Chapitre 25, partie 1 :

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Will Marx :

— Pourquoi tu souris comme un crétin heureux depuis hier ? m'interroge Judas alors que nous longeons le couloir jusqu'à nos casiers respectifs.

Je hausse les épaules sans me défaire de mon air guilleret.

En deux mots : Angelo DeNil.

Évidemment ce n'est pas la réponse que j'émets, je me contente d'une moitié de vérité :

— Je me sens bien en ce moment.

— Quand on s'est vu mardi tu tirais une tronche de six pieds de long, depuis hier t'as carrément un air de débile amouraché sur la tronche. Donne-moi plus de détails, mon pote, ma vie sexuelle est à zéro en ce moment.

Je ricane en lui jetant un regard en biais, la mienne n'est pas mieux. Je n'ai pas autorisé Marianna à me toucher depuis que j'ai goûté aux lèvres de DeNil pour la première fois. Ça la fait enrager et je peux le comprendre, mais soyons honnête, je ne la désire plus. J'ai envie de lui. Lorsqu'elle m'effleure, mon corps se tend et mon esprit est avec Angelo.

— Allez, vieux, comment te fait-elle jouir la petite nageuse ? insiste-t-il.

— Pourquoi tout devrait-il avoir un rapport avec le sexe ?

— Parce qu'il fait tourner le monde, mon pote.

— Pas vraiment, à mon avis.

— Depuis quand tu te défiles ? Tu n'hésites pas pour nous donner des détails d'habitude.

Il a raison. Ce n'est pas pour me la raconter, je n'aborde jamais ce sujet en premier mais ils me posent tous un tas de questions sur comment la nageuse la plus convoitée du lycée donne du plaisir. Marianna n'a jamais trouvé à redire sur le fait que je parle de ça avec eux. Elle se sent toujours mise en valeur lorsque je lui raconte les conversations qu'on a parfois dans les vestiaires.

Cette fois est différente, déjà pour la simple et bonne raison que je ne couche pas avec Angelo, mais aussi parce que ma bonne humeur le concerne exclusivement. Pietro m'écouterait avec grand intérêt si je lui parlais de l'avancée de notre relation, et je sais parfaitement que je vais finir par me confier parce qu'il ne m'en laissera pas le choix. En ce qui concerne Judas, c'est autre chose. Il n'apprécie pas du tout DeNil, et il ne comprendrait sûrement pas comment cela est possible de passer d'une femme telle que Marianna à un homme comme Angelo. Je crois sincèrement que je suis en train de me casser la figure dans un lieu dont j'ignore tout. Je ne veux pas ralentir cette chute, j'aimerais même l'accélérer.

— On en reparlera plus tard, je suis en retard pour mon prochain cours mais je te jure que je ne te lâcherai pas, m'informe Bloom en me tapant le dos.

— Ouais, ouais, bosse bien, réponds-je en me marrant.

Il lève son majeur et disparaît en gueulant comme un dégénéré. Je récupère les affaires dont j'ai besoin pour la dernière heure qu'il me reste de la matinée. C'est le pire cours qui existe en ce monde, les maths !

Je glisse la sangle de mon sac sur mon épaule et relève la tête. Angelo apparaît à l'autre bout du couloir. Son regard brun me percute et me laisse sans voix, ses mèches ondulées tombent sur son front, effleurent ses longs cils clairs. Il a l'air léger pour une fois, c'est apaisant.

Je me dirige vers lui sans réfléchir davantage, oubliant rapidement l'idée de me torturer les méninges avec des chiffres. Il m'attend, sourire aux lèvres, appuyé contre la porte des toilettes.

— Salut, soufflé-je en m'arrêtant face à lui.

— Salut, répond-il de la même façon.

L'envie de le toucher m'étreint, je lève la main et du bout des doigts effleure les siens. Les yeux arrondis, il regarde rapidement autour de lui, mais cela ne dure qu'un court instant. Il se détend lorsqu'il remarque que les couloirs sont quasiment déserts.

— Ça va ?

— Parfaitement, et toi ? demandé-je en retour.

— Pareil.

Son sourire fait naître le mien. Ma bonne humeur est palpable, j'ai probablement l'air d'un idiot, les lèvres constamment ourlées d'un rictus niais.

— Tu termines à quelle heure ?

— Quatorze, mais je dois passer à la bibliothèque pour taper ton interview. Ça risque de me prendre deux bonnes heures.

