Chapitre 24, partie 2 :

11 minutes de lecture

Angelo DeNil :

J'ai besoin d'air, et vite !

Je me précipite vers la fenêtre que j'ouvre à la hâte. Le visage à l'extérieur, je respire enfin. J'avais l'impression d'étouffer. C'était trop... dur à supporter. L'intensité dans ses yeux, ses lèvres que je ne parviens jamais à quitter du regard lorsqu'il s'exprime.

— DeNil, ça va ? s'inquiète Will.

Dos à lui, je ne le vois pas, pourtant je sens son odeur qui s'approche dangereusement, et s'infiltre en moi pareille à une drogue qui parcourt mes veines. Sa main se pose doucement sur mon épaule et me fait sursauter, bien que je m'attendais à ce contact.

Je prends mon courage à deux mains et me tourne lentement après avoir inspirer profondément. C'est le regard vitreux de Rose que je croise avant celui de Marx. Elle est blafarde, bien plus que lorsque je l'ai questionnée sur son état de santé.

— Moi oui, mais pas elle.

Je me précipite vers mon amie alors qu'elle plaque une main sur sa bouche, prise d'un haut-le-cœur brutal.

— Continue... sans moi, dit-elle difficilement. J... je vais... vomir.

À peine sa phrase terminée, elle court vers la sortie, laissant la porte de la salle de classe ouverte derrière elle. Je l'observe se dépêcher de rejoindre les toilettes sans oser porter mon attention sur Marx.

Bordel...

Pourquoi fallait-il qu'elle soit malade maintenant et qu'elle me laisse seule avec lui ? Je reste immobile, pétrifié à l'idée de l'affronter sans aucun soutien. J'ignore pourquoi l'angoisse m'étreint si soudainement. Ce n'est pas lui qui me terrifie, non, j'ai peur de ce que je ressens, je crois ; de ce que je suis capable de faire s'il m'approche, de ne pas parvenir à contrôler les étranges envies qui m'habitent depuis que nous sommes rentrés. J'ai peur de ne pas gérer ce manque de lui, sa proximité, son regard océan et l'ourlet de ses lèvres quand il sourit.

— Tu es sûr que tu vas bien ? Tu es aussi pâle que ta copine, dit doucement Will en se positionnant devant moi.

— Je ne vais pas vomir si c'est ta question. C'est ta spécialité ça.

Ses yeux calculateurs me sondent un instant, puis en quelques secondes il a refermé la porte laissée ouverte par Rose et se place debout devant moi. Près. Trop près, à tel point que son souffle ricoche sur mon visage.

— Ce n'est arrivé qu'une fois, se défend-il.

— Après m'avoir embrassé, lâché-je amèrement, repensant à la douleur que j'ai ressenti à ce moment précis.

— Ce n'était pas à cause de toi, c'est Marianna, souffle-t-il en baissant le regard sur ses baskets.

— Arrête ! Tu me prends vraiment pour un crétin, Marx.

— Non ! Elle a fait irruption dans ma tête au pire moment.

Je louche sur lui, avec un scepticisme non feint. Il le comprend puisque sa main tente de s'approcher de mon visage. Je recule à la hâte. Je lutte trop, beaucoup trop et j'ai bien conscience que si je le laissais me toucher, même un léger effleurement, je serais foutu.

— Je te jure que c'est la vérité, ce n'était pas à cause de toi. Certes, j'étais terrifié par ce que notre baiser m'a fait ressentir, mais c'est son visage sous mes paupières qui m'a rendu malade.

Mon côté un peu naïf a envie d'y croire, mais Ombre qui me hurle toute la sainte journée aux oreilles de l'intérieur de mon crâne ne veut pas le voir de cette façon.

Il ment, tu l'as rendu malade à l'instant où il a vu ton corps près de la rivière.

" Après ça, on a dormi ensemble et nous nous sommes embrassés plusieurs fois. "

C'est toi qui a initié les contacts, Lolo, pas lui.

