Chapitre 18, partie 1 :

8 minutes de lecture

Will Marx :

J'attrape ma fourchette et pique avec ardeur le morceau de viande baignant dans la sauce qui orne mon assiette. J'ai une faim de loup, et ce n'est pas un mauvais jeu de mot vis-à-vis de Fraise ou plutôt Balthazar qui mange aux pieds de la table.

— Vraiment, vous cuisinez divinement bien, complimenté-je Janet.

Elle me sourit gentiment et me tend une panière en bois remplie de tartines de pain. Je n'hésite qu'une seule seconde avant d'en prendre une. Lorsque je relève la tête, je croise le regard rieur de DeNil assis face à moi. Il me sourit presque tendrement et je cesse de mâcher ma bouchée un instant juste pour profiter uniquement de la vision de ses lèvres retroussées. Il rit doucement en secouant la tête, puis avale une pomme de terre.

— Qu'est-ce qu'il y a ? m'enquiers-je amusé.

— Oh rien, c'est juste que je n'ai jamais vu quelqu'un manger avec tant de plaisir, rit-il.

— Je mange rarement ce genre de plats. J'ai un régime drastique et en général Marianna me fait des scènes si je ne le respecte pas.

Le visage d'Angelo se rembrunit à l'évocation de ma petite-amie mais il reste muet, se contente simplement de hocher la tête et reporte son attention sur son assiette.

— Tu es sportif ? m'interroge Médérick.

— Oui, je suis capitaine de l'équipe de football de notre lycée.

Mike siffle d'admiration et finit par éclater de rire.

— Quand j'allais encore à l'école le seul club dont j'étais capitaine c'était celui des redoublants, se marre-t-il.

— Ça ne m'amuse pas moi, lâche sa mère en le dévisageant.

— Tu sais bien que j'ai toujours été plus manuel qu'intellectuel.

— C'est vrai, approuve son père, il est super doué avec ses mains. Il m'aide énormément, c'est lui qui répare tout ce qui se casse dans cette maison.

Angelo ricane en zieutant Mike.

— C'est vrai que t'as une tête de con, en plus tu fais tes coups en douce, raille-t-il.

— Tu me remercieras plus tard.

DeNil lève les yeux au ciel et secoue la tête en souriant. Ça m'agace de ne pas comprendre leur conversation.

— Et toi, Angelo, tu fais du sport ? demande la voix trop aguicheuse d'Esmée.

Visiblement ça ne l'a pas arrêtée qu'il lui hurle dessus quelques heures plus tôt. Cette peste le fixe comme si elle allait lui sauter dessus pour le déshabiller, ça m'irrite. J'ai l'horrible envie qu'elle se prenne un mur en plein visage, ou une des grosses poutres qui soutiennent le toit du salon. Je ne parviens pas à l'apprécier, je n'aime pas sa façon de tourner autour de DeNil mais aussi parce qu'elle a fait sauter deux de mes points de sutures avec sa bûche. J'espère qu'une fois rentré, je serai apte à reprendre l'entraînement rapidement. Le coach Murray ne me laissera pas toucher un ballon le temps que la blessure ne sera pas guérie. Cela fait également partie des raisons qui font que je ne peux pas la voir en peinture.

Angelo pouffe de rire et me jette un regard amusé.

— Ouais, je suis carrément sportif, je fais des trucs de fou, si tu savais.

Cette conne s'émerveille, alors qu'il éclate de rire.

— L'accrobranche quand tu avais huit ans ça ne compte pas, DeNil, m'exclamé-je.

Il m'avise d'un mauvais œil mais peine à dissimuler son amusement. Ça me fait chaud au cœur de le voir comme ça, léger, détendu, souriant...

— Non mais plus sérieusement, tempère Médérick, c'est quoi ta spécialité à toi ?

— Je n'ai pas vraiment de spécialité, déclare-t-il en haussant les épaules. On étudie dans un lycée consacré au monde du sport, je ne suis dans aucune équipe mais fais partie des étudiants en journalisme.

