Chapitre 21, partie 1 :

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Will Marx :

Je longe les couloirs, Marianna pendue à mon bras et entouré de Pietro, Judas Bloom et Noah Carter. Je suis devenu l'attraction de la foule depuis mon retour, je n'apprécie pas spécialement que mon nom soit sur les lèvres de tout le lycée. J'ai droit à des regards remplis d'admiration, des éloges et des félicitations à chaque fois qu'une personne croise ma route. J'ignore pourquoi on m'adule de la sorte. Me félicitent-t-ils d'être encore en vie ?

— Tu termines à quelle heure, bébé ?

— Quinze heures, bougonné-je en m'arrêtant devant mon casier.

Je récupère mon manuel d'algèbre et claque la porte en ferraille avec rudesse. Un boucan métallique résonne dans le couloir et fait sursauter quelques personnes aux alentours.

— Ouah, j'en connais un qui s'est levé du pied gauche ce matin, ricane Noah.

Je ne relève même pas la tête vers lui. Il m'agace, cet abruti aux longs cheveux remontés en un chignon sur son crâne. Je n'ai pas envie de discuter, je n'ai même pas envie d'être là.

— Ouais, c'est sûrement parce que Murray refuse toujours qu'il assiste aux l'entraînements, explique Judas.

— T'as deviné, râlé-je en rangeant mon livre dans mon sac.

— Ou parce que Marianna ne lui a pas fait sa gâterie ce matin, renchérit Carter en ricanant.

Elle glousse et se colle davantage à moi. Je lève les yeux au ciel, exaspéré par tant d'idioties.

— Ferme-la, Noah, grogne mon meilleur ami, tu vois bien que ce n'est pas le moment.

Je lance un regard reconnaissant à Pietro, le remerciant silencieusement pour sa répartie. Carter ronchonne mais nous dépasse rapidement afin de s'éloigner, prétextant qu'on l'attend pour une pipe dans les chiottes avant la reprise des cours dans dix minutes.

— Il me casse les couilles, avoue Bloom en l'observant partir.

— Ouais, parfois j'ai envie de lui faire bouffer le ballon de foot, se lamente Pietro.

— Pourquoi on est pote avec lui, déjà ?

— Parce que c'est un bon joueur, lâché-je désabusé.

Alors que nous évoluons dans l'établissement, je ne peux m'empêcher de le chercher du regard. C'est devenu une habitude depuis que nous sommes rentrés. Cela fait cinq jours que j'attends de le voir, vainement, parce qu'il n'est jamais là.

Je crois qu'Angelo n'a pas remis les pieds au lycée, et s'il assiste aux cours alors il a une capacité à se dissimuler qui dépasse l'entendement. Je ne l'ai pas revu depuis sa fuite précipité, quand il a forcé mon père à s'arrêter au milieu de la route. Ça me rend malade de ne pas l'apercevoir, de ne pas savoir comment il va. Je m'inquiète et c'est la raison de ma mauvaise humeur. Je suis agacé que le coach Murray refuse que je participe aux entrainements mais il a probablement raison. Bien que ma cheville cicatrise rapidement, elle n'est pas totalement guérie.

Je sursaute lorsque deux mains s'agitent sous mon nez, coupant court à mes pensées. Il me faut un instant pour me focaliser sur Marianna qui semble mécontente.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Mais enfin, ça fait deux fois que je te parle, râle-t-elle en faisant claquer le talon de sa chaussure contre le carrelage.

— T'as l'air préoccupé, fait remarquer Judas.

— Ça va, réponds-je à son attention, puis je me penche vers ma copine. Pardon, tu disais ?

— Je dois être à la piscine dans cinq minutes, on se voit plus tard ?

Je hausse les épaules en guise de réponse, je n'en ai pas vraiment envie. C'est DeNil que je désire. Si j'avais des doutes durant les derniers jours que nous avons passé en forêt, depuis mon retour dans ce foutu lycée, à sans cesse essayer de croiser son regard, c'est devenu limpide. Je veux Angelo DeNil, et je me moque qu'il soit un mec, je me moque de sa folie et de son penchant pour la scarification. Je me fous qu'il soit con parfois, peureux, anxieux...

Je souhaite qu'il comprenne que je peux être là pour lui, que je peux l'aider à essayer d'aller mieux. Mais j'ai peur qu'il ne veuille jamais l'entendre.

— On dort ensemble ce soir ? demande-t-elle impatiente, les sourcils froncés.

— Ouais, si tu veux, soupiré-je à contrecœur.

Elle sourit enfin, puis colle ses lèvres contre les miennes pour un baiser appuyé. Je ne bouge pas, mon corps se tend, mes poils se hérissent. Je ne parviens pas à comprendre comment c'est possible que je ne ressente plus rien lorsqu'elle m'embrasse alors qu'avant elle me faisait tourner la tête. Pire que de ne rien ressentir, mon cerveau se bloque chaque fois qu'elle m'approche, je me sens oppressé au moindre de ses faits et gestes. J'ai finalement de la peine pour elle même si je pensais le contraire. Elle n'a pas demandé à ce que je tombe dans les filets de quelqu'un d'autre. D'une personne qui ne veut même pas de moi et qui de ce fait me malmène le cœur qui semble s'être mis sur pause depuis que je ne l'ai pas vue.

