Exode 21 à 23 – Les Lois de moindre importance

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Nous avons notamment vu dans le chapitre précédent, la présentation des dix lois primordiales édictées par Dieu regroupées sous l’appellation de Décalogue et qui se conclut par quelques lois subsidiaires. Cette décomposition est somme toute plutôt arbitraire, car d’une part elle n’apparait pas dans le texte et d’autre part, les trois chapitres suivants sont eux aussi, exclusivement composés d’énoncés de règles divines. Bien sûr, puisqu’entre le chapitre intégrant le Décalogue et les trois suivants, les thèmes abordés vont du général au particulier, nous pouvons déduire une forme de priorisation dans cet ensemble.

De manière non linéaire, plusieurs thèmes sont abordés, permettant tout à la fois d’appréhender les mœurs de l’époque et les préoccupations principales de l’Éternel.

Parmi celles-ci, l’esclavage et sa pratique (courante) sont en bonne place. Nous pouvons comprendre que puisque l’esclavagisme est normalisé, il y a fatalement des contraintes à respecter. Ainsi, nous apprenons dans ces textes, qu’un maitre peut revendiquer les enfants qu’un esclave aurait eus si son épouse lui a été fournie par ses soins. Nous découvrons qu’il n’est pas autorisé, pour un maitre de tuer (à coups de bâton du moins) son propre esclave. Si cela devait arriver, l’auteur des faits devrait être puni (sans que l’on sache de quelle manière). Toutefois, la suite permet de rééquilibrer un peu la relation entre le maitre et son bien, puisque si l’esclave qui a été frappé « […] survit un jour ou deux, le maître ne sera point puni; car c'est son argent. ». Paradoxalement, le texte indique qu’il est possible d’acheter des esclaves qui sont eux-mêmes hébreux, (soit d’autres membres du peuple élu) mais il n’est pas précisé dans quel contexte cela peut se produire. En effet, nous apprendons ultérieurement que « dérober » un homme pour le revendre est passible de la peine de mort. Toutefois, un homme peut vendre en esclavage sa propre fille. Si cette dernière n’était finalement pas au gout de l’acquéreur, celui-ci pourrait la revendre à son tour (mais pas à des étrangers).

Apparaissent également des règles qui régissent l’organisation familiale. La polygamie est érigée en norme légale, mais l’heureux mari doit veiller à traiter équitablement ses différentes épouses. En sus, sous un format qui ressemble à un décret d’application du cinquième commandement, nous apprenons que le fait de maudire ou de frapper ses propres parents est puni de mort. Enfin pour que ces aspects soient clarifiés, Dieu annonce que « Si un homme séduit une vierge qui n'est point fiancée, et qu'il couche avec elle, il paiera sa dot et la prendra pour femme. / Si le père refuse de la lui accorder, il paiera en argent la valeur de la dot des vierges. » Enfin, pour ce qui est de la condition féminine, Dieu avertit qu’ « Il n'y aura dans ton pays ni femme qui avorte, ni femme stérile. » Cette annonce qui établit un parallèle entre l’interdit de l’avortement et la promesse d’une fertilité féminine, associée à la possibilité de vendre ses filles en esclavage, participeront activement (et pour longtemps) à une certaine conception de l’épanouissement des femmes selon Dieu.

Viennent après le traitement des litiges qui peuvent se produire entre hommes libres. Certaines règles servent de compléments aux dix commandements préalables, car sur ce passage nous disposons à présent des châtiments prévus pour certaines infractions. Ainsi il est précisé que « Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort. » ou « Celui qui dérobera un homme, et qui l'aura vendu ou retenu entre ses mains, sera puni de mort. » C’est dans ce passage qu’apparait la fameuse « Loi du talion » qui dans le texte prend appui sur une situation assez particulière (mais qui était possiblement récurrente à l’époque) ; « Si des hommes se querellent, et qu'ils heurtent une femme enceinte, et la fasse accoucher, sans autre accident, ils seront punis d'une amende imposée par le mari de la femme, et qu'ils paieront devant les juges. / Mais s'il y a un accident, tu donneras vie pour vie, / œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, / brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »

Nous voyons ici, que bousculer accidentellement une femme enceinte lors d’un différend entre hommes, n’est logiquement pas considéré comme intentionnel. C’est la gravité des conséquences de l’accident qui sert de base au jugement et non l’intentionnalité de l’acte. C’est aussi le cas pour ces versets qui expliquent que ; « Si des hommes se querellent, et que l'un d'eux frappe l'autre avec une pierre ou avec le poing, sans causer sa mort, mais en l'obligeant à garder le lit, / celui qui aura frappé ne sera point puni, dans le cas où l'autre viendrait à se lever et à se promener dehors avec son bâton. »