— C'est intéressant, ton travail consiste en quoi ?

— Je commente les matchs et les tournois qui se passent entre notre école et d'autres, interviewe ceux qui pratiquent, écris des articles dans les journaux du lycée et parfois pour certains qui sont lus à l'extérieur. Notre établissement travaille avec beaucoup de petites gazettes locales.

— Ça a l'air génial, s'enthousiasme Janet.

Angelo hausse encore les épaules, et continue de manger.

— Je comprends mieux pourquoi le gars de la dernière fois et toi avez une carrure aussi impressionnante, fait remarquer Mike en pointant sa fourchette dans ma direction.

— Oui, Judas est gardien et l'homme à la casquette est notre entraîneur.

— Et toi, tu occupes quel poste ? demande Médérick.

— Milieu de terrain défensif, répond Angelo à ma place.

Je lève les yeux vers lui alors qu'il continue de manger. Tous les regards se lèvent vers son visage et il laisse sa fourchette en suspens près de ses lèvres.

— Bah quoi ? s'agace-t-il. C'est mon rôle de savoir qui joue où sur un terrain. Je suis un futur commentateur.

Je hoche la tête et me vient une idée soudaine.

— Carter ? demandé-je pour voir s'il va tomber juste.

— Noah Carter, ailier gauche.

— Rivierra ?

— Pietro Rivierra, avant-centre.

— Jonas ?

— Ethan Jonas, attaquant axial.

— Martens ?

— Jordan Martens, milieu de terrain relayeur.

Je souris comme un con en acquiescant, il est doué.

— Remarquable, s'exclame Médérick.

Angelo ronchonne, je comprends qu'il n'aime pas être au centre de l'attention mais il mérite d'être mis en avant. Je ne pense pas que ses compagnons de journalisme savent à la lettre chacun des postes de l'équipe.

— Tu peux faire ça avec tous les sports qui se jouent dans l'établissement ? demandé-je intrigué.

— Évidemment, c'est mon rôle, répète-t-il cette fois beaucoup plus tendu.

Médérick a raison, c'est remarquable. Je laisse pourtant tomber le sujet, ça ne lui plaît pas de parler de lui ou de ses prouesses mentales.

Après une discussion pleine de banalités, Janet quitte la table pour revenir un instant plus tard avec une tarte aux pommes et un gros pot de glace à la vanille. J'en salive rien que de voir l'assiette qu'elle me tend. C'est agréable comme ambiance, conviviale. J'espère que ce moment de légèreté fait du bien à DeNil qui est beaucoup trop renfermé en général.

— Bon, ce n'est pas tout mais je vais aller me coucher, déclare la maîtresse de maison après avoir débarrassé la table.

Le repas s'est éternisé, je n'avais pas remarqué qu'il était déjà presque vingt-deux heures.

— Je te rejoins dans une minute, chérie, lui dit son mari.

Il jette une bûche dans le poêle à bois qui habille le salon, le feu crépite et nous réchauffe instantanément.

— Une bière ? propose Mike alors que nous nous installons sur les canapés.

J'acquiesce, ça ne me fera pas de mal.

— Et toi ? demande-t-il en se tournant vers Angelo.

— Je ne bois pas.

— Tu es sûr ? insiste Esmée. Allez, on va tous en prendre une.

— Il ne boit pas, répété-je sèchement en la défiant du regard.

Elle s'entasse dans le fauteuil et ne n'ose pas répliquer. J'aperçois le sourire qui barre les lèvres de DeNil quand il s'assoit face à moi. Il est fier cet idiot. Je suis soulagé qu'il ait refusé, je ne l'aurais pas laissé boire dans le cas contraire et s'il avait insisté cela aurait probablement finit en dispute véhémente. J'ai fait cette erreur une fois, je ne recommencerai pas.

