Vivre dans la rue, c'est vivre selon des règles tacites.

Des règles qui diffèrent souvent de celles de la société.

De la normalité.

Mais ce sont des règles primordiales.

Ou on est sûr d'y rester.

La première des règles est qu'il faut fermer sa gueule.

Celle-là, Fanny l'avait apprise à grands renforts de gifles.

Mais elle l'avait bien comprise maintenant.

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Fatou était une femme exceptionnelle.

Une femme noire et fière de l'être.

Une femme qui avait connu des hommes et qui avait connu l'amour.

Une femme qui avait perdu des hommes et qui avait perdu l'amour.

Une femme qui savait rester encore droite sous l'orage.

Et qui avait un merveilleux sourire.

Fatou Oumarou.

Elle secouait les femmes venues passer quelques heures au chaud dans le local de l'association.

Elle riait et racontait les derniers ragots.

" Maria est retournée chez son mari. Il a intérêt à se tenir à carreau celui-là ou je viendrai moi-même lui casser la gueule. Chacun son tour. "

" Emma est partie. Disparue. J'ai peur pour sa petite. Elle est pas bien grasse, l'Emma. Sa petite non plus. Je vais la retrouver et lui passer un de ces savons !"

Et Fatou riait en annonçant ces terribles nouvelles.

On secouait la tête, on riait avec elle.

Mais c'était de terribles nouvelles.

" Aminata est morte. Son frère l'a retrouvée et lui a fait la peau. Ils l'ont renvoyé au pays, qu'ils ont dit. La gueule brûlée à l'acide, sans doute."

" Et Alexia ?," demanda doucement Fanny.

Fatou regarda longuement cette nouvelle recrue de l'association et son sourire éblouissant revint.

" Alexia ? Qui connaît une Alexia ?

- Ben. La dernière fois. Elle était avec une vieille dame. Elles discutaient. Alexia allait faire une connerie selon la vieille..."

Fatou riait et lançait à la cantonade :

" Je ne connais pas d'Alexia. Mais je connais une Alexandrine. Jolie comme un coeur mais sans pognon. Elle fait le tapin rue de la Grange-au-Loup."

On riait.

" Avec des yeux noirs ?," rétorqua froidement Fanny.

Fatou approuva et se mit à rire, en partant vers un autre groupe.

Les discussions reprirent de plus belle et évoquèrent d'autres femmes et d'autres drames.

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La première des règles est qu'il faut fermer sa gueule.

Celle-là, Fanny l'avait apprise à grands renforts de gifles.

Mais elle l'avait bien comprise maintenant.

Fatou aussi la connaissait bien.

Jamais, elle ne parlerait d'une camarade en difficulté sans l'accord de celle-ci.

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" Anthéa, chante-moi : il pleut sur Nantes..."

Et Anthéa chanta.