Chapitre 20, partie 2 [⚠️] :

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Angelo DeNil :

— Angelo ! s'exclame Loli en se précipitant vers moi.

Je la serre dans mes bras comme si j'allais mourir si je ne le faisais pas, comme si elle était mon oxygène, ma force. Je l'entraîne avec moi vers le sol et continue de pleurer dans ses cheveux, étalant ma morve sur chacune de ses mèches.

— Mon Dieu, j'ai eu si peur ! pleure-t-elle à son tour en me frottant vigoureusement le dos. Pourquoi es-tu dans cet état ?

Je reste muet, pourtant ma peine résonne dans notre petite maison délabrée à coup de gémissements de douleur et de sanglots.

— Angelo ? m'encourage-t-elle.

Je secoue la tête, terrorisé à l'idée de mettre un mot sur ce que je ressens. Terrifié par la perspective de donner un sens à tous ça, de lui donner un sens à lui. Horrifié de réaliser que je suis bien trop atteint par mes sentiments, davantage que ce que j'acceptais de m'avouer, préférant me voiler la face en espérant que cela allège ma souffrance.

Loli continue de me frotter le dos, de me bercer dans ses bras jusqu'à ce que je me calme et que ma respiration se régule. Je ne saurais définir le temps qui s'est écoulé, mon unique certitude c'est que j'ai enfin retrouvé ma petite sœur qui sent le bonbon. Elle va bien et c'est un soulagement immense.

Elle m'aide à me relever et fait couler sur moi un regard attentif pour examiner mon état, qui doit sûrement être pathétique. J'attrape une mèche de ses cheveux que j'enroule autour de mon doigt.

— Je me suis mouché dedans, dis-je désolé.

— Je m'en moque, idiot. Je pensais ne jamais te revoir !

— J'ai envoyé un message à Simona, me défends-je.

— Un message d'à peine quatre mots ! J'ai eu la trouille de ma vie quand on a débarqué ici pour me dire que votre bus avait eu un accident.

— Je suis désolé, soufflé-je en baissant la tête.

— Mais ce n'est pas ta faute. Viens là, mon Lolo.

Elle me serre fort à nouveau, pendant quelques minutes puis finit par me laisser respirer.

— Tu me raconteras tout, hein ?

— Oui, lui assuré-je en ébouriffant ses cheveux, mais pas ce soir.

— Je vais te faire réchauffer un repas, s'exclame-t-elle en courant vers la cuisine.

Elle me semble si heureuse, si soulagée que je n'ai pas le cœur à lui dire que je n'ai pas faim. Je jette un coup d'œil vers le canapé, là où je pense trouver Bérénice complètement défoncée. Je suis surpris en m'apercevant que ce n'est pas le cas.

J'avance dans la maison, examine le bordel qui s'y trouve mais garde mes remarques pour moi. Lolita a sûrement fait de son mieux. Demain ce sera à moi de reprendre les rênes de ce taudis. Je me laisse tomber sur le fauteuil qui, pour une fois, est libre.

— Où est Bérénice ?

— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? crache sa voix dans mon dos.

Je me relève d'un bond pour observer ma mère sortir de la salle de bain. Elle est shootée. Le contraire m'aurait étonné. Ses yeux sont injectés de sang, ses pupilles dilatées à l'extrême et son teint est blafard. Exactement comme à l'accoutumée, sauf qu'elle n'est pas inconsciente.

Je m'approche d'elle en souriant, bien qu'elle soit un calvaire au quotidien et que je ne supporte plus de jouer le rôle qu'elle m'a contraint à prendre, je suis content de la voir. Je l'aime, même avec ses vices et ses démons. Je ne suis personne pour juger, le mal ronge mon esprit, mon âme et mon cœur.

— Maman, lâché-je en ouvrant les bras dans l'idée de l'enlacer.

Au lieu de cela, j'ai le souffle coupé lorsqu'elle lève le pied pour me l'abattre dans le ventre. Je me courbe, les bras autour de mon corps alors qu'elle tombe à la renverse sous la force du coup qu'elle vient de m'assener. Un cri d'effroi passe les lèvres de Loli, mais je l'empêche d'avancer en un regard dur. Bérénice s'est remise sur pieds et se jette sur moi comme une véritable folle furieuse.

— T'étais où ? hurle-t-elle en me frappant de toutes ses forces.

Je fais barrage avec mes bras pour éviter qu'elle atteigne mon visage, elle se déchaine avec une telle puissance que je n'en mène pas large. Je finis rapidement les fesses par terre.

La démence de sa drogue est presque aussi ingérable que la maladie qui me tiraille.

