Chapitre 8, partie 2 :

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Angelo DeNil :

Les doigts de Will appuyent sur mes muscles endoloris, par-dessus mon jean. La pression qu'il exerce est pénible mais aussi agréable et inattendue.

Je peine à comprendre, c'est douloureusement bon, comme lorsque je glisse ma lame de rasoir sur ma peau fine.

Je le zieute dans cette obscurité, les sourcils froncés. Il fuit mon regard, reste focaliser sur ma jambe qu'il manipule entre ses paumes.

— Qu'est-ce que tu fais ? demandé-je quelque peu troublé.

Il hausse les épaules sans pour autant relever la tête.

— Je te masse. Ça m'arrive souvent de le faire à mes coéquipiers après un match difficile et vice-versa.

J'acquiesce, bien qu'il ne me regarde pas pour s'en apercevoir.

— Quand on pratique un sport comme le mien on doit connaître les points importants à détendre après l'effort, ça évite d'avoir mal pendant plusieurs jours, précise-t-il.

— Je n'ai pas fait d'efforts.

— La douleur des crampes est la même que celle que l'on ressent après une séance de sport intensive. Quand ta crise se déclenche, ton corps se tend, comme si tu sollicitais tes muscles avec acharnement, c'est ça l'effort pour toi.

Il est étonnant et j'ignore si c'est une bonne chose. Il continue son massage, visiblement concentré sur sa tâche. Mes yeux ne quittent plus ses doigts qui s'affairent à soulager ma souffrance.

— Ils sont où, ces fameux points spécifiques ? demandé-je après de longues minutes.

S'il dit vrai et que les deux douleurs sont similaires, peut-être que savoir où masser apaisera mes prochaines crises.

Ses yeux bleus me trouvent alors qu'il fait lentement descendre ses doigts vers ma cheville. Du pouce et de l'index, il presse chaque côté du tendon d'Achille, provoquant un fourmillement jusqu'à dans le haut de ma jambe.

— Là, murmure-t-il.

Sa main remonte jusqu'au milieu de mon mollet où il appuie doucement.

— Ici.

Son chemin continue jusqu'à l'articulation de mon genou.

— Ici, aussi.

Il me fait plier la jambe en exerçant une plus grosse pression et ses doigts descendent vers l'arrière de ma cuisse.

— Là, souffle-t-il.

Sa manoeuvre l'a forcé à s'approcher, son visage désormais à vingt centimètres du mien. Notre soudaine proximité ne semble pas le déranger, peut-être parce que ce sont ses doigts qui me touchent, et non les miens qui ne cherchent qu'à l'emmerder. Pour lui ces gestes sont naturels, il les échange avec ses coéquipiers, pour moi, ils sont nouveaux.

— Ensuite il y a les adducteurs et beaucoup plus hauts les deltoïdes, les pectoraux et les muscles abdominaux.

Je hoche la tête alors qu'il s'éloigne en souriant. L'envie qu'il me montre où se trouvent ces autres muscles me titille. J'aimerais lui demander, simplement pour le mettre mal à l'aise. Je m'abstiens pourtant, ce n'est pas le moment de me comporter comme un idiot. Il a soulagé ma douleur, je lui en suis reconnaissant.

Il reprend sa place contre les vitres du van, attrape ma seconde jambe et la masse pendant un moment. Il se contente de ma cheville, mon mollet et l'arrière de mon genou. Ses mains restent éloignées de ma cuisse et son corps à distance du mien.

— Merci, chuchoté-je lorsqu'il termine.

— Avec plaisir, sourit-il. Je fais ça plusieurs fois par jour en général, donc tu sais...

J'acquiesce en détournant le regard, un peu agacé par sa remarque. Le silence revient dans l'habitacle, pourtant à l'extérieur le vent souffle fort et les animaux nocturnes se font entendre. Fraise grimpe sur un siège près de Will et sa gueule s'ouvre quand il bâille, dévoilant une dentition sûrement bien aiguisée.

— On devrait dormir, déclaré-je en frissonnant.

Il fait froid, l'air s'infiltre partout dans le van.

— T'as raison, approuve-t-il.

Il s'étend, se laisse glisser pour que son dos trouve l'assise des sièges. Il est si grand que même sur la rangée de quatre places il est à l'étroit. Il récupère son sac qu'il cale sous sa tête en guise d'oreiller, ses genoux se plient vers le haut pour plus de confort. Je l'observe un instant puis me lève sans dire un mot.

— Tu vas où ? demande-t-il en attrapant mon bras.

Je retiens une grimace lorsque ses longs doigts enserrent mon poignet à la peau meurtrie.

— Dormir sur les rangées de deux, pour te laisser de la place.

Il secoue la tête, s'enfonce vers les dossiers pour laisser un espace plus grand à ses côtés.

— Tu vas être plier en trois là-dessus. Avec tes crampes ce n'est pas la meilleure des idées. Tu n'arriveras pas à marcher demain.

