Chapitre 11, partie 1 :

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Will Marx :

J'avance sans me retourner, espérant oublier la présence d'Angelo. Je continue de marcher en priant pour qu'il disparaisse, en espérant effacer l'horrible et nouvelle sensation qui comprime ma poitrine. Je continue de marcher en espérant que ma colère se dissipe, que mon désir s'évanouit. Oui, je crois que j'ai eu envie de l'embrasser autant qu'il l'a voulu également. Je l'ai vu dans ses yeux, compris lorsque ses lèvres roses et tuméfiées se sont entrouvertes.

Je clos les paupières pour tenter d'effacer cette image de mon esprit. Je ne pas du genre à tromper ma copine, pas un de ces hommes attiré par d'autres, mais je suis encore moins de ceux qui acceptent d'être maltraiter sans raison apparente.

Je n'ai pas fait ce qu'il a énoncé, je n'ai pas réagi la nuit dernière, pas comme il l'a décrit. Mon corps était brûlant, mais je n'étais pas excité, juste agréablement surpris de me sentir si bien contre lui. Ce sentiment s'est volatilisé, je suis en train de perdre patience. J'essaie de me comporter convenablement, de faire en sorte qu'entre nous ce ne soit pas trop tendu, qu'on s'entende un minimum et que notre survie passe avant les prises de becs inutiles mais visiblement il cherche à faire le contraire. Un vrai chieur.

Je secoue la tête pour dissiper l'image de ses traits défigurés par la tristesse et la haine qui hante encore ma mémoire. C'est difficile de faire abstraction de ce chaos qui abîme son visage, compliqué de l'ignorer mais je me sens sali par ses propos et sa méchanceté.

Je l'entends marcher derrière moi, j'ignore à quelle distance il se trouve et ne me retourne pas pour l'apercevoir. Il ne le mérite pas. Il s'est comporté comme un parfait crétin, je n'ai pas envie d'être gentil avec lui pour le moment.

L'odeur que j'ai senti plus tôt s'intensifie, ce parfum d'humidité, d'herbe mouillée. L'air se rafraîchit à mesure que l'on avance. Je suis certain qu'il y a de l'eau quelque part. Maintenant il faut espérer que le chemin que nous empruntons nous mènera jusque là.

Je jette un œil distrait vers DeNil, par-dessus mon épaule. Il est assez loin. Capuche rabattue sur la tête, il agite les mains devant son visage, probablement pour faire fuir les moustiques en quête de sang. J'ai cessé de me battre avec eux, je me suis fait piquer de partout. Ça gratte et c'est désagréable. J'ai envie de me nettoyer pour enfiler des vêtements propres.

Fraise renifle le sol en secouant vivement la queue, comme s'il avait flairé une proie. Lorsque je l'observe, j'ai l'impression d'avoir un chien face à moi, tel qu'un Husky. Son corps est légèrement plus fin mais ses yeux sont aussi perçants. Je le laisse prendre le chemin qu'il souhaite, même s'il nous sème, ce n'est pas bien grave. Je ne suis de toute façon pas certain qu'il m'écoute si je lui demande de me suivre. Jusqu'à maintenant, c'est lui qui a décidé de faire la route avec nous. Je ne parviens toujours pas à comprendre d'où lui vient cette facilité de côtoyer l'être humaine. Pourtant, sauf Angelo et moi, paumés au milieu de cette végétation, il n'y a pas un pèlerin. Judas, le coach Murray et Brandon ont tout simplement disparus. Sûrement ont-ils pris une direction différente de la nôtre et jamais nous ne les reverrons.

— Tu vas m'ignorer longtemps ?

Je sursaute en apercevant DeNil à côté de moi, ne l'ayant ni vu ni entendu approcher. J'évite sa question et accélère. Je l'entends grogner puis pivote dans sa direction alors qu'il tente de se stabiliser lorsque son pied se pose sur une épaisse racine. Il perd l'équilibre et finit les fesses par terre en insultant la terre entière. Je retiens mon éclat de rire moqueur, lui tends la main sans le regarder pour l'aider à se redresser.

— Je n'ai pas besoin de toi, râle-t-il. Commence par me répondre quand je te parle, ce sera bien.

Je lui jette un œil furtif, il tape le sol de sa paume en pestant encore.

— Comme tu veux, dis-je en haussant les épaules.

Je reprends ma route et l'ignore à nouveau. Je passe entre deux arbres, me baisse pour éviter une branche alors que DeNil râle si fort que sa voix résonne en échos. Lorsque je me redresse, mon souffle se coupe face à la beauté du paysage. Ce décor pourrait être paradisiaque si nous étions en vacances et non contraint d'être ici.

Mon intuition était bonne. Face à moi, une étendue d'eau claire s'étale sur un sacré bout de terrain. Ce n'est pas une rivière comme je l'avais espéré, cela ne nous mènera nulle part mais nous allons enfin pouvoir nous laver. C'est un étang en forme de cercle, bordé d'arbres et de fleurs de toutes les couleurs. C'est magnifique, pas si utile que je l'avais imaginé mais la vue est incroyable.

