Chapitre 17, partie 1 :

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Angelo DeNil :

Je soupire de bien-être lorsque j'ouvre les yeux. Je crois ne pas avoir si bien dormi depuis des années. Le corps chaud de Will ne m'a pas quitté une seule seconde cette nuit. Toujours collé à mon dos, son souffle ricoche contre ma nuque alors qu'il dort encore. J'ignorais que passer la nuit avec quelqu'un pouvait être si agréable, tout est différent de celle que nous avons passé dans le van. Mon index caresse le dos de sa main que je n'ai pas lâché, me maintenant à lui comme un naufragé à une bouée.

Je lui en veux encore pour tous les sentiments douloureux qu'il m'a fait ressentir, mais durant les dernières heures, nous avons fait tomber nos barrières et je n'avais rien connu de si doux et perturbant.

Je me tourne lentement, faisant attention à ne pas réveiller Will dans la manœuvre. Il resserre la prise de son bras quand je me retrouve face à lui. J'admire ses longs cils sombres qui reposent contre ses joues, ses pommettes saillantes, sa barbe naissante et déjà bien sombre, puis ses lèvres qui paraissent m'hypnotiser. J'inspire profondément, puis prend mon courage à deux mains. Je ressens le besoin de plus de contact alors, j'effleure doucement sa bouche de la mienne. Juste une simple caresse, qu'il ne sent probablement pas dans son sommeil, pourtant, mon corps entier s'éveille.

Ses lèvres restent douces bien qu'elles soient gercées à cause de ces dix derniers jours dans le froid. Lorsque je m'éloigne, un sourire éclot sur mon visage. C'est la première fois que je prends l'initiative d'embrasser quelqu'un, que j'amorce le premier pas bien qu'il s'agisse d'un simple effleurement et que Will soit profondément endormi. Mes doigts écartent les mèches brunes qui recouvrent son front et j'aimerais pouvoir me plonger dans l'océan qui inonde ses yeux, mais pour cela il faudrait qu'il se réveille et je ne crois pas avoir la force de l'affronter.

Profite de lui pendant que tu le peux encore, ça ne va plus durer longtemps.

Je lève les yeux au ciel, exaspéré par cette obscurité menaçante qui flotte au-dessus de moi. Elle vient de me retirer toute cette gaité que je n'avais pas ressenti depuis ce qui semble être une éternité. Je me renfrogne et abandonne l'idée de rester dans ce lit. Je retire le bras de Will avec précaution et le fait reposer sur le matelas. Il remue, se retourne dans son sommeil et retire la couverture dans le mouvement. Mes yeux se perdent sur son dos musclé, sur sa colonne vertébrale qui serpente la longueur. Je réfrène mon souhait de la retracer du bout des doigts.

Je soupire en m'extrayant du lit, me frotte le visage, et cherche le courage d'affronter cette journée. J'enfile mes vêtements et lorsque je quitte la chambre une sensation de manque me pénètre. Celui de ne plus sentir l'odeur de Will ainsi que sa chaleur et la douceur dont il a fait preuve. Je me traîne jusqu'au salon où Mike est installé, toujours une chemise à carreaux sur le dos. Il tient en main un mug fumant alors qu'une odeur de café embaume la pièce.

— Salut ! Serre-toi si tu veux, le thermos est dans la cuisine et les tasses dans le placard sous l'évier.

Je lâche un merci sans entrain. Je suis déjà de mauvaise humeur, ma joie ne dure jamais très longtemps. Je récupère le récipient, que je remplis du breuvage noir sans y ajouter de sucre. J'ai besoin d'être boosté mais j'ai bien peur que rien ne me motivera, si ce n'est la présence de Will.

— Coucou, Angelo, s'exclame Esmée, sortie de je ne sais où.

Je sursaute vivement, renversant ainsi le contenu de la tasse sur moi et sur le carrelage de la cuisine.

Elle m'emmerde celle-là.

— Putain, mais t'es complètement malade, vociféré-je. Qui fait ça, sérieux ? Préviens de ton arrivée la prochaine fois.

Je pose le contenant désormais vide sur le bord d'un meuble en zieutant d'un mauvais œil mon tee-shirt imbibé. Ça brûle, ça pue et je suis davantage en colère.

— Oh, je suis désolée, marmonne-t-elle en tapotant la tache de café sur mon ventre à l'aide d'un torchon à vaisselle.

— Ne me touche pas, grincé-je. Barre-toi !

Elle s'arrête, puis tente de prendre la fuite mais son frère l'en empêche rapidement.

— Nettoie ta connerie, ordonne Mike, et arrête d'être si survoltée, ça ne plaît pas à tout le monde.

Esmée hoche la tête, rouge de honte alors que je songe que j'aurais mieux fait de rester coucher avec Marx.

— Je vais te chercher un vêtement propre. Resserre-toi, je passerai une seconde cafetière s'il faut.

— Nan, je n'en veux plus, bougonné-je en me laissant tomber sur une chaise.