Nous parlons de tout et de rien pendant un long moment. Mike nous explique comment se passe la vie en pleine forêt, les avantages et les inconvénients qui s'ensuivent. Il en est plutôt satisfait, bien que la distance entre le chalet et la ville l'empêche de voir davantage de monde. Esmée encore moins puisqu'elle suit des cours à domicile, ce qui explique sûrement son comportement envers DeNil. Ensuite il demande plus d'explications sur l'établissement dans lequel nous étudions et je lui réponds de la plus claire des façons.

Lorsque j'entame ma troisième bière, je remarque qu'Angelo pique du nez sur le canapé. Je lui donne un léger coup de pied sous la table basse. Il ouvre grands les yeux, regarde partout autour de lui, jusqu'à ce qu'il comprenne que ça vient de moi. Je lui fais un bref mouvement de tête en me levant pour qu'il s'éloigne un instant en ma compagnie. C'est dans la cuisine que je lui fais face, loin de Mike et Esmée qui patientent dans le salon.

— Tu ne tiens plus, va dormir, lui intimé-je.

— Ouais, marmonne-t-il en bâillant. Tu y vas aussi ?

Je lui souris.

— Je finis ma bière avant.

Il hoche la tête et tente de s'éloigner mais je l'en empêche en posant ma main sur son ventre.

— Tu voulais en venir où pendant le dîner, quand tu as dit que Mike faisait ses coups en douce ? demandé-je doucement.

Ça me perturbe assez, c'est repassé plusieurs fois dans ma tête et j'aimerais comprendre de quoi ils parlaient.

— Il m'a amené dans ta chambre alors qu'il y en avait une prête pour moi un peu plus loin, bougonne-t-il.

Je reste figé un instant, puis la discution que j'ai eu avec Mike au sujet d'Angelo et Marianna le soir de notre arrivée me revient en mémoire. Sa prise d'initiative ne me dérange pas je trouve qu'il a même très bien fait.

Je souris avec satisfaction mais cela ne dure qu'un instant quand une pensée me foudroie brusquement. Je me crispe et presse davantage ma paume contre le ventre de DeNil quand il tente de partir.

— Tu vas dormir où cette nuit ?

Il me scrute un moment alors que j'essaie de déchiffrer son regard.

— Je n'en sais rien, Will. La seule chose que je sais c'est que je suis épuisé.

Je hoche la tête, légèrement angoissé. J'aimerais qu'il revienne dormir avec moi, mais je n'ai pas le courage de lui demander. Il est imprévisible et j'ignore comment il pourrait réagir si je lui demandais de passer la nuit avec moi. Je le relâche et l'observe s'éloigner en espérant qu'il decide d'occuper le même lit que la veille. J'ai peu d'espoir, s'il veut que nous reprenions le court de nos vies lorsque nous serons de retour sur Chicago, alors il ne dormira probablement pas en ma compagnie.

Je rejoins le salon, sans surprise DeNil n'y est pas. J'ai envie de laisser Mike en plan juste pour aller voir quelle chambre il occupe, mais ce ne serait pas convenable.

Après une dizaine de minutes Esmée nous souhaite une bonne nuit et part elle aussi se coucher. Je lui réponds avec peu d'entrain, je ne parviens pas à être aimable avec elle.

— Je vous dépose quand à la gare ? demande Mike.

— Je ne sais pas, je crois que ton père préfère que nous passions les deux prochains jours ici.

— Oui, c'est ce que je pensais. Le temps que tes plaies cicatrisent un minimum.

J'acquiesce, puis avale une gorgée de ma bière.

— Au fait, s'amuse-t-il, c'était à ta convenance la nuit dernière ?

Je ricane, il me pose la question juste après ma conversation avec Angelo, comme s'il l'avait senti.

— T'es un enfoiré, grogné-je, mais oui, j'ai vraiment très bien dormi.

— Parfait, s'exclame-t-il en frottant ses mains. Si tu conclus tu me paies une bouteille.

Je secoue la tête en riant pour tenter de cacher mon trouble en imaginant une situation semblable à celle qu'il vient d'insinuer.

— Ça ne risque pas d'arriver.

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