Chapitre 13, partie 1 :

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Will Marx :

Je joue avec le bonbon, laissant toute mon attention sur Angelo qui a désormais les pommettes roses et le souffle court. Je m'amuse avec lui, comme il l'a fait avec moi. Je ne suis pas surpris de la chaleur ardente qui point au creux de mes reins, pas plus étonné de la raideur naissante de mon sexe qui n'avait pourtant pas lieu de réagir. Non, je ne suis pas surpris parce que, même si toutes ces réactions ne me plaisent guère, je dois tout de même admettre qu'Angelo m'attire d'une certaine manière. Son animosité me rend fou, sa méchanceté également, mais sa vulnérabilité et à contrario, l'assurance dont il fait preuve parfois me laissent sans voix. Et, sa façon d'enrouler sa langue avec sensualité sur la sucette m'a embrasé, a éveillé en moi une sensation jusqu'ici inconnue.

Les mèches blondes qui parsèment son front, ses yeux bruns qui m'admirent avec une telle intensité puis ses lèvres abîmées et gonflées me perturbent plus que nécessaire. Sans oublier ce sucre au goût de citron qui inonde ma bouche et caresse mes papilles. C'est encore une fois perturbant mais peu surprenant. Angelo exhale une aura attirante qui déclanche en moi une curiosité malsaine. Elle me pousse à m'approcher davantage, même lorsqu'il me met hors de moi.

Tout ceci me terrifie, ce n'est pas normal et même dégradant pour ma petite amie. Pourtant, ce qu'il se passe en moi quand je suis près de lui, je crois ne l'avoir jamais ressenti avec personne d'autre. Lorsqu'on parle d'une envolée de papillons ce n'est pas métaphorique, j'ai vraiment cette sensation de bestioles qui gigotent et voyagent partout dans mon estomac. Est-ce cela le réel désir ? Si c'est le cas, alors je suis persuadé de n'avoir jamais désiré quelqu'un avant lui. Dans ce cas, pourquoi suis-je mort de peur ? Pourquoi dès que je m'approche de lui par envie, ma conscience me pousse à m'éloigner ? Pourquoi lorsque je souhaite à mon tour l'embrasser, mon corps m'en empêche ?

Le regard d'Angelo dérive paresseusement vers ma bouche, vers mes lèvres qui englobent la sucette et mes doigts glissent lentement jusqu'à son poignet. Sa peau est fraîche et frissonnante sous la mienne. Il mord sa lèvre inférieure, la maltraite sans le moindre ménagement.

Je retire la sucette de ma bouche, et du bout des lèvres dépose un baiser sur la paume de sa main. Il est pris au dépourvus, je le vois dans ses yeux qui s'assombrissent quelques secondes pour finalement s'enflammer sans dissimulation. Je suis soudainement possédé par une énergie nouvelle, une fichue hardiesse qui s'étend dans mes veines aussi rapidement et brutalement que de la lave en fusion. Je relâche son poignet et me penche lentement vers son visage. Il me sonde durant une seconde avant de se surélève légèrement sur la pointe de ses pieds.

Il a compris et moi aussi. Si je ne m'abuse, nous le désirons tous les deux. J'ai évité le sujet, l'ai envoyé promener quand il m'a suggéré de l'embrasser, pourtant, c'est exactement l'idée que j'ai en tête désormais. Cette envie qui brûle mon être, me consume totalement.

Ma main se ferme sur sa nuque, l'aide à se surélever pour briser l'écart que je maudis du plus profond de mon âme. À l'instant où mes lèvres s'écrasent sur les siennes, un long soupir de soulagement s'élève de sa bouche et fait vibrer mon corps. C'est comme s'il n'attendait que ça, et dans le fond, j'ai conscience que c'est le cas. Peu m'importe les raisons qui le poussent à désirer ce baiser, peu importe qu'il me veuille moi ou qu'il espère simplement les sensations qu'il a énoncé pour oublier, pour moi, le résultat est le même. C'est comme respirer à nouveau, sans même savoir qu'on manquait d'air.

Angelo est dressé sur la pointe des pieds, ses deux mains plaquées contre mon torse et nos lèvres scellées. Rien de plus, nous n'amorçons pas le moindre geste. Mes doigts enserrent encore sa nuque et mes yeux sont clos, si puissamment qu'une lueur blanche apparaît sous mes paupières.

J'ignore combien de temps nous restons ainsi, ni qui de nous deux se décide enfin à faire un pas de plus mais nos lèvres se meuvent enfin. Elles se tolèrent, se découvrent et se cherchent. Celles d'Angelo sont douces, bien que blessées, délicates et fraîches. C'est agréable, assez fascinant, plus léger que ce que j'aurais pu imaginer, plus tendre que ce que je pensais. Lui qui en temps normal est féroce, bestial et violent, nous sommes ici à l'antipode de ce que je connais de sa personne.

J'ai le cœur qui s'emballe, il bat rapidement, trop brusquement. Mes doigts se perdent dans ses cheveux, tirent sur ses mèches ondulées. DeNil se laisse porter par notre baiser, s'accroche à mon blouson comme si sa vie en dépendait. Ma bouche s'amuse avec la sienne, alors qu'il frémit dans mes bras. C'est l'apothéose, le chaos dans mon ventre et je retiens un gémissement de bien-être lorsque ses dents agrippent ma lèvre inférieure.

Dans un élan d'excitation, je laisse mon baiser dériver sur sa joue, descendre derrière son oreille alors que ses poings se ferment sur le tissu de mon manteau. Ma main libre exerce une pression sur son coude et le retient contre moi. Mes lèvres suçotent la peau tendre de son cou et quand j'y passe le bout de ma langue, il couine sans retenue.

