Exode 9 et 10 – Pharaon s’obstine à résister à Dieu

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Au début de ce chapitre, nous retrouvons Moïse et Aaron qui prennent de nouvelles consignes auprès de Dieu. Il est étonnant d’observer ces allers retours entre les échanges avec Pharaon et les comptes rendus fait à Dieu. Nous savons déjà (car Il a prévenu), que Dieu ne s’adresserait qu’à Moïse et à Aaron dans une moindre mesure. Ce qui est étrange ici, c’est que la structure du récit donne l’impression que Dieu n’assiste pas aux négociations entre ses deux messagers et Pharaon. En tout cas il n’intervient jamais au cours des entrevues, même à l’oreille de Moïse. Il faut systématiquement que Moïse et Aaron se retrouvent seuls pour qu’ils puissent établir un contact avec Dieu. Ce n’est pas la première fois que Dieu observe une forme d’exclusivité avec ses intermédiaires, mais les autres élus, n’avaient pas besoin de s’isoler pour échanger avec Dieu qui semblait, la plupart du temps, pouvoir suivre l’évolution des évènements en direct. Cette situation est tout à fait paradoxale, puisque parallèlement, Dieu fait l’étalage de sa puissance aux yeux de tous et que l’un de ses objectifs prioritaires dans cette partie du texte est de se faire reconnaitre (et craindre). Cet aspect de la relation entre Dieu et ses porte-paroles n’est pas plus expliqué, aussi reprenons le cours du récit.

Pour la cinquième phase des négociations avec Pharaon, par l’intermédiaire de ses marionnettes, Dieu menace de faire mourir les troupeaux du pays. Dans cette opération, l’Éternel précise qu’Il veillera à ce que les bêtes des hébreux soient épargnées. Comme précédemment, Pharaon dispose de la journée en cours pour libérer Israël. En cas de refus, dès le lendemain, « l'Éternel, le Dieu des Hébreux » (et des hébreux seulement…) mettra sa menace à exécution.

Pharaon doit manifestement se contenter de faire la sourde oreille aux demandes divines, mais ce passage n’est pas directement relaté. Il est néanmoins implicite, puisque le jour suivant Dieu fait périr les troupeaux des égyptiens. Après le changement des eaux du fleuve en sang, l’invasion de grenouilles, l’infestation des poux, puis des mouches infectées, l’éradication des troupeaux des égyptiens constitue donc la cinquième plaie qui frappe l’Égypte.

Durant cette opération ; « il ne périt pas une bête des troupeaux des enfants d'Israël. » Une fois n’est pas coutume, Dieu a décidé de distinguer les bêtes en fonction de la nationalité de leur propriétaire. Je n’ai pas relevé la distinction entre égyptiens et hébreux dans le cas de l’invasion de mouches venimeuses car à priori Dieu avait déclenché cette plaie selon des critères purement géographique. Les mouches étaient dans toute l’Égypte, à l’exception du pays de Gosen où se concentre le peuple hébreux. Par voie de conséquence, seuls les hébreux qui étaient dans cette zone ont été préservés. Autrement dit, un esclave hébreux (ou un touriste), à proximité du palais de Pharaon avait dû subir l’invasion des mouches au même titre que les autres habitants du secteur. Il est même incontestable que certains enfants d’Israël ont été concernés, car il est précisé dans les chapitres précédents, que ceux qui travaillent à la fabrication de briques, ramassent de la paille dans tout le pays.

Pour la mort du bétail, la distinction opérée n’est pas de la même nature. Nous pourrions imaginer qu’un riche égyptien qui fait paitre ses moutons sur les terres de Gosen, en employant (ou asservissant) un berger hébreu, verra son troupeau décimé . À l’inverse, un hébreu qui possède un âne et qui ne réside pas à l’intérieur des frontières du pays de Gosen aura sa bête épargnée. L’effort de discrimination divine semble bien plus important que lors de ses interventions précédentes. Notamment, lors du déluge, (Genèse chap. 6 à 9) de la destruction de Sodome et Gomorrhe, (Genèse chap. 19) ou plus récemment avec la première série de plaies, les actions divines violentes ne brillaient pas par leur finesse. Donc, Dieu ne fait pas dans la demi-mesure, Dieu manque de précision dans ses frappes… mais Dieu pourrait faire autrement.

Le récit s’accélère et Dieu fait mettre en œuvre sa sixième plaie. Pour cette fois, les ordres sont un peu confus ; « L'Éternel dit à Moïse et à Aaron: Remplissez vos mains de cendre de fournaise, et que Moïse la jette vers le ciel, sous les yeux de Pharaon. / Elle deviendra une poussière qui couvrira tout le pays d'Égypte; et elle produira, dans tout le pays d'Égypte, sur les hommes et sur les animaux, des ulcères formés par une éruption de pustules. » Les deux prennent de la cendre de fournaise (est-ce si différent de cendre normale ?) et Moïse la jette vers le ciel. Comme annoncé par Dieu, la cendre se répand et produit des pustules sur les hommes et les animaux.

