Chapitre 1

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Élise s'ennuyait.

Un luxe que seuls les riches pouvaient se permettre depuis que la Friche avait engloutie les trois quarts du monde. Elle savait qu'il était indécent dans ce monde où elle avait vu le jour de n'avoir rien à faire, mais il n'y pouvait rien : elle se sentait désœuvrée. Son regard se perdit au loin. Vers ce lointain où on observait par delà les immenses serres défendues bec et ongles par ses parents où se tenait à plusieurs kilomètres, la Friche qui terrifiait l'espèce humaine.

Cette Friche contre laquelle se battait ses parents en l'incendiant fréquemment et en purifiant l'air des serres sans cesse. Cette Friche qui ressemblait à une étrange forêt aux couleurs pastelles aussi belle que mortelle et qui s'était rependue sur la surface de la Terre en à peine un an, tuant les trois quart de l'espèce humaine mais épargnant quelques endroits comme la ferme de ses parents à cause d'un certain agencement des vents. Elise savait qu'elle avait de la chance d'avoir pu naître dans ce monde qui devenait de plus en plus dangereux de jours en jours. La jeune fille accoudée à sa fenêtre savait qu'elle ferait mieux de profiter de ce cadeau qu'est la vie pour aider au mieux ses parents à la ferme.

Mais elle n'en avait plus envie. Elle trouvait cette vie calme et tranquille d'un ennui mortel. Quoiqu'il arrive, elle et ses parents avaient suffisamment de réserve dans leur bunker sous terrain pour tenir des années entières. Cette vie sûre et monotone n'avait rien d'excitant mais elle savait que beaucoup aurait tout donné pour être à sa place. Avoir une vie rangée et sans danger, beaucoup en rêvait. Mais pas Elise. Elle rêvait d'aventure. Elle rêvait de voir le monde. Elle rêvait de pouvoir voir une fois de ses propres yeux la Friche. Bien qu'une seule inspiration dans l'une de ces forêt mortelles rongerait ses poumons en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, la jeune fille était fascinée par celle-ci. Elle la trouvait belle, dangereuse, fascinante. Elise était autant intéressée par la Friche que par les temps anciens. Elle s'amusait souvent à imaginer à quoi pouvait ressembler la vie avant la Friche. Ses parents n'en parlaient jamais. Trop dur. Trop douloureux. Ils ne voulaient pas se souvenir de cette époque où la vie était si simple, si facile. Où l'on ne craignait pas à chaque instant pour sa vie.

Elise le comprenait. Mais sa curiosité faisait qu'elle haïssait également cette décision de ses parents de ne plus parler des temps précédent la Friche. La jeune fille passât doucement ses doigts sur la vitre de verre légèrement bombée de sa chambre. Elle était assise sur la marche devant la fenêtre de celle-ci et observait de loin ses parents s'activer sous les cloches de verre des serres. Soudain, une tâche détonante au milieu des herbes vertes attira son attention. Elle plissa les yeux, cherchant ce que cela pouvait bien être. Ne parvenant pas à discerner de quoi il s'agissait, elle se précipita sur le tiroir de son bureau et en sortit un télescope que son père lui avait cédé. Un objet qui provenait de l'époque d'avant la Friche. Son trésor. Elle orienta l'objectif vers la tâche et un visage humain parvint à ses rétines. Il était caché par un masque à gaz à cartouche et avançait péniblement. Sur son dos, la silhouette portait un énorme sac. Sur ses hanches, la silhouette portait d'un côté une sacoche hors norme qui touchait presque le sol et de l'autre un objet étrange et allongé qu'Elise ne parvenait pas à distinguer. Elise sentit une poussé d'adrénaline monter en elle.

Un voyageur !

Cela faisait si longtemps qu'elle n'en avait pas vu un ! Le dernier que ses parents avaient reçu à la ferme était un marchand de vêtement, et cela datait d'il y a deux ans. Elle abandonna son télescope et se rua dans les escaliers. Il fallait qu'il fasse une halte chez eux. Il fallait qu'il vienne lui parler du monde, qu'il lui montre les objets fabuleux que contenaient ses deux énormes sacs. Il fallait qu'il lui apporte de la nouveauté dans son petit monde bien rangé. Mais au delà de tout cela, il fallait que lorsqu'il repartirait, il l'emmène avec lui.

Elise courut dans le corridor qui menait au serre. Elle arriva devant la porte de celles-ci, saisi un des masques à gaz suspendus sur un porte manteau, le mis maladroitement sur son visage et ouvrit précipitamment le sas menant aux plantation. Une fois celui-ci franchi, elle s'écria :

  • Maman ! Papa ! Un voyageur arrive par ici ! Pouvons nous l'accueillir ? S'il vous plaît !
  • Un voyageur ? avait réagit du tac au tac son père. Tu es sûre ? Ce n'est pas un pillard ?
  • Non, il est seul avec de gros sacs. C'est peut-être un marchand ?

Son père avait lentement enlevé ses épais gants de travail. Il savait l'inclinaison de sa fille pour le monde extérieur. Ce monde dangereux qui s'étendait au delà de la ferme. Bien sûr, il ne la laissera jamais partir. Pourquoi partir alors que la ferme marchait si bien ? Alors que chez eux ils pouvaient avoir un œil sur elle ? Ils avaient besoin d'elle ici. Ils avaient besoin d'un être à chérir et protéger. C'était pour cela qu'ils l'avaient enfantée malgré l'état dans lequel se trouvait le monde.

  • Allons donc l'accueillir, part devant, je te rejoins, avait-il dit avec un sourire sous le regard désapprobateur de sa femme.

Il regardât sa fille repartir en courant en direction de la porte d'entrée. Elle allait hisser le drapeau vert, signe qu'ils acceptaient de voir le voyageur qui approchait.

  • Nous ne devrions pas accepter que notre fille soit en contact avec l'extérieur, fit sa femme rondelette en arrachant sèchement une poignée de mauvaises herbes.
  • Je vérifierais l'état de ce voyageur dans le sas d'entrée, ne t'en fais pas. Il ne franchira pas la porte s'il est infecté. Ne t'en fais pas.
  • Ce n'est pas les bactéries qui m'inquiète. C'est les idées qu'il pourraient semer dans l'esprit de notre fille, répliqua du tact au tac d'un ton singlant la mère d'Elise.

Le père d'Elise soupira. On ne changera pas sa femme. Ni sa fille d'ailleurs.

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