— Tu nous as abandonné ! T'es parti ! T'étais où ? T'es qu'un lâche ! On avait besoin de toi !

Elle continue de me hurler dessus alors que je commence à perdre le courage de me protéger. Si elle s'acharne sur moi, c'est que je le mérite sûrement. Je baisse les bras et encaisse ses poings qui me cognent, les objets qu'elle me balance à la tronche, les insultes, les injures. J'encaisse, me focalise uniquement sur la haine de ma mère qui déferle sur moi. Je ferme les yeux, absorbe la douleur, exactement comme je l'ai toujours fait.

Puis soudain tout s'arrête.

— Tu es complètement folle ! s'époumone Simona qui a sûrement été alertée par Loli. Laisse ce pauvre gamin.

Je garde les paupières closes et laisse s'échapper un nouveau déferlement de larmes.

Bienvenue à la maison, Lolo.

— Va immédiatement te coucher ! s'énerve la voisine.

Bérénice est silencieuse désormais, sûrement honteuse de ce qu'elle vient de faire, mais ne l'avouera pourtant jamais.

— Relève-toi, mon garçon, me dit Simona en me soutenant.

Je me décide à rouvrir les yeux quand mes pieds touchent le sol. Le regard désolé de la voisine me brise le cœur, les larmes de ma sœur m'achèvent. J'ai envie de tout envoyer chier, de me barrer parce que finalement ici ou ailleurs je me sens mort. Sauf peut-être quand Will me retient contre lui.

Je secoue la tête pour effacer cette idée, et bouscule Simona pour m'éloigner.

— Où vas-tu ? se lamente-t-elle. Tu saignes, il faut nettoyer.

— Je suis fatigué, réponds-je d'une voix désincarnée.

— Mais, Angelo ! tente Loli.

— Je vais me coucher.

— Lolo...

— Pas ce soir, explosé-je. Foutez-moi la paix, putain.

Je me rue vers ma chambre et claque puissamment la porte. Le premier réflexe qui me vient quand je pénètre dans mon antre c'est de récupérer la lame de rasoir qui loge dans le tiroir de la table de chevet. Je m'assois en tailleur sur le lit et fixe ce petit bout de ferraille assassin alors que je me noie dans mes larmes.

J'essaie de réguler ma respiration, tente de reproduire ce que Will m'a incité à faire quand j'ai vrillé devant lui. Je n'y parviens pas. Il n'est pas là pour me donner l'exemple, je suis incapable d'y arriver. J'ai mal au cœur, en plus de mon visage amoché qui me brûle.

Je savais que mon retour allait m'affecté mais je ne pensais pas me prendre la rage de maman à peine la porte d'entrée franchise. J'avais peut-être espoir de la retrouver dans le fauteuil comme d'habitude ou dans la cuisine à préparer le repas comme le ferait une mère normale. C'est utopique, cela va de soit. Ma vie n'est plus ainsi depuis bien longtemps.

Je rabats le col de ma veste contre mon visage pour étouffer un énième sanglot. Le tissu est imprégné de l'odeur de Marx et malmène davantage mon cœur blessé. Je retire rageusement mes vêtements, tous à l'exception de mon caleçon et d'une main tremblante récupère mon exutoire.

Je laisse glisser le rasoir contre ma peau encore meurtrie, une fois, cinq, dix, jusqu'à ce que le sang ne me laisse plus la possibilité de voir où je peux me couper alors je m'attaque à mon second bras. Ensuite, j'entame une cuisse, celle qui s'est retrouvée contre Will dans la voiture de son père.

Quand la douleur est trop forte, trop envahissante, je me laisse tomber contre le matelas. Le sang s'épanche, se répand sur les draps comme une bouteille d'eau laissée ouverte sur le lit.

Je ferme les yeux, baigne dans la poisse, envahi par une odeur métallique qui me fait tourner la tête et me donne la nausée. J'ai envie de vomir, mais l'estomac vide je me redresse pour éjecter une giclée de bile jaunâtre qui me brûle l'œsophage. Je commence à flancher lorsque ma tête retrouve l'oreiller. Je me sens mou, lessivé, comme vidé de toute énergie, sans vie.

Sous mes paupières closes, le visage de Will apparaît. Je frissonne en l'observant. Ses grands yeux bleus me fixent avec inquiétude. J'aimerais lever la main pour caresser sa joue, sentir la chaleur de sa peau qui me rassure et m'apaise mais il n'est que le fruit de mon imagination. Désormais il ne sera réduit qu'à ça, un souvenir brumeux qui erre dans mon esprit malade, alors je me laisse sombrer dans un sommeil agité sans vraiment être certain d'ouvrir les yeux au petit matin.

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