Tandis qu’Aaron conserve en main sa cendre de fournaise (suivant les consignes, ils devaient tous les deux en prendre, mais seul Moïse a reçu l’ordre de la jeter), les mages égyptiens refont une brève incursion dans le récit. Il nous est précisé qu’étant eux-mêmes victimes d’ulcères formés par d’intenses éruptions de pustules, ils ne peuvent pas reparaitre devant Moïse. Le lecteur est libre d’imaginer ce qu’ils auraient fait, s’ils avaient été en mesure de riposter à cette attaque magique. Sans surprise, Pharaon, dont le cœur a été endurci par Dieu, refuse de laisser partir Israël.

Cette fois, il n’est pas précisé si le pays de Gosen est épargné et cette omission laisse planer un doute. Soit Dieu a bien frappé toute l’Égypte par cette attaque pustuleuse et les animaux mentionnés sont ceux des hébreux (les seuls vivants à ce moment de l’histoire) où qu’ils se trouvent dans le pays. Bien entendu, cette option implique que les hébreux souffrent également d’ulcères dus aux pustules. Soit les bêtes qui sont touchées par les pustules sont exclusivement celles des égyptiens et pour le coup, ce n’est pas très gênant puisqu’elles sont déjà (toutes) mortes lors de la plaie précédente. Ou alors, Dieu a ressuscité les bêtes des égyptiens pour leur infliger des pustules. Bien que cette explication semble contre-intuitive, la suite du récit, nous encouragera à la privilégier.

Nouvelle idée de Dieu (qui est un créateur très créatif…). Si Pharaon s’entête, dès le lendemain pour sa septième plaie, Il menace de déclencher un épisode de grêle. Pas une petite giboulée de mars, mais un véritable déluge de grêle, qui détruira les champs, les troupeaux et les hommes qui ne seront pas abrités.

Malgré les avertissements de Moïse et Aaron, deux comportements sont alors observés parmi les égyptiens. Il y a ceux qui se mettent à l’abri et qui protègent leurs troupeaux (morts, puis ressuscités mais avec des pustules …). Et puis il y ceux, qui sont sans doute un peu dur de la feuille, qui n’y croient pas trop à cette histoire de grêle et qui restent dehors.

Le jour suivant, Dieu déclenche les chutes de grêle et y ajoute le feu : « Il tomba de la grêle, et le feu se mêlait avec la grêle; elle était tellement forte qu'il n'y en avait point eu de semblable dans tout le pays d'Égypte depuis qu'il existe comme nation. / La grêle frappa, dans tout le pays d'Égypte, tout ce qui était dans les champs, depuis les hommes jusqu'aux animaux; la grêle frappa aussi toutes les herbes des champs, et brisa tous les arbres des champs. / Ce fut seulement dans le pays de Gosen, où étaient les enfants d'Israël, qu'il n'y eut point de grêle. »

Cette fois, Pharaon semble à point. Il fait amende honorable, convoque les deux frères et leur demande de faire cesser cette calamité. Lorsque la grêle arrête, Pharaon revient naturellement sur sa parole et ne laisse pas partir le peuple hébreu. On s’en doutait un peu, (la mécanique du récit est sans surprise) car son cœur est endurci.

De prime abord, on pourrait penser que Pharaon est tout de même un peu têtu. Ça fait quand même deux ou trois calamités que ses magiciens ont laissé tomber, mais pas lui. Il continue, comme si de rien n’était. L’Égypte est ravagée, la plupart des récoltes sont fichues, les paysans ulcérés sont tous grêlés et pouilleux, les animaux sont morts et/ou ressuscités et pustuleux. Il n’y a donc plus grand-chose à manger. Mais malgré l’état de son pays, peut-être que Pharaon a encore des raisons de croire à sa bonne étoile et qu’il voit le verre à moitié plein. Sur le plan alimentaire, il est précisé que seules les cultures de lin et d’orge ont été ravagées, mais que certaines récoltes n’étaient pas suffisamment matures pour être détruites. De plus, rien ne s’oppose à la consommation de viande pustuleuse, si l’on découpe bien autour des plaies ulcéreuses (et qu’on la fait cuire longtemps à feu vif…). Enfin, grâce à la deuxième plaie, les réserves royales de cuisses de grenouilles sont pleines.