— Et je dors où alors ? Dehors ?

— Reprends ta place, idiot. On va se serrer.

Je le regarde perplexe, puis avise l'espace libre près de son corps imposant. J'ai suffisamment de place pour m'installer, ma petite taille a un certain avantage. Je m'allonge dans le sens inverse, les pieds du coté de la tête de Will. Ce n'est pas très confortable mais tout de même mieux que de dormir dehors ou assis sur un siége.

— Bonne nuit, DeNil, murmure-t-il déjà à moitié endormi.

— Bonne nuit, Marx.

Le temps passe mais je ne trouve pas le sommeil, angoissé à l'idée de dormir à quelques centimètres de Fraise. Même s'il n'a montré aucune trace de méchanceté, il reste un animal sauvage dont il faut se méfier.

Will dort, plongé dans un monde qui me semble paisible lorsque j'admire son visage.

J'attrape la bouteille d'alcool à moitié pleine. Je me dis qu'en buvant davantage, Morphée viendra me rendre visite plus rapidement. J'avale de longues gorgées, tout en pensant à Loli et Bérénice, en espérant que Simona prend bien soin d'elles. Dans le fond, je n'ai aucun doute là-dessus, mais ne pas être à la maison me rend bien trop angoissé.

Les minutes défilent, sûrement les heures aussi et mon état se dégrade, je me sens mal. Mes joues sont en feu, ma tête tourne et mes pensées s'emmêlent. Je n'ai plus les idées claires, mon regard ne sait plus où se poser, tout semble bouger autour de moi. Mon cerveau fonctionne au ralenti, les échos dans ma tête sont lents et fatigués. Suis-je ivre ? Je n'aime pas me sentir ainsi. Il est probable que l'alcool et moi ne sommes pas bons copains. Ou alors, je me fourvoie et il s'agit là simplement de ma folie qui resurgit entre les brumes de l'Ombre.

Je ferme les yeux, avec l'espoir de calmer mon cœur qui semble vouloir sortir de ma poitrine mais surtout dans l'idée de m'endormir. Je me sens cotonneux, comme si je flottais sur un nuage. Les bruits de la forêt me dérangent, j'ai l'impression d'être dans un zoo. C'est désagréable et effrayant.

Peu à peu le sommeil me gagne, mais je garde tout de même une oreille attentive sur ce qu'il se passe à l'extérieur. Mon pouls s'apaise et ma respiration devient plus lente, jusqu'à ce que les feuilles d'arbres craquent près du van et que mes yeux s'arrondissent, soudainement pris de panique. Quelque chose rôde autour du véhicule. Fraise semble en avoir pris conscience également. Il est dressé sur ses quatre pattes et agite vivement la queue.

Je secoue Marx avec hâte pour qu'il se réveille. J'ai mal à la tête et mes idées sont embrumées mais je me force à rester concentré. Il y a un potentiel danger dehors et nous n'avons rien pour nous défendre d'une quelconque attaque. Will gigote et râle doucement mais ne réagit pas davantage. J'attrape ses épaules et le remue plus brusquement. Il ouvre un œil, puis sa main chasse les mèches brunes qui tombent devant ses paupières.

— Que se passe-t-il ? Laisse-moi dormir, Angelo, marmonne-t-il.

— Il y a du bruit dehors, dis-je rapidement.

— C'est la nature, c'est normal. Il y a peut-être un renard ou je ne sais quoi.

Fraise se met à arpenter le van alors que William se retourne pour se rendormir.

Putain, il fait chier !

Je m'approche discrètement des fenêtres afin de regarder à travers. Je plisse les yeux pour tenter de distinguer ce qu'il se passe dans l'obscurité. Mon cœur s'accélère brusquement lorsqu'une ombre se dessine grâce aux rayons de la lune. C'est une silhouette, quelqu'un se tient près du van.

Désormais apeuré, je secoue Will avec plus d'énergie. J'ai besoin de son self-control, seul je suis bon à rien. Ses grands yeux s'ouvrent enfin et ses sourcils se froncent.

— Mais bon sang, qu'est-ce qu'il y a ?

— Il y a quelqu'un dehors, dis-je précipitamment. Un mec tourne autour du van.

Il se redresse rapidement, puis s'immobilise lorsque son regard se pose sur la bouteille de rhum quasiment vide qui gît sur le siège. Son souffle s'échoue sur mon visage quand il soupire.

— Tu as juste trop bu, Angelo. Calme-toi et dors.

Au même moment un bruit se fait entendre contre la carrosserie du véhicule. Le corps de Will se crispe, presque aussi violemment que le mien.

— C'était quoi ? murmure-t-il.

— J'en sais rien, grogné-je. Je te dis qu'il y a quelqu'un dehors.

Je relève lentement la tête pour regarder une nouvelle fois par la fenêtre. Mon cœur cesse de battre, mes mains tremblent d'effroi.

— Putain ! m'exclamé-je le sang glacé et les yeux exorbités d'horreur.

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