900 euros

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Son frère était un con.

Ce fait était clairement établi depuis des années.

Son frère était un con de première.

Et il la faisait royalement chier depuis des années.

Il était l'exact contraire de tout ce qu'elle était.

Un homme beau, grand, intelligent, fin et racé. Un homme qui avait réussi sa carrière professionnelle, un homme riche et admiré. Un homme charmant, marié avec une femme toute aussi charmante, avec deux enfants particulièrement charmants.

Bref, un con.

Et en plus, pour couronner le tout.

Un homme qui avait TOUJOURS raison.

Car, elle devait se l'avouer. Sa vie à elle était loin d'être une réussite. Elle était toujours sur la brèche, cherchant du fric pour ses cigarettes, pour sa bouffe, pour son logement, pour ses fringues..., pour ses doses... Une vie de merde !

Volontaire ? Pas forcément, mais elle se complaisait dans cette médiocrité aujourd'hui. Comme le disait son frère.

Comme le disait sa mère.

Comme le disait son responsable à Pôle Emploi.

Fanny Guidez, vous vous complaisez dans la médiocrité !

Et elle baissait la tête pour acquiescer poliment. Comme au collège. On ne montre pas ses yeux aux profs, c'est mal poli. On écoute et on se tait. On fait des efforts. On prend exemple sur son frère...

S'ils avaient su. S'ils avaient su, tous, à quel point elle avait rêvé de tous les cramer dans leur foutu bahut... Ils l'auraient fait enfermer.

Son frère était un con.

Bon. Maintenant que ce constat était clairement établi, il fallait aller de l'avant.

M. Roland Guidez, élégant chargé de clientèle et de leurs placements boursiers à la banque ***, avait gentiment offert un cadeau à sa petite sœur pour ses vingt ans. Un téléphone portable à 900 euros !

Elle en avait été ébahie. 900 euros ??? 900 euros !!! 900 putains d'euros ?!!

Alors qu'elle galérait pour manger !

Elle avait été tellement estomaquée par le prix et l'objet qu'elle n'avait même pas réagi. Elle avait regardé son frère, si beau dans son costume de prix, lui expliquer le fonctionnement de l'engin. Son intérêt pour être joignable à tout moment. Se trouver du boulot. Parler... Bref, vivre ! Il lui payait même un forfait mensuel, sans mentionner le tarif. Il ne voulait pas l'affoler. Il souriait, le grand frère, fier de lui d'avoir trouvé cette idée, content de pouvoir soutenir sa sœur de cette façon détournée.

Et elle l'avait contemplé sans répondre, abasourdie par le prix, 900 euros, et par le fait que son frère était vraiment à mille lieues de comprendre la vie qu'elle menait.

Il s'était même fâché devant son apathie.

Son frère si bon pour elle. Il s'était fâché et était parti en claquant la porte, maugréant contre sa sœur, incapable de dire merci.

Il était parti.

La laissant seule avec un téléphone portable, neuf, dans les mains, des écouteurs, un cordon de recharge et même une batterie portative.

Et elle avait contemplé tout cela avec une moue horrifiée.

900 euros !

Cela en faisait des boîtes de raviolis !

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