Angelo me rejoint en pestant encore, et s'arrête subitement quand il découvre ce qu'il y a sous nos yeux.

— Putain de bordel, souffle-t-il en s'approchant du bord de l'eau.

— Je te l'avais dis, soufflé-je en lui jetant un coup d'œil.

— Ah, tu parles maintenant ? bougonne-t-il en se penchant pour tremper ses doigts. Elle est super froide.

— Tu ne t'attendais quand même pas à ce qu'elle soit chauffée ? me moqué-je.

— Je ne suis pas complètement débile, Marx.

— C'est toi qui le dis.

— Je préférais quand tu fermais ta gueule.

Je ricane, c'était certain qu'il finirait par prononcer des mots peu agréables. Son animosité n'est jamais bien loin.

— On va se baigner ?

— Je ne me baigne pas avec toi, grogne-t-il en se laissant tomber sur l'herbe humide.

— Et puis-je savoir pour quelle raison ?

— Parce que je n'en ai pas envie.

— Monsieur est capricieux.

— Ferme-la, Will, et va faire trempette. J'irai quand tu seras suffisamment loin pour ne pas être dans mon champ de vision.

— Ma présence te dérange-t-elle ? demandé-je en retirant mes chaussures.

Il m'observe, ne me quitte pas lorsque je retire mon manteau et mon pull puis détourne le regard quand j'ôte le reste de mes vêtements. Il fait froid, c'est probablement inconscient de vouloir plonger dans cet étang mais le besoin de me laver surpasse la raison. Je me sens répugnant. L'avantage c'est que dans mon sac, malgré qu'il n'y ait pas de nourritures, j'ai le nécessaire pour une toilette complète.

J'inspire profondément et lentement trempe mes orteils dans l'eau. Elle est gelée, Angelo n'a pas exagéré. La sensation est désagréable, c'est probablement aussi douloureux que marcher sur des morceaux de verres. Je prends mon courage à deux mains et me laisse tomber dans l'étang.

— Putain, grogné-je les dents serrées.

Je suis immergé jusqu'à la taille, l'eau recouvre l'élastique de mon caleçon que je n'ai pas pris la peine de retirer.

— Tes lèvres sont déjà bleues, Marx. Tu vas être en hypothermie et sûrement crever d'une pneumonie, fait remarquer DeNil.

— Si ça arrive, tu seras enfin tranquille.

Il reste silencieux un instant. Je peux apercevoir ses yeux marrons sonder mon visage et ses dents attraper sa lèvre inférieure pour la mordre brusquement.

— Je me laisserai mourir avec toi, finit-il par dire.

Mon cœur rate un battement face à l'intensité de son regard. Il me fixe avec détermination, assurance et sincérité.

— Dépêche-toi, William. Je n'ai pas envie de me tuer pour toi.

Je reste un instant perturbé par ses propos, puis finis par reprendre mes esprits lorsqu'une bourrasque de vent me surprend. Je me savonne rapidement, quitte l'eau après cinq minutes, le corps tremblant et la mâchoire serrée. Angelo ne fait plus attention à moi pendant que je me sèche avec mon pull. Une fois enfin rhabillé et ayant un peu moins froid je me laisse tomber sur l'herbe à deux mètres de mon compagnon de route.

— À ton tour, dis-je sans le regarder.

— Pas si tu es là.

— Et je suis supposé faire quoi, t'attendre dans le salon pendant que tu occupes la salle de bains ?

— Sarcastique le Marx, tu vas sortir les griffes ?

— Je te cognerai pas, DeNil, soupiré-je exaspéré.

— Pas drôle, bougonne-t-il. Maintenant dégage.

Désespérant.

— Si j'avance trop loin et qu'on se perd ?

— Tu me retrouveras, j'en suis certain.

— Et si je n'ai pas envie de te retrouver ?

— Dans ce cas, après avoir attendu pendant un moment, je me jetterais dans cette eau glacée et je n'en ressortirais pas. Si tu ne veux pas avoir ma mort sur la conscience, tu ferais mieux de ne pas me perdre.

— Je vais faire en sorte que tu ne te noies pas dans ce cas. Je n'ai pas envie que tu hantes mes nuits.

— Je suis quasiment sûr d'y parvenir sans pour autant mourir dans d'affreuses souffrances. Maintenant, casse-toi et emmène Fraise avec toi.

J'expire bruyamment pour exprimer mon agacement. Ses ricanement s'élèvent tandis que je m'éloigne pour le laisser se baigner tranquillement. Je vais profiter de ma promenade forcée pour tenter de nous trouver de quoi manger. Mon estomac me titraille.

— Je vais chercher notre repas, l'informé-je en lui lançant un regard en biais.

Bordel...

Mes yeux s'arrondissent et mon souffle se coupe lorsque je pose les yeux sur Angelo. Mon cœur s'enrage brusquement alors qu'une nausée me surprend.

— Putain ! Tu fais chier, hurle DeNil. Dégage de là !

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