L’optimisme forcené de Pharaon ne va cependant lui être d’aucun secours, car il n’est qu’un pion dans le jeu divin. Pour préparer la énième confrontation, « L'Éternel dit à Moïse: Va vers Pharaon, car j'ai endurci son cœur et le cœur de ses serviteurs, pour faire éclater mes signes au milieu d'eux. / C'est aussi pour que tu racontes à ton fils et au fils de ton fils comment j'ai traité les Égyptiens, et quels signes j'ai fait éclater au milieu d'eux. Et vous saurez que je suis l'Éternel. » Si besoin était, Dieu fait à nouveau état de son plan. Dans ce passage cependant, il dévoile davantage la finalité de son comportement. Nous l’avions déjà soupçonné, mais dans cet extrait le doute n’a plus sa place. Les décisions divines sont totalement dénuées de noblesse et la libération des hébreux n’est pas liée à leur bien-être futur. Il fait dire à Pharaon ; « Jusqu'à quand refuseras-tu de t'humilier devant moi? Laisse aller mon peuple, afin qu'il me serve. » Pour Dieu, écraser les égyptiens, les humilier, sert d’abord à démontrer sa puissance et à forger son emprise sur son peuple. Dieu n’affranchi les hébreux du joug égyptien que pour mieux les dominer et pour les asservir à son propre service (sans partage et en usant de terreur).

Prévue pour le lendemain, la menace du jour est de faire venir de sauterelles qui finiront de grignoter les récoltes qui n’ont pas été détruites par la grêle (astuce du scénario vue précédemment, le froment et l'épeautre qui poussent plus tard dans la saison n'ont pas été détruits). Dans un premier temps, Moïse et Aaron ne parviennent pas à infléchir la décision de Pharaon et quittent la table des négociations. Mais à leur départ, les conseillers de Pharaon lui font comprendre qu’il est temps de rendre les armes. Le roi hésite. Finalement, il accepte d’organiser une nouvelle entrevue avec les messagers de Dieu avant la fin du prochain ultimatum. Malheureusement, (pour les égyptiens) malgré les suppliques de sa cour, Pharaon ne cède pas sur tous les points et n’autorise que les hommes hébreux à réaliser le pèlerinage de trois jours dans le désert. Sans plus de cérémonie, il fait chasser les deux frères de sa demeure.

Naturellement, Dieu ne l’entend pas de cette oreille. Par l’intermédiaire de Moïse, (qui étend sa verge sur l'Égypte) Il fait monter des nuées de sauterelles sur tout le pays, « elles dévorèrent toute l'herbe de la terre et tout le fruit des arbres […] et il ne resta aucune verdure aux arbres ni à l'herbe des champs, dans tout le pays d'Égypte. » Cette fois, le pays de Gosen ne semble pas épargné. Ceci dit, peu importe que les terres agricoles, les cultures et les arbres fruitiers soient ravagés, puisque les hébreux vont bientôt quitter le secteur (et il n’est pas prévu qu’ils partent avec les arbres). Face à l’étendue des désastres, Pharaon demande aux deux frères de faire cesser l’invasion de sauterelles. Moïse sort de chez Pharaon, prie Dieu pour l’exaucer et les sauterelles sont balayées vers la mer rouge. La suite des faits est banalement convenue. Les sauterelles disparues, le roi égyptien dit qu’il va autoriser la sortie des hébreux d’Égypte. Mais Dieu endurcit son cœur, Pharaon change d’avis et le Tout-Puissant peut passer à la punition suivante.

Le manque d’imagination qui atteint les rédacteurs de ce récit ne concerne pas Dieu qui a une nouvelle idée. Cette fois-ci, sans ultimatum ni menaces, il plonge le pays dans l’obscurité pendant trois jours (sauf le pays de Gosen). Franchement, cette punition est loin d’être la plus terrible. Nous pourrions même dire qu’après ce qu’ils ont subi, l’obscurité pendant trois jours a un petit côté reposant. Pour une fois, personne ne meurt, ni hommes, ni bêtes, ni végétation… mais c’est sans doute parce que Dieu aménage une baisse de tempo avant son climax final.

Pharaon, qui en a vu d’autres, demande au deux frères de rallumer la lumière, prétendant une nouvelle fois qu’il laissera partir les hébreux. Moïse et Aaron s’exécutent et la négociation peut reprendre. Pharaon veut bien laisser partir le peuple d’Israël, mais ils doivent laisser sur place leurs troupeaux. Naturellement, les deux frères refusent. Dieu endurcit le cœur de Pharaon qui se permet de menacer Moïse de mort s’il venait à paraître encore en sa présence. Moïse, faisant preuve d’un beau sens de la répartie lui rétorque du tac au tac; « Tu l'as dit! […] je ne paraîtrai plus en ta présence. » Au final, chacun repart fâché.

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