En y repensant, c'est vrai qu'elle a raison. Il m'a embrassé la première fois, ensuite c'est toujours moi qui l'ai fait, mais...

" Il voulait m'embrasser quand il était devant ma porte, lui aussi me désire. "

J'ignore ce que s'apprête à me répondre l'Ombre, toujours un peu surpris d'avoir une conversation avec un truc qui parle dans ma tête. Je reprends place sur ma chaise, faisant signe à Will de m'imiter. Ses épaules s'affaissent et il soupire en s'installant face de moi, de l'autre côté de la table.

— On reprend, grogné-je. Je n'ai pas spécialement envie d'y passer la journée, puis ta meuf surgit toujours quand il ne le faut pas, alors autant se dépêcher.

— Elle ne risque pas de venir. Elle ne sait même pas que je suis ici, en plus elle est à son entraînement, souffle-t-il.

— Aucune importance. Je ne veux pas m'éterniser.

Je remarque la déception dans son regard et cache la mienne. Je fais tout ce qui est possible pour qu'il ne le voit pas, pourtant, j'ai envie à crever de me jeter sur lui pour retrouver la chaleur de ses bras, ce sentiment inassouvi depuis trop longtemps. C'est une torture de l'avoir face à moi, d'observer ses yeux bleus à couper le souffle et sa mèche qui a reprit place sur son front.

Comme s'il lisait dans mes pensées, son bras se lève alors qu'il s'apprête à balayer son visage.

— Arrête ! dis-je brusquement et sans même le vouloir.

Sa main reste immobile, il me scrute avec insistance.

— Que se passe-t-il ?

— Rien. Rien du tout, pardon. Bref, question suivante.

Je louche sur mon papier pour éviter de le regarder.

Je suis définitivement dans de sales draps, et pour la première fois de ma chienne de vie, je n'arrive pas à mettre de mot sur ce que je ressens.

Lorsqu'il était sur le perron de ma maison délabrée, je me suis montré bien trop transparent. J'ai laissé échapper des propos que je pense plus que n'importe lesquels, mais qu'il n'aurait jamais dû entendre puisque je suis incapable de comprendre ce qu'il se trame dans mon esprit.

— Une personnelle, encore. En dehors du football, quels sont tes passe-temps ? As-tu d'autres passions ? Si oui, lesquelles ?

Il baisse la tête et me sourit lorsqu'il la lève à nouveau. Un sourire qui, étrangement, réchauffe une partie de mon corps que je ne sollicite jamais.

— J'ai une passion irrationnelle pour la nourriture, et ça me tue de ne pas pouvoir manger ce que je veux quand je veux. Malheureusement, en tant que sportif, je ne peux pas me laisser aller au risque de faire vingt kilos de plus et perdre en cardio.

Mes yeux glissent d'eux-mêmes sur son buste recouvert d'un tee-shirt de l'équipe des Lions. J'admire le dessin de sa musculature, ses pectoraux, ses biceps, et essaie de me remémorer la forme des muscles que j'ai déjà aperçu mais qui sont cachés dans l'immédiat.

Une pensée intense et brûlante me vient à l'esprit. Même avec des kilos en trop, il serait monstrueusement beau. Son charme ne se trouve pas uniquement dans son corps ferme et imposant, il est surtout ancré dans la pâleur de ses iris et la blancheur de son sourire.

Putain, parfois j'aimerais te fustiger quand tu penses à de telles absurdités.

Je me racle la gorge, pris de court par cette voix insupportable mais aussi par le film qui vient de se dérouler dans mon esprit.

Je rencontre les yeux de Marx qui me foudroient sur place. Évidemment qu'il a dû comprendre sans mal le fond de ma pensée et j'aimerais disparaître pour ça.