Mais la législation divine n’est pas systématiquement basée sur les conséquences d’un acte et différents cas de figures sont exposés (dont certains sont partiellement contradictoires entre eux). Notamment certaines lois de l’Éternel opèrent une distinction entre un acte commis de manière intentionnelle ou accidentelle. Ainsi ; « Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort. / S'il ne lui a point dressé d'embûches, et que Dieu l'ait fait tomber sous sa main, je t'établirai un lieu où il pourra se réfugier. » Dans cette formulation, il est normal d’absoudre le meurtrier, qui n’est finalement pour rien dans la mort de son opposant car il est dit qu’il s’agit en fait d’une décision divine (ce qui peut être commode). Nous noterons que paradoxalement, lorsque la femme enceinte accouche après avoir été bousculée, Dieu ne semble pas être responsable de cette issue pourtant incertaine…

Une autre règle légiférant l’homicide éclaire une situation particulière d’une autre manière encore ; « Si le voleur est surpris dérobant avec effraction, et qu'il soit frappé et meure, on ne sera point coupable de meurtre envers lui; / mais si le soleil est levé, on sera coupable de meurtre envers lui. » Nous observons que parfois, la peine encourue n’est ni liée aux conséquences, ni à l’intentionnalité de l’action, mais au fait (manifestement fondamental) qu’il fasse jour ou nuit.

La relation à Dieu est également présente, puisque certaines règles sont des précisions relatives aux trois premiers commandements du Décalogue ; « Celui qui offre des sacrifices à d'autres dieux qu'à l'Éternel seul sera voué à l'extermination. » « Tu ne répandras point de faux bruit. Tu ne te joindras point au méchant pour faire un faux témoignage. » « Tu ne maudiras point Dieu ». « […] vous ne prononcerez point le nom d'autres dieux: qu'on ne l'entende point sortir de votre bouche. » Deux règles spécifiques sont des extensions du quatrième commandement (et des premiers chapitres de la Genèse) ; « Pendant six années, tu ensemenceras la terre, et tu en recueilleras le produit. / Mais la septième, tu lui donneras du relâche et tu la laisseras en repos […] » et « Pendant six jours, tu feras ton ouvrage. Mais le septième jour, tu te reposeras, afin que ton bœuf et ton âne aient du repos, afin que le fils de ton esclave et l'étranger aient du relâche. »

Une autre série de lois concerne les règles de propriété et de responsabilité vis-à-vis du bétail ou des cultures. Bien qu’on puisse en saisir l’intérêt à l’époque biblique, ces énoncés sont plutôt spécifiques et peinent à trouver un écho dans nos sociétés actuelles. Ainsi, « Si un bœuf frappe de ses cornes un homme ou une femme, et que la mort en soit la suite, le bœuf sera lapidé, sa chair ne sera point mangée, et le maître du bœuf ne sera point puni. / Mais si le bœuf était auparavant sujet à frapper, et qu'on en ait averti le maître, qui ne l'a point surveillé, le bœuf sera lapidé, dans le cas où il tuerait un homme ou une femme, et son maître sera puni de mort. / Si on impose au maître un prix pour le rachat de sa vie, il paiera tout ce qui lui sera imposé. / Lorsque le bœuf frappera un fils ou une fille, cette loi recevra son application; / mais si le bœuf frappe un esclave, homme ou femme, on donnera trente sicles d'argent au maître de l'esclave, et le bœuf sera lapidé. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour ce cas de figure, que ce soit dans la description de la situation ou dans la punition à infliger, l’Éternel sait parfois être très précis.

D’autres consignes sont des redites des transmissions divines préalables au Décalogue ; « Tu ne différeras point de m'offrir les prémices de ta moisson et de ta vendange. Tu me donneras le premier-né de tes fils. / Tu me donneras aussi le premier-né de ta vache et de ta brebis; il restera sept jours avec sa mère; le huitième jour, tu me le donneras. » « Trois fois par année, tu célébreras des fêtes en mon honneur. / Tu observeras la fête des pains sans levain […] Tu observeras la fête de la moisson […] et la fête de la récolte ». Cette série d’édit, régissant le rythme des fêtes récurrentes, concerne naturellement la Paque juive, nommée ici, la fête des pains sans levain. À contrario, les deux autres fêtes sont des nouveautés (du point de vue des demandes divines) et paraissent davantage être une forme de « récupération » des fêtes païennes rituelles que célèbrent la plupart des peuples pratiquant l’agriculture.