— Will, souffle-t-il en inclinant la tête pour me laisser plus d'accès.

Mon corps s'échauffe, mais mon esprit se réveille et mon être se raidit.

Putain, mais qu'ai-je fait ?

La réalité me frappe brutalement, je me sens désormais mal à l'aise, mal de le désirer, mal d'avoir franchi un pas que je n'aurais jamais dû enjamber.

Ce soupir et mon prénom murmuré avec tant d'envie, ils auraient dû être soufflés par Marianna. Pas DeNil. Plus jamais DeNil !

Je recule vivement, manque de tomber dans la rapidité de mon geste. Je tente de me stabiliser, les yeux rivés sur Angelo qui me guette avec incompréhension. Ses joues ont pris une teinte rosée et délicieuse, ses pupilles brillent comme deux perles tandis qu'il fronce les sourcils et me questionne silencieusement.

Une migraine m'assaille subitement, je ne me sens pas bien. J'ai aimé notre baiser, plus encore, j'ai envie de recommencer. Je désire écouter son souffle saccadé, ses gémissements et couinements qui m'ont fait frémir. Je veux ressentir la fraîcheur de sa peau, la douceur de ses lèvres et je m'en veux affreusement de le vouloir ainsi.

Angelo fait un pas dans ma direction, tend la main et avance lentement, comme s'il faisait face à un animal apeuré qu'il tenterait de calmer.

— William, murmure-t-il, tout va bien ?

Je fixe ses lèvres... ses lèvres rouges et gonflées par notre baiser.

— Non, recule, dis-je douloureusement.

Une boule d'angoisse obstrue ma gorge et j'ai beau déglutir, elle ne disparaît pas. C'est douloureux.

Il fait un pas de plus et je lève les mains pour lui intimer silencieusement de se stopper. Il s'exécute sans résistance mais ses traits sont crispés, et j'ignore s'il s'agit de colère ou de tristesse.

— Will, chuchote-t-il encore.

Je suis tétanisé, je ne veux plus voir cette bouche, plus regarder ces yeux qui m'implorent de réagir. J'aurais dû camper sur mes positions, ne pas franchir cet irrémédiable pas.

Je clos les paupières pour ne plus l'apercevoir. J'ai besoin de calmer les battements de mon cœur, les tremblements de mes doigts, de mes genoux qui me feraient presque vaciller. Ce n'est pas gagné, l'odeur de DeNil envahit toujours mes narines, je ressens encore la douceur de ses cheveux sous mes doigts et la sensation de ses lèvres contre les miennes.

Soudain, le visage de Marianna apparaît sous mes paupières closes et me fait sursauter. Angelo disparaît pour laisser place au regard dégoûté de ma petite-amie. Elle me toise, me fixe de travers et me renvoie à la tronche toute la culpabilité que je peux ressentir face au geste déplacé auquel je viens de succomber. Mon estomac se tort, mes oreilles bourdonnent et un haut-le-cœur me secoue. J'ai la nausée, je me sens sale d'avoir éprouvé tous ces sentiments nouveaux à l'égard de DeNil. Je me plis en deux, les yeux toujours clos, quand une giclée de vomissures passe la barrière de ma bouche. Je suis pris de spasmes, tremble et laisse échapper tout le dégoût de moi-même que je ressens à travers des gerbes de vomi qui s'étalent à mes pieds.

Quand j'ouvre les paupières, après un temps incertain, je me laisse tomber sur le sol en évitant de justesse la marre de crasse que j'ai provoqué. Mes mains attrapent mes cheveux que je tire trop violemment, causant une brûlure sur mon cuir chevelu. Je n'ose pas lever les yeux vers Angelo, n'ose plus le regarder et j'imagine à quel point il doit se sentir mal de m'avoir vu vomir juste après l'avoir embrassé. Pourtant le problème ne vient pas de lui, j'ai adoré chaque caresse de sa bouche, chaque frisson sur sa peau.

Je suis odieux. Je dois m'éloigner pour oublier les dernières vingt minutes qui viennent de s'écouler, même si je sais que ce sera impossible. C'est inenvisageable de laisser dans les tréfonds de l'oubli les sensations exquises que j'ai ressenti. C'était bien plus puissant que lorsque j'ai dormi collé contre son corps, encore plus dévastateur que la colère qu'il m'a craché au visage au moins cent fois en l'espace de quelques jours, plus destructeur que la chaleur ardente qui me brûle de l'intérieur.

C'est ma faute, tout est ma faute.

J'ai flanché, me suis laissé emporter alors qu'il ne m'avait pas encouragé par ses mots demandeurs. J'ai laissé sa bouche et cette sucette avoir raison de moi. Ma langue caresse mon palais, redécouvre le goût de citron qui inonde encore mes papilles.

Dieu !

C'est comme si je m'étais pris un mur en pleine face, guidé par une voiture roulant à deux cents kilomètres heures.

J'ai perdu.

Je me relève en frottant la paume de mes mains contre mes cuisses, me détourne immédiatement de DeNil et avance sans savoir où aller.

Je ne veux pas l'affronter. Pas maintenant. Pas comme ça. Pas après avoir sauté au fond du gouffre les pieds joints. Pas après avoir vomi sous ses yeux sans même lui dire que ce n'était pas à cause de notre baiser mais parce que le visage écoeuré de Marianna s'est immiscé dans mon esprit.

— Je vais chercher les pierres pour le feu, murmuré-je en m'éloignant.

Il reste silencieux et ça me va parfaitement. Je ne veux pas entendre sa voix cassée qui me collera instantanément les frissons que je ne veux plus ressentir. Je refuse de le voir ou de le ressentir, pourtant j'en ai terriblement envie. C'est pire que tout, de le vouloir sans s'en laisser le droit.

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