Une nouvelle idée me surprend, un peu malsaine je l'admets, et en parfaite opposition avec la distance que j'essaie d'instaurer entre nous. Néanmoins, ma question me brûle les lèvres. Bien que je connaisse probablement la réponse, je veux tout de même l'entendre le dire, par simple satisfaction personnelle. Peut-être pour en avoir le cœur net également.

C'est un regard fourbe que je plonge désormais dans le sien. Je suis certain qu'il a saisi que ce que je m'apprête à demander est loin d'être en rapport avec mon devoir, pourtant, je m'en moque bien.

— Quel est ton souhait le plus brûlant ? Ton désir le plus viscéral ?

Une lueur fugace fait pétiller ses yeux, il avale sa salive et jette un œil au dictaphone toujours en marche sur la table face à nous.

— Est-ce réellement ce qui est inscrit sur ta fiche ?

— Contente-toi de répondre. C'est ton job dans l'instant.

— C'était quoi la question déjà ? demande-t-il en me scrutant de ses yeux océan.

Je réitère mes paroles en articulant avec lenteur. Un sourire lascif éclot sur ses lèvres et me fait vaciller.

— Toi.

J'accepte ce simple mot, prononcé du bout des lèvres et avec une sincérité déroutante, presque dévorante. La gorge sèche, je me contente d'acquiescer, tout en luttant contre l'ouragan qui se déchaîne dans le bas de mon ventre. Cette réponse, je l'espérais du plus profond de mon âme et désormais, j'ignore quoi en faire, comment réagir.

— Je peux à mon tour poser une question ? m'interroge-t-il en un murmure.

Je ne peux que donner suite à sa requête, bien que cela ne me plaise pas. Lui refuser une telle banalité ne serait pas correct, presque déplacé après l'audace dont il a fait preuve.

— Quel est ton souhait le plus brûlant ? Ton désir le plus viscéral ? demande-t-il en réutilisant mot pour mot les miens.

Mon cœur s'émiette, c'était si prévisible.

— Toi, aussi, soufflé-je en fermant les yeux pour ne pas voir sa réaction, déjà bien trop perturbé par les miennes.

— Angelo, soupire-t-il de sa voix envoûtante d'homme en parfait contrôle de ses esprits.

C'est lorsque mon prénom effleure mon visage que je me rends compte qu'il s'est approché. Il est très près, son souffle chaud s'échoue sur mes lèvres.

Je serre davantage les paupières, toujours étonné par l'embardée que fait mon cœur quand il est à cette distance beaucoup trop faible.

— Ouvre les yeux, me demande-t-il en un souffle. Regarde-moi, ne te perds pas encore, s'il te plaît.

Je retiens ma respiration quand son haleine mentholée atteint mes narines ainsi que mes sens.

— Reste avec moi, cette fois.

J'accepte en ouvrant les paupières. Je découvre son corps penché sur la table et son visage à quelques pauvres centimètres du mien.

Mes tempes se mettent à battre puissamment lorsque je réalise que j'en ai marre de me battre contre ce que je ressens, contre lui.

Ma main se plaque sur sa nuque et je l'attire davantage, jusqu'à ce que sa bouche trouve la mienne et que mon cœur cesse de battre sous l'intensité de ce qui explose brusquement en moi.

William Marx me rend mon baiser sans une seconde d'hésitation. Finalement, je n'en suis pas si surpris, c'est moi qui l'empêche de le faire depuis que j'ai compris qu'il n'était pas qu'une façon détournée de me sentir vivant. Il est tellement plus que ça... et c'est terrifiant.

Will laisse échapper un soupir de plaisir, de soulagement, comme s'il avait prié pour que ce moment arrive. Ça m'encourage, je resserre ma prise sur sa nuque et l'approche davantage. Je veux sentir sa chaleur jusqu'à m'embraser, mourir brûler. Ses lèvres me quittent mais son visage demeure proche du mien.

— La table, souffle-t-il.