— On ne l'a pas terminée.

— J'aviserai, dit-il en haussant les épaules. Je vais surtout essayer de rester concentré en écoutant la fin de l'enregistrement.

Mes joues s'enflamment, je me sens bête. Je ne suis absolument pas gêné, c'est juste que les images de nos baisers brûlants me reviennent en mémoire et la sensation de sa peau sous mes lèvres me fait frissonner rien qu'en y songeant. Mon cœur a cessé de battre lorsque je l'ai entendu prononcer les mots que j'attendais avec impatience.

Prends moi à sa place. Je veux devenir ce qu'elle n'a jamais été.

— Est-ce que... quelqu'un d'autre va écouter la cassette ?

— Non. Enfin, normalement Rose aurait dû, puisqu'elle doit faire le compte-rendu de Tobias mais je vais sûrement le faire à sa place comme elle est encore malade.

Je ne suis pas contre le fait que son amie soit informée de ce qu'il se passe entre nous. Peut-être l'est-elle déjà, moi, j'en ai discuté avec Pietro à peine quelques jours après notre retour.

Finalement, la question qui me perturbe n'est pas de savoir si Roselyne est au courant mais plutôt ce que nous sommes réellement l'un pour l'autre, lui et moi. Nous ne sommes pas amis, pas un couple non plus, du moins pas officiellement puisque je n'ai pas encore eu l'occasion de parler avec Marianna. J'ignore encore ce qu'il représente pour moi, le seul fait sur lequel je n'ai aucun doute c'est que je ressens continuellement le besoin d'être près de lui.

— Tobias, hein ?

— Ouais, pourquoi ?

— Il est sympa, non ?

Il hausse les sourcils et me fixe étrangement.

— C'est quoi cette question ?

— Rien, je dis juste que Maël est cool.

— Et donc ?

— Laisse tomber, tu veux ? soupiré-je en mettant de côté la petite pointe de jalousie qui me transperce le cœur.

Maël n'a absolument rien à envier à personne. Il est sûr de lui, charismatique, plutôt beau, il faut l'admettre. Même moi j'ai la sensation d'être insignifiant en comparaison.

— On mange ensemble ? détourné-je.

— Non, Will.

Son refus catégorique me blesse, mais je ne le laisse pas paraître. Je retiens la grimace qui menace de se dessiner sur mes traits et déglutis pour avaler la gêne qui obstrue soudainement ma gorge.

— Pourquoi ?

— Tu manges avec tes potes et ta meuf, je n'ai pas ma place avec eux, bougonne-t-il.

— Ne l'appelle pas comme ça, me plains-je en baissant la tête.

— Pourquoi ? Elle l'est encore.

— Théoriquement oui, mais tu sais très bien que ce n'est plus ainsi que je la vois depuis un long moment.

— Ouais, je serai sur la même longueur d'ondes que toi quand ce sera terminé.

— Je vais la quitter, dis-je précipitamment. Je le voulais déjà avant que tu me le demandes, je n'ai juste pas trouvé le bon moment. Nous sommes ensemble depuis nos quinze ans, je ne peux pas lui balancer ça au visage comme si c'était un détail. Je lui dois un minimum d'explications, tu comprends ? Désormais, c'est avec toi que je veux être, tu le sais.

— Ouais... Je crois que je le sais. Bref, je dois y aller.

Je hoche la tête, avec pourtant une pointe de déception. Je n'ai pas envie qu'il s'éloigne, en réalité je n'ai plus jamais envie qu'il me laisse quand il est près de moi, mais nous devons y aller tous les deux. Je suis en retard pour mon cours et je suppose que lui également.

J'avise les alentours et m'aperçois qu'il n'y a plus personne autour de nous. Je me permets de lui caresser la joue, du bout des doigts seulement. J'aspire à plus, l'embrasser sans avoir peur des conséquences mais nous n'en sommes pas encore là. Je me contente donc de ce simple touché, chaste et calculé. DeNil soupire presque imperceptiblement, clos les paupières une demi-seconde. Je sens sa joue se presser contre mes doigts, alors qu'il rouvre les yeux. Il me sourit doucement et me tourne le dos sans prononcer un mot de plus. Je reste immobile, le regarde jusqu'à ce qu'il pénètre dans sa salle puis prends la direction de la mienne.

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