelqu'un qui vous salue. La chose est si évidente... Pourtant ça m'aurait aidé moi. J'ai toujours l'impression d'être la seule à me demander telle ou telle chose, à avoir peur quand on me regarde, tant de petites choses me rendent si bizarre, si esseulée, et si haineuse envers moi-même.

Par exemple, j'avais fait plusieurs crises de stress et ma psychologue s'était énervée contre moi car je ne faisais pas attention à réguler mes émotions. Ce qu'elle ne comprenait pas c'est que moi, je m'en moquais de faire des crises d'angoisse. Non, ce qui m'embêtait, c'est que j'avais envie de savoir si cet Evan allait me répondre. Or :

Envie = attente ; attente = temps ; temps = vivre.

Sauf que, je refuse catégoriquement de vivre.

On m'avait prescrit de nouveaux médicaments. Plus forts donc plus dangereux. Avec ça, j'étais sûre de ne pas survivre si je dépassais le nombre de pilules indiquées. Les gens sont idiots : comment peut-on donner des médicaments létales à des personnes en dépression avec un penchant pour le suicide ? Ce sont eux qu'il faut enfermer ! On ne peut pas faire ça la conscience tranquille. A moins que ce soit encore moi qui ne voit pas le monde comme il faut... En tout cas, avant d'utiliser ces pilules mortelles je voulais me rendre une dernière fois à la librairie.

Je me lève en sueur. Mes cauchemars, de plus en plus oppressants, rendaient mes nuits impossibles. Je me rends tôt au magasin. Je veux en finir. Il y a du monde dans le rayon. Je m'avance, raide comme un piquet. Je sens une goutte se former sur ma nuque et qui me chatouille en glissant sur mon dos. Je saisis le Livre sur l'étagère. Je l'ouvre fébrilement et tombe sur une lettre. Le papier est blanc : ce n'est pas ma lettre, j'avais écrit sur une copie. Il y a une vieille femme à côté de moi très envahissante. Je me sens mal alors, je m'empare de la lettre, replace le Livre, et me sauve vers un endroit plus calme.

Je déplie le papier. Le message est rédigé de la même écriture que la dernière fois.

« Emilie;

Maëlle m'a dit que tu ne venais que le lundi. Je viendrai le mardi. D'après ce que j'ai compris, tu ne parles pas au autres, j'espère qu'écrire ne te dérange pas. Je suis en train de faire des études scientifiques ( tu t'en fous certainement, c'est pour lancer un sujet ). Peux-tu me parler de toi ? J'aimerais apprendre à te connaitre.

Evan »

Je me demande toujours si c'est vraiment à moi qu'il s'adresse. Pourtant, il y a tellement de concordance... Je ne veux pas lui répondre. Malgré tout, je me surprends à lui rédiger une lettre. Je demande timidement de quoi écrire à Maëlle et je suis surprise qu'elle comprenne. Je m'attelle à ma difficile tâche.

Finalement, après m'être battue contre mes voix intérieures, je parviens à sortir une réponse :

« Evan,

Effectivement, je ne viens que le lundi. Le mardi j'ai rendez-vous avec ma psychologue. Je n'ai pas grand-chose à dire sur moi. Petite, je voulais être princesse. Plus tard, j'ai voulu être écrivaine ( d'ailleurs, écrire me va beaucoup mieux que parler, ça ne me pose aucun problème). Puis j'ai fini par vouloir être morte. Je te souhaite de réussir dans tes études. Tu es bien le seul à vouloir me connaître mais ne t'attache pas trop à moi. La vie finira vite par se lasser de me faire souffrir.

Emilie »

Je trouve ma lettre trop longue et niaise. Après avoir trouvé un livre, je glisse le mot entre les pages du bouquin « le bleu de tes mots ». Je passe à la caisse. Peut-être devrais-je lire un exemplaire de ce Livre.

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