Une fois le sol de nouveau immaculé, Esmée disparaît en baissant la tête. Je la suis du regard, lui faisant comprendre à quel point elle me fait chier puis son frère revient avec un pull qu'il pose devant moi. C'est hors de question que je me change dans le salon, devant des regards inconnus alors je patiente, supporte mon tee-shirt humide qui me donnerait presque la nausée.

Médérick fait son entrée, armé de deux fusils de chasse et vêtu d'un manteau aux imprimés de camouflage. Un frisson me parcourt. Il serait peut-être préférable que je ne fasse pas de vague dans cette maison si je ne souhaite pas me retrouver avec la cervelle en bouillie.

— Tu es prêt fiston ?

— Évidemment, répond-il en se tournant vers moi. On va chasser.

Sans blague, je n'avais pas deviner.

— Ce n'est quand même pas banal un vétérinaire qui chasse le gibier, fais-je remarquer.

— Tous les vétérinaires ne sont pas végétariens, ricane Médérick. Les magasins sont excentrés, parfois c'est mieux de faire avec ce qu'il y a dans cette forêt plutôt que de parcourir tant de kilomètres en voiture.

Je peux le comprendre, mais tout de même, un vétérinaire qui bute des animaux et une fille qui les empaille, c'est glauque. C'est un mode de vie plutôt étrange, même pour moi.

— Au fait, Mike ? l'appelé-je avant qu'il ne passe la porte.

Il m'interroge du regard, la main sur la poignée de porte.

— Comment avez-vous réussi à faire dormir quatre personnes ici alors que j'ai partagé la même piaule que Will ?

Il me regarde sournoisement puis ricane en m'accordant un clin d'œil.

— Oh, il y a trois chambres de libres dans cette maison, répond-il en haussant les épaules puis la seconde d'après il n'est plus là.

Je reste bouche bée un moment, fixant la porte d'entrée désormais fermée. Ce crétin l'a fait exprès, il m'a amené jusqu'à la chambre de Marx hier.

Un moment se passe avant que quelqu'un refasse son apparition dans le séjour. Janet se plante devant moi, un sourire jovial illumine son visage.

— Tu veux un petit-déjeuner ? demande-t-elle en enfilant son tablier de cuisine.

Je secoue négativement la tête, je n'ai pas faim ce matin. Je crois avoir trop abusé sur le rôti la veille.

— Jus de fruits ? Café ? continue-t-elle.

— Je veux bien un jus, merci.

Elle dépose un verre sous mon nez presque dans l'instant, je l'avale d'un trait.

Mon corps frémit soudainement, et malgré moi je comprends que Marx vient de pénétrer dans le salon avant même de l'apercevoir. C'est dingue comme je vibre chaque fois qu'il est là. Il passe près de moi en boitant et me sourit, mon palpitant s'enrage. Mes lèvres s'ourlent en retour et ses yeux s'illuminent. Il part saluer Janet dans la cuisine et lorsqu'il revient, il dépose sur la table une assiette pleine de gâteaux.

— Tu as bien dormi ? s'enquiert-il en un murmure.

Je détaille son visage reposé, ses cheveux ébouriffés et remarque la grimace de douleur qui fige ses traits quand il bouge son pied pour s'installer convenablement.

— Très bien, avoué-je sincèrement. Et toi ?

— Pareil, dit-il en souriant encore.

— Sur une échelle de un à sept, la douleur se place à quel niveau ?

— Pourquoi sept ? C'est pas dix normalement ? demande-t-il, un sourcil haussé.

— Réponds, Marx !

— Ça va, me rassure-t-il. C'est juste un peu désagréable.

Je n'en crois pas un seul mot. Il souffre, ça se lit sur chaque trait de son visage.

Son regard m'examine avec intérêt, passe sur chaque recoin, dérive plus bas, longe mon cou, puis finalement reste bloqué sur le café répandu sur mon vêtement.

— Qu'as-tu fait ? s'amuse-t-il en pointant la tache.

— C'est cette gourde d'Esmée, bougonné-je. Elle m'a fait peur.

— Elle t'a fait peur ? répète-t-il.

— Elle a sauté devant moi en surgissant de nulle part.

Il hausse un sourcil et incline la tête avant de murmurer :

— C'est ta faute, tu n'avais qu'à pas lui porter tant d'intérêt hier.

Je frissonne en comprenant que s'il dit cela c'est qu'il n'a pas apprécié me voir en sa compagnie. Évidemment, je l'ai fait exprès. Ça m'a amusé de sentir son regard désapprobateur sur moi alors que je me faisais violence pour écouter cette gourdasse.

Après avoir observé Will se gaver de gâteaux pendant un quart d'heure, je disparais dans la salle de bains. J'apprécie l'eau et la douce torture que le jet de la douche me fait ressentir lorsqu'il atteint mes meurtrissures. C'est agréable, pas tant que la nuit que j'ai passé avec lui, mais cela me permet de respirer un peu.

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