Quelques Lois ne sont pas seulement des interdits, mais des obligations relatives à la vie en société. Telles que « Tu ne maltraiteras point l'étranger; […] / Tu n'affligeras point la veuve, ni l'orphelin. » assorties du châtiment associé ; « Si tu les affliges, […] / ma colère s'enflammera, et je vous détruirai par l'épée; vos femmes deviendront veuves, et vos enfants orphelins. » Pour la première fois du Pentateuque, comme une justification à ces Lois spécifiques, Dieu affirme [j’entendrai les cris des personnes persécutées] « car je suis miséricordieux. » Il n’est pas justifié à ce stade d’adopter cette observation en l’état. Pour le moins, nous pouvons retenir que Dieu affirme être miséricordieux, mais selon sa propre échelle de valeurs.

Certaines règles sont difficiles à classer et se rapportent à des situations relativement peu courantes, (mais qui ont le mérite d’être traitées) telles que ; « Tu ne laisseras point vivre la magicienne. » ou « Quiconque couche avec une bête sera puni de mort. » ou bien, « Vous ne mangerez point de chair déchirée dans les champs: vous la jetterez aux chiens. » ou encore « Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne égaré, tu le lui ramèneras. » Enfin, Dieu énonce deux Lois qui semblent avoir été souvent adaptées ou contournées « Si tu prêtes de l'argent à mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras point à son égard comme un créancier, tu n'exigeras de lui point d'intérêt. » et « Tu ne recevras point de présent; car les présents aveuglent ceux qui ont les yeux ouverts et corrompent les paroles des justes. » Bien sûr, il est néanmoins possible pour observer ces règles, de ne pratiquer l’usure qu’auprès des étrangers, ou de recevoir un cadeau en veillant à garder les yeux fermés.

Dieu conclut son long monologue par des informations, qui au-delà d’être de simples consignes, sont davantage des annonces de ce qui va suivre pour son peuple ; « Voici, j'envoie un ange devant toi, pour te protéger en chemin, et pour te faire arriver au lieu que j'ai préparé. […] / Mon ange marchera devant toi, et te conduira chez les Amoréens, les Héthiens, les Phéréziens, les Cananéens, les Héviens et les Jébusiens, et je les exterminerai. […] / J'enverrai ma terreur devant toi, je mettrai en déroute tous les peuples chez lesquels tu arriveras, et je ferai tourner le dos devant toi à tous tes ennemis. […] / Je les chasserai peu à peu loin de ta face, jusqu'à ce que tu augmentes en nombre et que tu puisses prendre possession du pays. / J'établirai tes limites depuis la mer Rouge jusqu'à la mer des Philistins, et depuis le désert jusqu'au fleuve; car je livrerai entre vos mains les habitants du pays, et tu les chasseras devant toi. / Tu ne feras point d'alliance avec eux, ni avec leurs dieux. / Ils n'habiteront point dans ton pays, de peur qu'ils ne te fassent pécher contre moi; car tu servirais leurs dieux, et ce serait un piège pour toi. »

Au total, bien davantage que le simple Décalogue qui est particulièrement connu, Dieu édicte tout un tas de préceptes, de différentes importances, qui posent les bases de la législation de l’époque. Bien entendu, de nombreux sujets (qui pourraient être importants) ne sont pas abordés. Par exemple, les conventions qui régissent la guerre ne sont pas évoquées, pas davantage que la répartition des richesses lors d’un héritage, ni ce qui est réellement fait des offrandes matérielles offertes à Dieu, ou que de nombreux autres sujets. Ce qui est frappant ici, c’est que sur le même plan, sont présentées des règles qui ont un caractère tout à fait universel, tandis que d’autres correspondent à des situations extrêmement spécifiques. L’ensemble n’est d’ailleurs pas très homogène, ni dans la forme, ni sur le fond. Certaines Lois sont agrémentées de leurs sanctions et d’autres non. Certaines sont simplement reprises du texte précédent, d’autres sont des précisions. Une règle est même doublée quasiment à l’identique (versets 22.21 et 23.9). Nous disposons ainsi d’une alternance de recommandations et de menaces. Certaines Lois sont toujours très connues, comme celle du talion (qui sera ultérieurement modifiée, puis finalement amendée dans le Nouveau Testament), tandis que d’autres sont aujourd’hui tout à fait oubliées. En observation à toute cette partie, nous pouvons affirmer que pour la rédaction de ses Lois, à défaut d’être exhaustif, Dieu est néanmoins éclectique.

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