Je me lève comme monté sur un ressort, manque d'assommer Will qui s'éloigne de justesse. Je contourne l'obstacle et le rejoins l'instant suivant. Je me hisse sur ses genoux, aidé par ses mains qui encerclent ma taille.

Il retrouve mes lèvres, alors que mes doigts tirent sur ses mèches brunes. Sa langue se fraie un chemin afin de caresser la mienne en un geste osé et assuré. Je me sens crouler, je serais à terre s'il ne me retenait pas fermement contre lui. Je suis submergé par l'intense plaisir que me procure ce baiser.

— Angelo, susurre-t-il contre mes lèvres, ça fait si longtemps que j'attends ça.

Empreint d'une fougue dévastatrice, je lèche sa bouche. Le regard qu'il me lance me montre à quel point il apprécie et je m'enflamme instantanément.

— Ne me repousses pas, me supplie-t-il.

— C'est pas dans mes intentions dans l'immédiat, soufflé-je, empressé de retrouver le contact de ses lèvres.

Il m'en empêche en apposant son front contre le mien. Sa main remonte ma colonne vertébrale et vient se nicher contre ma nuque.

— Ni maintenant, ni après, m'encourage-t-il. Je souhaite que tu restes en phase avec moi. Ne me repousse plus, tu es tout ce que je veux, Angelo. Je l'ai accepté, cette attraction entre nous, fais en autant, je t'en prie.

Je retiens les larmes qui embuent mes yeux, ravagé par une douleur térébrante qui malmène mon cœur mais aussi par le plaisir d'entendre ces mots.

— Je suis bousillé, comment peux-tu me désirer ? Je ne suis qu'un être façonné de souffrance et de colère. Un amas de plaies en putréfaction, de chair en décomposition.

— Ce n'est pas ce que je vois lorsque je te regarde. Jamais, Angelo, je n'ai voulu quelqu'un comme je te désire toi.

— Moi non plus, avoué-je d'une voix brisée.

J'inspire difficilement, comme si soudainement l'air me manquait.

— Je suis terrifié, Will.

— Moi aussi, souffle-t-il en effleurant ma bouche. Moi aussi je suis terrorisé, mais la peur ne m'empêchera pas de profiter de ce que tu me fais ressentir. C'est trop envahissant, trop étourdissant, tu comprends ?

Je reste muet, j'ignore quoi dire après de tels propos. C'est une satisfaction nouvelle qui m'étreint, mais une terreur innommable qui me ronge.

Je m'incline légèrement afin de l'embrasser, en manque de ce contact qui me brûle les lèvres. C'est ainsi que je souhaite communiquer, les mots me manquent.

Nos baisers sont désordonnés.

Un peu trop fougueux.

Un peu trop douloureux.

Ses mains sont partout sur moi, elles voyagent dans mon dos, tirent mes cheveux, reviennent vers mon cou et caressent mon torse alors que sa bouche goûte la mienne sans jamais se lasser. Mon sexe me fait mal, pressé contre le sien. C'est brutal, déchirant, inattendu mais si bon. Je perds lentement pied, il me fait tourner la tête. Je gémis bruyamment et sans pouvoir retenir quoique ce soit lorsque ses lèvres aspirent la peau tendre de mon cou.

L'évidence déflagre enfin dans mon cerveau. Je le veux, lui et tout ce qui le constitue. Je souhaite ressentir toutes ces sensations extraordinaires qu'il me procure, jusqu'à épuisement et en réclamer davantage. Je veux mettre mon envie affreuse de le tenir éloigné au tréfonds d'un enfer que je ne veux plus atteindre. Je veux que la pâleur de ses iris guident mes pas le temps qu'il voudra bien de moi.

— Quitte la, soupiré-je quand ses dents se referment sur le lobe de mon oreille. Quitte Marianna, Will, quitte la et prends moi à sa place. Je veux devenir ce qu'elle n'a jamais été.

Annotations

Vous aimez lire Li nK olN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0