Mon corps relâche sa crispation douloureuse alors qu'elle s'éloigne. Elle me sourit une dernière fois et s'éclipse en faisant un petit signe de la main.

— Waouh, t'étais aussi tendu qu'une corde à linge, s'exclame Pietro en me donnant un coup de poing dans l'épaule.

— Ça y est, tu es arrivé à saturation de ta belle blonde, se marre Bloom. Tu me laisseras la consoler quand ce sera fini entre vous ?

L'envie de lui dire qu'il peut faire ce qu'il souhaite d'elle me titille, mais je le garde pour moi. Ce ne serait pas très respectueux envers Marianna. En y réfléchissant, rien de ce que je fais, pense ou ressens ne l'est depuis un certain temps.

— On se capte, les gars, dis-je en m'immobilisant devant la salle de mon prochain cours.

Pietro et Judas acquiescent de concert.

Je prends place au bout de la salle, le plus loin possible du bureau du professeur. Je soupire en laissant tomber ma tête contre ma paume. Une seule pensée m'envahit durant l'heure qui suit. Le visage de DeNil est omniprésent dans mon esprit, ses ondulations blondes, ses yeux bruns et l'imposante chevalière qui orne son majeur.

♤ ♧ ♤

— Que fais-tu là ? s'exclame Murray en m'apercevant sur le terrain de foot, les mains dans les poches.

Je laisse tomber mon sac sur les gradins, et d'un mauvais œil j'observe mes coéquipiers faire des pompes.

— Je ne suis pas là pour l'entraînement, me lamenté-je. Je voulais vous voir.

— Que se passe-t-il, mon garçon ?

— J'aimerais avoir la liste des prochains matchs.

— Pourquoi ? s'enquiert-il avant de glisser son sifflet entre ses lèvres. Martens, bouge-toi le cul !

Je zieute rapidement Jordan qui râle en se remettant à plat ventre, je me retiens de le charrier.

— Pour savoir comment je dois gérer mon équipe pour le prochain tournoi.

— Ton équipe ? T'es out pour le moment, je tiens les rênes le temps que tu es sur le banc.

— Pardon ? m'exclamé-je. Certes, je ne joue pas, mais je ne laisserai pas tomber mes joueurs pour autant.

— Écoute petit, dit-il en me faisant face, tu as besoin de repos. Tu reprendras tes fonctions quand tu seras en pleine forme. D'ici là, je ne veux pas te voir dans les parages.

— Mais... j'ai des entraînements à rattraper ! Je ne peux pas me laisser aller, ça fait presque trois semaines que je n'ai pas touché un ballon. On a un tournoi dans à peine deux mois, je ne peux pas abandonner mes coéquipiers.

— Tu te trompes, c'est reporté.

Je fronce les sourcils, dans l'incompréhension totale.

Comment ça " reporté " ?

— Les matchs de la dernière rencontre ont été annulés. Tu dois te douter que c'était impossible de jouer sans coach, sans gardien ni capitaine.

— Mais, je pensais que...

— Tu pensais mal, me coupe-t-il, cette rencontre aura lieu la semaine prochaine et se passera chez nous.

— La semaine prochaine ? répété-je horrifié. Mais je ne serai jamais prêt !

— En effet, c'est pour cette raison que tu n'y participeras pas.

Je me fige avec la désagréable impression qu'on vient de m'asperger d'eau glacée. Comment peut-il me mettre sur la touche ?

— Vous ne pouvez pas me faire ça ! m'écrié-je. Cette rencontre est super importante pour moi, c'est ma bourse d'études qui en dépend !

— Tu étais certain de l'avoir loupé, et avais déjà fait une croix sur ta bourse.

— Ouais, je pensais que les matchs avaient été joués mais là, j'apprends que ce n'est pas le cas et vous ne m'autorisez pas à y participer, m'énervé-je.

— Ta cheville n'est pas en état de...

— Comment vous pouvez le savoir ? C'est mon corps !

— Tu ne joueras pas, conclut-il autoritairement.

— Je suis supposé faire comment pour être admis à l'université si je ne joue pas les matchs les plus importants de la saison ?

— Ne te sous-estime pas.

Que veut-il sous-entendre ? Même avec toute la volonté du monde, je ne pourrai jamais réunir la somme nécessaire pour mes études si je n'ai pas de bourse. Mes parents sont loins d'être pauvres, mais n'ont pas tant d'économies.

Enragé, je récupère mon sac et m'éloigne avant de laisser s'élever des mots que je regretterai une fois calmé.

— Où vas-tu petit ? résonne la voix du coach.

— Faire la manche pour peut-être réussir à payer mon premier semestre, craché-je agacé.

Je traverse le lycée, tête baissée. Je ne veux croiser personne. J'ai la haine, la rage et un fichu manque au fond de mon cœur. Rien ne va plus, en réalité c'est le cas depuis que je suis rentré, depuis qu'il m'a rejeté et que je suis contraint de faire semblant à nouveau. Je suis heureux d'avoir retrouvé mes parents, mon petit frère ainsi que Pietro et Judas, mais le reste n'est que futilité, inutilité, d'une fadeur à me rendre malade.

Je n'ai de cesse de gamberger, de me poser mille questions. C'est comme tourner autour d'un rond point sans réussir à trouver la voie qui me mènera jusqu'à lui. Je me suis perdu au centre d'une boucle infernale qui ne veut guère ralentir sa rotation.

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